Mathieu vit depuis 10 ans avec un cancer du cerveau diagnostiqué le jour de son 30e anniversaire. Grâce aux traitements qu'il a reçus, cette épée de Damoclès ne devrait pas s'abattre sur lui avant plusieurs années. Mais la maladie change sa perspective sur l'avenir : il souhaite prendre sa retraite à 50 ans.

LE PROBLÈME

À 40 ans, Mathieu mène une existence normale : il fait du vélo, court, joue avec ses enfants, rénove sa maison. Mais une présence invisible s'immisce dans toutes ses décisions : un cancer incurable.

À coups de traitements, ses médecins ont réussi à contenir la tumeur. « Mais je ne suis pas dupe : un jour, la mauvaise nouvelle tombera, et à ce moment, je ne voudrais pas dire que j'aurais dû profiter davantage de la vie », dit Mathieu.

Au moment du diagnostic, on lui donnait une espérance de vie de 16 à 20 ans, mais il compte se rendre plus loin que cela. « Il y a eu des avancées dans la recherche et je tente de battre les pronostics. Mon but personnel est de me rendre à 70 ans », dit-il.

Comment compte-t-il profiter de la vie au maximum ? En prenant sa retraite à 50 ans. Mais il n'a pas encore calculé s'il en a les moyens.

RÉNOVATIONS COÛTEUSES

Des changements récents lui font craindre que ce rêve ne soit hors d'atteinte. D'abord, sa conjointe Rachel et lui viennent de faire d'importantes rénovations à leur duplex. Ils occupaient le rez-de-chaussée, mais ils ont décidé d'utiliser aussi la moitié de l'étage. Ils ont financé une partie des travaux par la vente d'un triplex qu'ils possédaient, mais ont aussi dû contracter un nouvel emprunt hypothécaire de 190 000 $.

Donc, leurs paiements hypothécaires augmentent, tandis que les revenus de loyer diminuent.

Ensuite, Mathieu s'attend à subir une baisse de revenu : il est sur le point de terminer un contrat et se cherche un nouveau boulot. « Je cherche un poste qui me donnera plus de stabilité et une meilleure qualité de vie, plutôt qu'un gros salaire, dit-il. Je m'attends à un salaire d'environ 70 000 $. »

Et puis il y a les enfants : sa fille aînée entre au secondaire en septembre, à l'école privée, où la facture sera d'au moins 5000 $.

Pour le reste, le couple maintient ses dépenses au minimum, même s'ils ont deux voitures. Ils ne pensent pas être plus dépensiers à la retraite. « On aimerait acheter une petite maison au bord du fleuve, et peut-être garder un pied-à-terre à Montréal, confie-t-il. Faire du camping, voyager un peu. »

Et pas question que sa conjointe continue à travailler : elle s'arrêterait en même temps que lui.

Est-ce réaliste ?

LA SOLUTION

La planificatrice financière Guylaine Dufresne arrive à une conclusion réjouissante : Rachel et Mathieu ne rêvent pas en couleurs. 

Ce qui leur donne une telle liberté, c'est leur discipline à épargner, bien qu'ils n'aient pas de régime de retraite offert par leurs employeurs. « À 40 ans, ils ont près de 340 000 $ en REER, ce qui est très bon », souligne Mme Dufresne, directrice principale, investissement et planification financière, à la Banque Laurentienne.

Mais pour atteindre leur objectif, ils doivent être aussi disciplinés dans les prochaines années, et certaines conditions doivent être réunies. Voici lesquelles : 

- Ils doivent continuer d'épargner environ 10 000 $ par an - la même somme que ces dernières années - malgré le fait que leurs paiements hypothécaires augmentent de 650 $ et que leurs revenus de loyer diminuent de 230 $. 

- Mathieu doit trouver un nouvel emploi avec un salaire d'au moins 70 000 $.

- Ils doivent vendre leur propriété au moment de la retraite et utiliser le fruit de la transaction pour acheter la maison de campagne et le pied-à-terre dont ils rêvent, sans emprunter de somme supplémentaire.

- Leurs enfants ne doivent plus compter sur l'aide financière des parents après leur retraite. « J'ai peine à croire que dans 10 ans, quand il aura 16 ans, leur plus jeune n'aura plus besoin de ses parents, note toutefois Mme Dufresne. Peut-être qu'ils seront mis à contribution pour quelques années encore. Mais ils ont tout de même une bonne cagnotte en Régime enregistré d'épargne-études (REEE). »

En respectant ces exigences, Rachel et Mathieu auront accumulé 834 200 $ en épargne à 50 ans. S'ils quittent le boulot à ce moment, une telle somme leur permettrait des dépenses de 41 300 $ par année (en équivalent de dollars d'aujourd'hui) tout au long de leur retraite, ce qui correspond à 55 % de leurs dépenses courantes actuelles.

S'ils attendent à 55 ans avant de prendre leur retraite, leur bas de laine atteindra 1 008 200 $ et leur procurera des revenus de 53 200 $ par année, soit 70 % de leur niveau de vie actuel.

Guylaine Dufresne a calculé que les dépenses de la vie courante du couple, sans inclure les paiements hypothécaires et de l'épargne, s'élèvent en ce moment à 76 000 $. C'est à ce montant que les dépenses à la retraite ont été comparées. Ils auront alors moins de dépenses reliées aux enfants et au travail (vêtements, transport, restaurant, etc.).

Ces projections ont été faites en calculant un taux de rendement de 5,5 % sur leur épargne et une espérance de vie de 90 ans pour Rachel et de 80 ans pour Mathieu.

Si le couple décide de modifier certaines variables, ou s'il est contraint de faire des changements, il doit évidemment adapter son plan. Mais avec de la discipline, en gardant l'oeil sur leur objectif, ils devraient y arriver. Tout en n'oubliant pas, quand même, de profiter de la vie aussi au cours des prochaines années...

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