Une maladie qui dégénère en handicap invalidant. Comment se présentera la retraite?

La trajectoire professionnelle semblait toute tracée. Puis...

« En 2011, mon mari est devenu handicapé à la suite d'un hématome spontané au niveau de la moelle épinière, relate Ève. Depuis février 2017, il est déclaré handicapé et il reçoit une rente de la RRQ. »

Ils ont tous deux 46 ans, à peine.

Deux enfants au début de la vingtaine, dont un encore aux études.

Une quinzaine d'années avant la retraite.

Jonathan a conservé son lien d'emploi avec son employeur, dont l'assurance salaire verse une prestation d'invalidité jusqu'à ce que son régime de retraite prenne le relais.

Depuis la décision rendue en février, cette prestation est coordonnée avec la rente d'invalidité que lui verse dorénavant la RRQ.

Depuis quelques années, Jonathan cotise à un Régime enregistré d'épargne invalidité (REEI), à raison de 125 $ par mois. Avec les subventions, il y a accumulé 16 000 $.

Ève vient d'être nommée cadre, ce qui lui procure une augmentation de salaire d'environ 10 000 $.

« Nous avons eu quelques pépins financiers dans les dernières années, avec un lock-out de 18 mois chez son employeur précédent et sa maladie. » - Ève

Ils viennent de vendre leur maison, construite en 2004, « largement en dessous de sa valeur », indique-t-elle, « pour faire l'achat d'un condo à cause de la mobilité réduite de [son] mari ».

Le condo, payé 370 000 $, est grevé d'une hypothèque de 283 000 $ amortie sur 25 ans.

« Nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve », s'inquiète-t-elle.

Ses questions déboulent.

• Devrions-nous réduire l'amortissement de l'hypothèque pour payer plus rapidement ?

• Mon fonds de pension sera-t-il suffisant ?

• Quels seront nos revenus à la retraite ?

• Pourrons-nous nous permettre d'avoir une hypothèque sur le condo ?

« Aussi, comme la santé de mon mari est précaire et que nous ne savons pas quelles seront sa mobilité et son endurance à 60 ans, nous souhaitons réaliser des voyages chaque année afin d'en profiter maintenant. »

Elle estime son budget pour les voyages et les sorties à environ 9000 $ par année.

« La vie nous a envoyé un lot d'épreuves, et maintenant, nous souhaitons juste profiter de la vie, mais pas le faire inconsciemment et au détriment de nos vieux jours. »

LA RÉPONSE

Profiter de la vie, disent-ils. Mais cette vie, quel coût a-t-elle ? C'est ce qu'a voulu savoir la planificatrice financière Hélène Paradis, vice-présidente et conseillère en placement chez Gestion de patrimoine TD.

Selon le budget qu'Ève lui a fourni, les dépenses du couple s'élèvent à 59 600 $.

En y ajoutant une enveloppe de 9000 $ pour les voyages et les sorties, le coût de vie se fixe donc à 68 600 $.

Mais « leur niveau de vie semble plus élevé », soulève la planificatrice.

Voici ce qui soutient son hypothèse.

Elle évalue le salaire d'Ève à environ 63 000 $ après impôts. Les prestations nettes de Jonathan totalisent 30 800 $. Le revenu familial après impôts s'établit donc à 93 800 $.

Sur cette somme, épargnent-ils ?

« Les surplus de fin d'année ont toujours servi à rembourser la carte de crédit et payer un voyage. » - Ève

« Ça veut dire que leurs seules épargnes sont les 100 et les 125 $ qu'ils versent dans leur REER et REEI », observe la planificatrice.

En soustrayant du revenu cette épargne et les charges sociales, on obtient un coût de la vie d'environ 87 500 $.

« Il y a donc une différence de 19 000 $ qui n'apparaît pas dans le budget », observe la planificatrice.

Cet écart s'explique-t-il en partie par la récente hausse salariale d'Ève ? Des dépenses ont-elles été omises ?

Hélène Paradis recommande au couple de réviser son budget.

LE REEI À L'OUVRAGE

Jonathan cotise 125 $ par mois (1500 $ par année) dans son REEI, où il a déjà accumulé près de 16 000 $. Pour les revenus familiaux supérieurs à 91 800 $, la subvention canadienne pour l'épargne-invalidité y ajoute 1 $ par dollar cotisé, pour un maximum annuel de 1000 $.

La subvention n'est toutefois versée que jusque dans l'année du 49e anniversaire du bénéficiaire.

À ce rythme et avec un rendement annuel de 5 %, le REEI de Jonathan contiendra environ 65 000 $ lorsqu'il aura atteint 60 ans.

Il aura également accumulé quelque 43 000 $ dans son REER et 176 000 $ dans son CRI.

Au même âge, Ève détiendra 44 500 $ en REER.

À 60 ans, en 2031, Jonathan commencera à toucher la rente de retraite de son employeur, à hauteur de 30 800 $ par année. À 65 ans, la rente de retraite de la RRQ prendra le relais de sa rente d'invalidité.

De son côté, Ève touchera une rente de retraite de 48 000 $.

En supposant l'épuisement des épargnes à 90 ans, Hélène Paradis calcule que le couple serait en mesure de maintenir un coût de vie à la retraite de 56 700 $.

« Il y a une différence de 31 000 $ avec le niveau de vie actuel », souligne la planificatrice.

Aïe.

Si on compare plutôt ce revenu au coût de vie calculé sur la base du budget soumis, l'écart est ramené à environ 12 000 $.

Ouille, tout de même.

Que faire ?

LA RECOMMANDATION

La recommandation de la planificatrice répond en même temps à la question soumise par Ève : le couple devrait-il accélérer le remboursement de l'hypothèque, amortie sur 25 ans ?

« Absolument ! », confirme Hélène Paradis.

Avec une enveloppe de 15 880 $, le remboursement hypothécaire est la plus importante dépense de leur budget. Au moment où les deux conjoints prendront leur retraite, à 60 ans, l'hypothèque aura encore une dizaine d'années à courir, avec un solde de 157 000 $.

« Il faut que l'hypothèque soit payée », martèle notre conseillère.

Où trouver l'argent ? Dans la hausse de salaire de 10 600 $ qu'Ève a obtenue au début de l'année, qui procure 6960 $ d'argent frais. « Avec ce surplus, elle devrait faire des paiements supplémentaires chaque mois, ou prendre une entente avec la banque pour réduire l'amortissement. »

En y consacrant 580 $ par mois, le solde hypothécaire serait ramené à 35 000 $ au début de la retraite, et serait liquidé deux ans plus tard.

« Et à 90 ans, il leur reste encore la propriété », constate la planificatrice.

La vie peut doucement suivre son cours...