Une loterie trompeuse, de l'internet illimité sans l'être, des frais financiers surprises. Chez les experts en droit des consommateurs, ces trois causes sont de vraies célébrités qui ont remodelé la cause des consommateurs au Québec depuis une décennie, de la Cour supérieure à la Cour suprême.

Pour le consommateur «moyen, crédule et inexpérimenté»

LES PARTIES : Richard contre Time

LA CAUSE : Une publicité du magazine Time reçue par Jean-Marc Richard en 1999 annonçant qu'il avait gagné 833 337 $ US. En réalité, en lisant les petits caractères, on comprenait qu'il ne s'agissait que d'une participation à une loterie pour laquelle il fallait s'abonner au magazine. 

LE VERDICT : Estimant que la publicité de Time était trompeuse, la Cour supérieure a tranché en 2007 en faveur de M. Richard et lui a accordé 1000 $ en dommages moraux et 100 000 $ en dommages exemplaires. La Cour suprême a clos le dossier avec la même conclusion en 2012, mais a réduit les dommages exemplaires à 15 000 $.

La minirévolution engendrée par la cause Richard contre Time, c'est la façon dont on doit considérer le consommateur qui est placé devant une publicité. En 2012, la Cour suprême a tranché : il faut le voir comme « un consommateur moyen, crédule et inexpérimenté », qui ne prête attention qu'à ce qui saute aux yeux à la première lecture.

Pas question, donc, pour une entreprise de plaider que les critères complets étaient expliqués en petits caractères plus loin dans le texte. « Avant cette décision, le consommateur était considéré comme le bon père de famille, moyennement prudent et moyennement intéressé », explique Sarah Maillé, porte-parole de l'Union des consommateurs.

Son équipe et elle estiment que cette cause a été citée 239 fois depuis ses premières étapes en 2007. « Pratiquement tous les recours collectifs la citent. »

Mais attention, précise Me François Lebeau : il ne s'agit pas d'absoudre tous les consommateurs qui n'auraient pas lu, par exemple, les fameuses politiques d'utilisateurs de réseaux sociaux. « Il faut faire la distinction entre une représentation, par exemple une publicité, et un contrat, que vous êtes réputé avoir accepté. »

Illimité... mais il y a des limites !

LES PARTIES : Fernand Savoie contre Vidéotron

La CAUSE : À partir de 2003, Vidéotron a vendu un forfait internet permettant une consommation de données illimitée. Celle-ci a été réduite à 100 Go à partir d'octobre 2007.

LE VERDICT : En 2011, l'Union des consommateurs a obtenu une autorisation de recours collectif, procès gagné en 2015 puis confirmé en appel en 2017. Vidéotron a été condamnée à payer 7,5 millions --3 millions plus les frais et intérêts-- pour quelque 38 000 abonnés.

Au coeur de cette cause, on retrouve la notion de modification substantielle d'un contrat. Vidéotron a en effet plaidé qu'en raison d'une explosion de l'utilisation de l'internet chez ses abonnés, elle ne pouvait plus fournir les données illimitées sans compromettre tout son réseau. Son contrat stipulait qu'elle pouvait modifier les clauses du contrat avec un préavis de 30 jours.

Les juges n'ont pas retenu cette interprétation. Selon MFrançois Lebeau, qui a représenté l'Union des consommateurs et M. Savoie, « les services rendus doivent être conformes à ce qui est dans le contrat ». « La défense de "c'est difficile", elle a été rejetée », résume-t-il.

Même le fameux préavis de 30 jours ne peut justifier une modification substantielle à un contrat. « Ça protège vraiment le consommateur : si le contrat est signé, il n'y a que lui qui peut le briser sous certaines conditions », explique Sarah Maillé, de l'Union des consommateurs.

De faux frais

LES PARTIES : Réal Marcotte contre la Banque de Montréal

LA CAUSE : En 2003, un client de la Banque de Montréal, Réal Marcotte, a déposé un recours collectif contre une dizaine d'institutions financières concernant les frais de conversion de devises appliqués aux achats à l'étranger.

LE VERDICT : Il s'agit d'une cause extrêmement complexe, qui n'a connu son dénouement qu'en 2014 devant la Cour suprême. Celle-ci a en fait rendu trois décisions regroupées sous le nom de « trilogie Marcotte », où on a estimé que certaines institutions avaient violé la Loi sur la protection du consommateur en ne mentionnant pas les frais de conversion de devises dans les contrats.

Marcotte contre BMO est une curiosité scientifique pour les juristes, tant elle regorge d'enseignements. D'abord, elle a statué sur un détail crucial : le fait qu'une loi provinciale, la Loi sur la protection du consommateur, pouvait s'appliquer à des entreprises dont les activités relèvent de la compétence fédérale, ici les banques.

L'autre précision majeure, selon Sarah Maillé, de l'Union des consommateurs, c'est que le recouvrement des sommes lors de victoires des recours collectifs peut être individuel, et non versé collectivement. « C'est un cas où la Cour suprême est allée même plus loin que l'Office de la protection du consommateur », estime la porte-parole.

Enfin, une des raisons qui ont fait durer cette cause plus d'une décennie, c'est que le lien de droit entre le poursuivant et toutes les institutions financières a dû être démontré. M. Marcotte, en effet, était un client de la BMO, mais pas de toutes les institutions poursuivies. Or, ce lien n'est pas nécessaire, ont tranché les juges. « La décision a vraiment ouvert la porte aux recours sectoriels contre plusieurs compagnies qui ont la même pratique », dit Mme Maillé.