« Je suis vraiment douée pour le bonheur. » Quelque chose, peut-être la chaleur de sa voix, nous en convainc sans peine. « Je suis une heureuse maman 100 % monoparentale de 43 ans », confie Dominique. Elle précise : « Sans garde partagée, sans pension alimentaire. » Nul papa dans ce portrait de famille monoparentale... vraiment mono. « Je suis une pure », lance-t-elle en riant.

LE PROBLÈME

Sa fille de 11 ans fréquentera l'école privée en septembre prochain. Dominique calcule que des frais de 3500 $ par année s'ajouteront à son budget.

Ce ne sera pas le seul bouleversement. « J'ai le projet d'avoir un deuxième enfant sous peu en monoparentalité », ajoute-t-elle.

Sous peu ? « Ça dépend comment ça va fonctionner, je vise une naissance en janvier ou février 2018. Mais c'est la nature qui décide », précise-t-elle.

Ces projets de famille vont se conjuguer - et peut-être interférer - avec un autre, celui de racheter la maison familiale. Ses parents prévoient la quitter au cours de l'été. La propriété vaut 328 000 $.

Dominique profitera d'un don d'équité de 28 000 $ : c'est la somme dont ses parents réduiront le prix de vente de la propriété.

Dominique a mis en vente son condo, dont elle espère tirer un minimum de 165 000 $. Une fois soldée la créance de 65 000 $, il lui resterait 100 000 $ en poche.

Elle prévoit appliquer 60 000 $ en mise de fonds pour la nouvelle propriété.

Les 40 000 $ restants ? Elle hésite. « Est-ce que je suis mieux de le mettre dans mes REER ? Ou dans la mise de fonds de la maison ? »

Il y aura bien quelques travaux à faire dans la maison de ses parents, mais rien dont elle ne puisse se charger elle-même.

Avec un salaire de 58 000 $, plus quelque 4100 $ en prestations diverses, elle maintient actuellement un coût de vie d'environ 39 000 $ par année. Ce budget inclut 1200 $ par année dans le REEE de sa fille et 600 $ en REER.

Les circonstances de sa vie professionnelle ne lui ont pas permis d'accumuler plus de 5000 $ en REER. Avec son nouvel employeur, elle bénéficie pour la première fois d'un régime de retraite.

Dans ces conditions - et parce qu'elle adore son travail -, elle n'envisage pas de retraite avant 65 ans.

« Mon noeud principal, c'est vraiment la maison », exprime-t-elle. « C'est tous les souvenirs qui sont là. C'est mon père qui a fait les plans. »

Mais son propre plan est-il réaliste ?

« Les banques me disent que tout est possible, mais j'aimerais avoir une vision plus claire. »

LA VIE EN CHIFFRES

Le projet 

Valeur de la maison : 328 000 $

Don d'équité : 28 000 $

Mise de fonds prévue : 60 000 $ 

Emprunt hypothécaire : 240 000 $

Revenu potentiel du logement au sous-sol : 5400 $

Vente de sa copropriété 

Offre d'achat minimale acceptable : 165 000 $

Solde hypothécaire : 65 000 $

Actif net : 100 000 $

Dont : 60 000 $ à verser sur la nouvelle maison

Somme restante : 40 000 $, usage à définir

Revenu brut : 58 000 $

Revenu net : 37 600 $

Prestations diverses : 4100 $

Coût de vie actuel : 40 600 $

Incluant 

Cotisation REER de 600 $/an

Cotisation REEE de 1200 $/an

Coût de vie projeté avec la nouvelle propriété (mêmes cotisations) : 51 400 $ 

Épargnes : 

REEE : 29 000 $

REER : 5000 $

LA SOLUTION

Trois types de planification se rencontrent ici : planification budgétaire, planification de retraite et planification de naissance.

La planificatrice financière et fiscaliste Josée Jeffrey, du cabinet Focus Retraite et Fiscalité, se spécialise plutôt dans les deux premières catégories. 

Elle pose donc en principe que la troisième produira effet vers la fin janvier 2018, selon les intentions de Dominique.

Il s'agit ensuite de voir si Dominique peut ajouter la maison de ses parents à ce tableau.

Du bénéfice de 100 000 $ produit par la vente de sa copropriété, elle prévoit consacrer 60 000 $ à la mise de fonds pour la nouvelle maison. Que faire avec les 40 000 $ restants, se demande-t-elle ?

« Je lui recommande de cotiser 25 000 $ au REER », répond Josée Jeffrey. Dominique toucherait ainsi en 2018 un remboursement d'impôt d'environ 9000 $. 

Il reste encore 15 000 $, que la conseillère suggère de diviser comme suit : 10 000 $ serviront à constituer un fonds d'urgence, et 5000 $ seront conservés en réserve en CELI, pour la difficile année 2018.

LES REVENUS

Sur quels revenus pourra-t-elle compter ? Josée Jeffrey a fait les calculs pour trois années charnières. 

En 2017, nous supposons que Dominique concrétise son projet et achète la maison de ses parents en milieu d'année.

Elle gagnera un revenu net d'environ 37 600 $, auquel s'ajouteront l'Allocation canadienne pour enfants (3730 $) et le Soutien aux enfants (2542 $).

Il faut aussi compter avec le revenu de location de l'appartement au sous-sol. Sur la base d'un loyer annuel de 5400 $, Josée Jeffrey calcule que l'impôt payable sera nul, une fois soustraites les dépenses admissibles (33 % des impôts fonciers, intérêts, assurance, entretien, etc.). Pour les six derniers mois de l'année, Dominique ajoutera donc 2700 $ à ses revenus nets, pour un total de près de 46 600 $. Avec une première session à l'école privée et six mois d'usage de la nouvelle maison, ses dépenses totaliseront environ 46 800 $, incluant l'épargne REER et REEE. Le budget est à peu près équilibré.

L'ANNÉE DIFFICILE

L'année 2018, celle de la nouvelle naissance, est plus difficile. 

Josée Jeffrey suppose que Dominique travaillera encore deux semaines au début de l'année, pour un gain de 2230 $. L'assurance parentale prend ensuite le relais, à raison d'environ 670 $ par semaine, sur la base du revenu de 2017. Dès le mois suivant la naissance du deuxième enfant, les allocations seront revues à la hausse : 715 $ par mois pour l'Allocation canadienne et 312 $ par mois pour le soutien aux enfants. Avec le revenu de location de 5400 $, le revenu net s'établirait à 47 500 $ en 2018.

Mais avec les coûts supplémentaires liés à la nouvelle résidence, désormais occupée toute l'année, plus une année complète à l'école privée, les dépenses annuelles totalisent 54 500 $.

Dominique fait alors face à un déficit de plus de 7000 $. C'est ici qu'interviennent le remboursement d'impôt de 9000 $ et la réserve de 5000 $. « Pour mieux respirer, Dominique pourrait interrompre en 2018 ses cotisations au REER et au REEE », ajoute Josée Jeffrey.

2019 ET ENSUITE

En 2019 et les années subséquentes, Dominique touche à nouveau son plein revenu d'emploi. Elle dégage alors un surplus budgétaire de 2100 $. « Il faut penser que la venue d'un deuxième enfant va engendrer de nouveaux frais dans le budget de Dominique », souligne toutefois notre planificatrice. Elle devra notamment compter avec les frais de garde. La marge de manoeuvre résultante sera minime.

« Il faut qu'elle garde son revenu de location », prévient notre planificatrice.

Parvenue à la retraite, elle bénéficierait d'un intéressant actif. Sa retraite est sur la bonne voie. Si elle cesse le travail à 65 ans, elle a encore devant elle plus de 20 ans de cotisation au régime de son employeur, et autant à son REER. Elle devra les maximiser aussitôt que possible.

Il subsiste cependant une troublante inconnue. Si Dominique achète la maison de ses parents mais ne réussit pas à porter une deuxième grossesse à terme, ses revenus se trouveront amputés des diverses allocations pour le deuxième enfant. Son budget devient alors déficitaire de près de 3800 $.

Il y a là un risque : Dominique sera-t-elle en mesure de restreindre ses dépenses de 310 $ par mois ? Son budget est-il réaliste ? Est-elle prête à sacrifier l'école privée ?

PHOTO fournie par Focus Retraite et Fiscalité

La planificatrice financière et fiscaliste Josée Jeffrey, du cabinet Focus Retraite et Fiscalité

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