LE PROBLÈME: À 47 ans, Martine est à la retraite. Forcée. Il y a six ans, on lui a diagnostiqué un cancer du sein.  Cinq mois de chimiothérapie, une opération, 30 séances de radiothérapie...

Après plus d'un an de traitements, elle a pu reprendre doucement sa garderie en milieu familial. Mais « dès le départ, je me suis rendu compte que j'avais des problèmes cognitifs », raconte-t-elle.

« Il se passait des choses étranges dans mon cerveau. »

Des tests chez une neuropsychologue ont révélé qu'elle souffrait d'anomalies cognitives post-chimiothérapie.

Mise en arrêt de travail par son médecin, elle a dû fermer sa garderie en mars 2017.

Heureusement, quelques mois avant le diagnostic de cancer, elle avait souscrit une assurance invalidité, qui lui verse 2000 $ par mois.

Un diagnostic d'incapacité permanente vient d'être accepté par la Régie des rentes du Québec (RRQ). Martine a commencé cet automne à toucher une rente d'invalidité de la RRQ de 792 $ par mois. La prestation de l'assurance est réduite d'autant, pour conserver le même versement de 2000 $.

Mais à 65 ans, l'assurance invalidité prendra fin. La rente d'invalidité de la RRQ sera automatiquement remplacée par une rente de retraite, estimée à 293 $ par mois. 

Pendant ses traitements, elle a refinancé son prêt hypothécaire, pour couvrir le manque à gagner.

L'emprunt s'élève maintenant à 143 000 $, pour une valeur marchande qu'elle estime à 275 000 $.

« Je pensais vendre ma maison et acheter un condo. Mais on me dit que je ne suis pas solvable. »

Vendre la maison pour louer un appartement ? « J'ai regardé le prix des loyers et j'économiserais environ 100 $ par mois. Et cet argent est perdu. »

Elle possédait 6000 $ en REER, qu'elle a dû encaisser pour compléter ses revenus.

Ses seules épargnes sont les 2500 $ détenus dans un CELI.

« J'ai l'impression que mon fonds de pension, c'est ma maison. Mais est-ce que je vais être capable de payer les réparations ? » - Martine

L'hypothèque et les impôts fonciers accaparent 900 $ par mois.

Mère de famille monoparentale, elle a trois enfants aux études, dont la benjamine de 17 ans. « À partir de mars, l'allocation familiale est terminée. C'est 450 $ par mois. »

Martine ne perd pas courage pour autant. « En même temps, j'ai quand même 2000 $ par mois. Il y a des gens qui n'ont même pas ça. »

LA SOLUTION

Le portrait semble très sombre. 

Mais une étape à la fois : réévaluons d'abord le budget, suggère la planificatrice financière Nathalie Chouinard, directrice de comptes au Service Signature Bas-Saint-Laurent et Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine chez Desjardins.

Aux 1658 $ des principales dépenses fournies par notre lectrice, la planificatrice ajoute 500 $ pour l'épicerie et 200 $ pour l'essence, les soins, l'entretien de la maison... « Et je suis très conservatrice », commente-t-elle.

Les dépenses totalisent ainsi 2358 $ par mois... pour des revenus de 2000 $.

« Elle a un manque à gagner de 358 $ par mois », constate Mme Chouinard. Pour l'instant, la différence est sans doute couverte par les 450 $ de l'allocation pour enfants, mais celle-ci disparaîtra au printemps.

La planificatrice ne voit qu'une solution : « Ma recommandation est de vendre la maison. » « Dans sa situation, sa maison est plus un boulet qu'un avantage. »

De l'argent frais

En soustrayant le solde hypothécaire et la commission du courtier, Martine encaisserait environ 120 000 $ d'argent frais.

Nathalie Chouinard emploie d'abord cette somme à rembourser le prêt auto, qu'elle suppose s'élever à quelque 20 000 $.

Les 100 000 $ restants seraient investis dans un portefeuille de fonds de Série T. « Ils sont offerts par la plupart des institutions », indique-t-elle.

Rien à voir avec la Ford Model T.

Les fonds communs de Série T sont des placements qui versent un revenu régulier et stable, par exemple l'équivalent annuel de 4 %, 6 % ou 8 % du capital investi. Pour que le capital soit préservé, le rendement du placement doit équivaloir approximativement à ce versement : le risque de l'investissement augmente donc en conséquence.

Le capital n'étant pas garanti, « il faut avoir une certaine tolérance au risque », prévient la planificatrice.

Ignorant à quel point Martine est financièrement chatouilleuse, Nathalie Chouinard suggère une distribution relativement prudente de 4 % par année. Pour un capital de 100 000 $, elle touchera donc un revenu annuel supplémentaire de 4000 $, soit 333 $ par mois.

Une tranche de 1250 $ serait imposable. « Mais puisqu'elle ne paie pas d'impôt, ça ne change rien », souligne-t-elle.

Si le rendement de 3,95 % est au rendez-vous, Martine atteindrait 65 ans avec environ 99 150 $, selon ses calculs.

NOUVEAU BUDGET

Les revenus de Martine sont haussés à 2333 $. Avec la suppression des prêts et la réduction des dépenses de logement, son budget se contracte à 1805 $. Elle dégage donc un surplus de près de 530 $ par mois, qu'elle peut utiliser à sa guise : coussin, épargne ou « se gâter un peu », évoque Nathalie Chouinard.

À 65 ANS

Que se passe-t-il à 65 ans ?

La rente de retraite de la RRQ (293 $ par mois) et la partie imposable des revenus de distribution totaliseront 4766 $ par année.

Pour un célibataire, ce revenu donne droit à un Supplément de revenu garanti de 619 $ par mois.

Avec la PSV (585 $), Martine toucherait donc un total de 1830 $ par mois, qui couvriront ses dépenses de 1805 $.

Si elle prend soin d'épargner entre 47 et 65 ans, elle pourra y ajouter une petite marge de manoeuvre. À raison de 250 $ par mois dans un CELI, avec un rendement de 4 %, elle aurait accumulé à 65 ans plus de 75 000 $ d'épargnes supplémentaires.

Il y a de l'espoir, Martine...