La Bourse regorge de dictons, maximes et autres adages. En ce début de mois, l'un d'eux résonne aux oreilles des investisseurs : « Sell in May and go away », ou « Vends en mai et pars en vacances ». La Presse Affaires a mis la maxime à l'épreuve des faits. Une occasion de vérifier la probité d'autres grands dogmes financiers.

«Sell in May and go away»

Le meilleur est-il déjà derrière nous ? Alors que les indices boursiers entament la neuvième année de croissance quasi ininterrompue, les boursicoteurs s'interrogent. Et pour cause : nous sommes en mai et l'approche de l'été rappelle inévitablement aux investisseurs la maxime « Vends en mai et pars en vacances ».

Ce dicton, traduction libre de « Sell in May and go away », suppose que les investisseurs sont plus portés à prendre des risques durant les mois froids et vont plutôt alléger leur portefeuille d'actions pour avoir l'esprit tranquille à l'approche de la saison estivale.

La maxime a des fondements statistiques impressionnants. Aux États-Unis, par exemple, le Dow Jones a progressé en moyenne de plus de 7,4 % de novembre à mai, mais a stagné les six mois suivants, selon le Stock Trader's Almanac dont les statistiques remontent jusqu'en 1950.

Au Canada, la firme UBS Securities a déjà démontré que 90 % du rendement de l'année à la Bourse de Toronto est réalisé entre les mois de novembre et mai. Cela est surtout attribué au ralentissement du marché des ressources durant l'été.

Les dernières études statistiques tendent par ailleurs à démontrer un léger décalage des saisons boursières ces 20 dernières années, le fébrile cycle hivernal se prolongeant souvent jusqu'au 7 juin. Cela ne devrait pas vous étonner...

«Acheter sur la rumeur et vendre sur la nouvelle»

La flambée des marchés financiers après la victoire de Donald Trump à l'élection américaine allait-elle s'arrêter avec l'investiture du 45e président des États-Unis ? C'était à craindre, alors que Wall Street revisitait le dicton « acheter sur la rumeur et vendre sur la nouvelle » devenu « acheter à l'élection et vendre à l'investiture ». Mais, on s'est trompé, une fois encore.

L'indice S & P des 500 plus grosses entreprises américaines a progressé de 5,3 % dans les 100 jours suivant l'entrée au pouvoir de celui qui avait promis aux Américains de « gagner, gagner, gagner ». Plusieurs records ont été fracassés dans l'intervalle.

Ces trois mois de gouvernement Trump marquent néanmoins un ralentissement par rapport à l'incroyable flambée des cours boursiers qui avait suivi sa victoire électorale du 8 novembre. Le S & P 500 avait en effet bondi de 6,1 % dans les 50 jours suivants.

Le pastiche politique du fameux dicton des spéculateurs, qui voulait que l'effet Trump fasse long feu, avait été sérieusement mis en doute par Brian Belski, grand stratège de BMO Marchés des capitaux.

« Franchement, cette approche est erronée et tout ce bavardage sur "acheter l'élection et vendre l'investiture" est absurde [...] Toutes les données que nous suivons continuent de suggérer que nous sommes au milieu d'un cycle haussier séculier », avait-il écrit dans un billet, dans les jours précédant l'investiture de Trump.

Bien vu, car la Bourse américaine surfe toujours sur l'une des plus longues phases haussières des 100 dernières années. Le rendement du S & P 500 atteint les 250 % depuis le début du cycle, il y a huit ans et deux mois.

Macron président : vente sur la nouvelle

La France a tout de même validé l'adage d'acheter sur la rumeur pour vendre sur la nouvelle, devenu « acheter au premier tour et vendre au second », à l'occasion de sa propre élection présidentielle ces dernières semaines.

L'indice sélect de la Bourse de Paris qui avait grimpé à son plus haut niveau en neuf ans après la publication des résultats du premier tour de l'élection à la présidence de la République française, qui plaçait Emmanuel Macron en tête, a cédé en effet aux prises de bénéfices au lendemain de la confirmation de la victoire de ce candidat pro-européen.

L'indice parisien CAC40, qui s'était envolé de près de 7,5 % - les valeurs bancaires en tête - au lendemain du premier tour a ainsi clôturé en baisse de 0,9 % lundi dernier, dans des volumes importants pour un jour férié. L'indice élargi européen Stoxx 600 index s'affichait pour sa part en très légère baisse.

En fait, l'élection d'Emmanuel Macron n'était pas une surprise et la popularité de son adversaire d'extrême droite Marine Le Pen était surestimée. « Les sondages français avaient télégraphié le résultat depuis un certain temps déjà », rappelle Bipan Rai, stratège en devises à la CIBC.

Même si un léger péril subsistait tout de même jusqu'à la dernière minute, les marchés ont donc « vendu la nouvelle » au second tour après avoir « acheté la rumeur » au premier.

«Gros dicton, petite réflexion»

Bon, d'accord, la maxime en titre a été forgée de toute pièce, mais l'analyse de ces autres adages ci-après, censés tracer la voie du succès sur les marchés boursiers, mérite un minimum de considération. À défaut d'être des vérités absolues, on y retrouve quand même une part de sagesse. Récapitulation.

« La tendance est ton amie »

Ce dicton qu'affectionnent les investisseurs adeptes de « momentum » rappelle l'importance de bien cerner la tendance de fond du marché. Si le marché est haussier, le proverbe suggère de ne pas vendre. Si le marché descend, on gagne aussi à rester sur les côtés. Une mauvaise lecture du cycle pourrait être coûteuse. Évidemment, cela vaut tant que le marché maintient le cap : comme disait le gestionnaire de portefeuille Stéphane Gagnon, « la tendance est ton amie jusqu'à ce que tu frappes un mur ».

Les faits

Présentement, peu d'observateurs contestent que le marché soit fondamentalement haussier. Par contre, on entend de plus en plus de spécialistes prédire une correction. Une correction est à distinguer d'un revirement de cycle. Bien que le repli puisse parfois être violent et important, ce n'est toujours qu'une « pause santé » dans le cycle haussier, comme l'écrivait récemment Michel Doucet, vice-président et gestionnaire de portefeuille de Desjardins Gestion de patrimoine. L'investisseur « momentum » gardera donc le cap sur la croissance et profitera de cette relâche pour investir les liquidités qu'il a pris soin de mettre de côté.

« Plus la foule est sûre d'elle, plus elle est sûre d'avoir tout faux »

Cette citation attribuée au financier américain Robert Menschel pourrait être la devise des investisseurs à contre-courant (contrarians). Ceux-ci savent que quand tout le monde est dans le marché et que les chauffeurs de taxi leur parlent de leurs investissements, c'est le temps de vendre avant qu'il n'y ait plus de nouveaux preneurs. À l'inverse, quand tout le monde a vendu, la rareté crée une occasion d'achat pour ces larrons financiers.

Les faits

On a bien vu cela avec la bulle spéculative en 2000, quand tout le monde s'arrachait les actions des nouvelles vedettes de la technologie. Les cours sont tombés comme une roche quand le doute s'est installé. Plus tard, des fortunes ont été faites en repêchant courageusement les titres dont plus personne ne voulait.

Aujourd'hui, la confiance des investisseurs atteint des niveaux rarement vus. Le consensus peut faire peur, mais il n'est pas déraisonnable. En effet, l'économie est florissante, les entreprises sont prospères, le chômage est bas, le coût du capital est abordable et l'inflation est maîtrisée. Même que la Bourse de Toronto paraît sous-évaluée par rapport aux standards historiques, croit Matthew Barasch, stratège du marché canadien pour RBC Marchés des Capitaux.

« Il ne faut pas tenter d'attraper un couteau qui tombe »

Quand un titre ou un indice recule beaucoup, il commence à être intéressant. Parce que, comme le veut un autre adage, même un chat qui tombe du 10e étage peut rebondir. Il vaut mieux cependant attendre que la chute soit complétée, ou même que la reprise soit déjà manifeste, que d'intervenir en pleine instabilité.

Les faits

Le marché est constamment en proie aux exagérations. Bombardier y a goûté. Certes, ses malheurs se sont révélés pires qu'on le croyait, quand le président a admis en novembre que l'entreprise « est venue sur le bord de la faillite en 2015 ». Mais le titre, qui avait chuté jusqu'à 77 cents en février 2016, a bien rebondi depuis son plus bas et se consolide aujourd'hui au-dessus de 2 $. L'investisseur patient a eu deux gros mois pour accumuler de ces actions à moins de 1,50 $ entre-temps.

« Ne tombez pas amoureux de vos titres »

Un titre qui monte gagne en faveur, mais il faut être conscient que son rendement diminue d'autant. Il convient donc de refaire ses devoirs d'analyse et vérifier le fondamental des entreprises régulièrement, avant de leur donner plus d'amour. D'autant plus que, comme l'écrivait aussi Madame Dussillet, « l'amour est un habile opticien ».

Les faits

Valeant Pharmaceuticals International est le dernier des « rois maudits ». Le géant pharmaceutique plébiscité, qui avait détrôné la Banque Royale au panthéon des plus grandes entreprises canadiennes cotées en juillet 2015 quand son action valait plus de 300 $, s'est écroulé dans les mois suivants sous les scandales et le poids de sa dette et vaut aujourd'hui moins d'une vingtaine de dollars. Avant lui, Nortel, Manuvie, EnCana, BlackBerry, Potash et Barrick Gold, autant de titres chouchous, avaient de même été rabroués par les marchés après s'être emparés de la couronne de la Royale. Les survivants du lot peinent aujourd'hui à regagner la confiance des investisseurs.

« On peut s'enrichir en dormant »

Warren Buffett n'a probablement pas de problèmes de sommeil. Le dynamique octogénaire applaudi par les actionnaires du conglomérat Berkshire Hathaway encore le week-end dernier a généré une fortune tout en prônant l'inactivité en Bourse et en qualifiant l'investissement fructueux de quelque chose de terriblement ennuyeux.

Les faits

Aujourd'hui, la stratégie « buy-and-hold » paraît plus à risque et il est recommandé d'éviter de tomber dans la complaisance, et de réévaluer ses positions dans un esprit de diversification. Dans sa lettre financière, Martin Lalonde, de la firme Rivemont, suggère qu'à défaut de pouvoir garnir ses portefeuilles d'obligations pour contrer la volatilité des marchés boursiers qui s'annonce, un équilibre intéressant peut être obtenu en diminuant le risque combiné des actions choisies. Sa firme établie à Montréal et Gatineau a notamment ajouté en portefeuilles les actions de Brookfield Asset Management et de Restaurant Brands International (Tim Horton et Burger King), « des titres plus défensifs en période d'incertitude, mais offrant une belle corrélation avec le marché lorsque celui-ci est en tendance haussière ».