Moyennes mobiles, indicateur Momentum, oscillateurs Williams... L'analyse technique en Bourse est-elle vraiment aussi compliquée et d'une utilité douteuse pour les particuliers investisseurs qu'il y paraît à première vue ? Plus maintenant, a constaté La Presse auprès de professionnels de l'analyse boursière et de la gestion de portefeuille.

JOINDRE LE TECHNIQUE AU FONDAMENTAL

« Si la tendance se maintient... » L'énoncé tant attendu lors de soirées électorales peut servir à résumer en quelques mots le fonctionnement de l'analyste technique pour les investisseurs en Bourse.

« L'analyse technique, c'est une approche en gestion de placements qui se concentre sur les mouvements de titres ou des indices en Bourse selon leur prix et leur volume de transactions, durant des périodes déterminées », explique Michel Doucet, vice-président et gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins.

« C'est aussi une approche en placement boursier différente de l'analyse fondamentale, qui se concentre sur l'analyse des résultats financiers d'un titre ou d'un secteur en particulier, ainsi que la conjoncture macroéconomique dans laquelle ils fonctionnent. »

N'empêche, s'empresse-t-il d'ajouter, le « technique » et le « fondamental » sont tout à fait complémentaires dans le coffre à outils de tout gestionnaire de placements le moindrement aguerri.

UNE QUESTION DE TIMING

« Pour ma part, je suis d'abord un "fondamentaliste" dans l'élaboration et l'ajustement de mes stratégies de placement, précise M. Doucet. Mais je me sers de l'analyse technique comme outil d'appoint pour cerner des tendances en Bourse qui peuvent influencer l'évolution des cours des titres ou des indices que j'ai déjà relevés avec l'analyse fondamentale. En fait, le "technique" me sert à tenter de déterminer les meilleurs points d'entrée [achat] ou de sortie [vente] sur un titre ou un indice boursier. »

Chez Canaccord Genuity, l'une des plus importantes firmes boursières au Canada encore indépendantes des grandes banques, l'analyste et stratège des marchés nord-américains, Martin Roberge, témoigne aussi d'un usage complémentaire de l'analyse technique dans son travail auprès d'une clientèle d'investisseurs d'envergure institutionnelle (fonds, caisses de retraite, etc.).

« L'analyse technique ne me dit pas quoi acheter ou vendre, ce qui est du ressort de l'analyse fondamentale. Je m'en sers plutôt pour optimiser le timing des transactions sur des titres, ainsi que pour des ajustements à la pondération sectorielle en portefeuille que nous suggérons à nos clients. » - Martin Roberge

Martin Roberge rappelle que l'une des méthodes de base pour bonifier le rendement de placements en Bourse est de « chercher à toujours avoir plus de titres ou de secteurs surpondérés en portefeuille qui sont en tendance haussière et de pouvoir réduire ses positions avant leur revirement en tendance baissière ».

« Pour les gestionnaires de portefeuilles ou de fonds d'investissement, l'une des clés pour "surperformer" par rapport aux indices boursiers est de bien gérer les risques de négocier des titres trop tôt ou trop tard par rapport à leur tendance haussière ou baissière en Bourse. »

Pour y parvenir, l'analyse technique des cours et des volumes de transactions d'un titre ou d'un secteur en comparaison avec les autres statistiques du marché boursier peut s'avérer très utile, sinon indispensable, selon Martin Roberge.

« C'est l'analyse technique qui m'est la plus utile pour identifier des retards ou des devancements de réaction des investisseurs en Bourse par rapport à l'évolution des fondamentaux [résultats financiers et perspectives] d'une entreprise ou d'un secteur que je connais déjà. Cette capacité d'anticiper des mouvements haussiers ou baissiers en Bourse est importante dans la gestion des risques de marché dans les portefeuilles de nos clients. »

OUTILS VARIÉS ET ACCESSIBLES

Par ailleurs, contrairement à la perception parmi les particuliers investisseurs, l'analyse technique n'est plus l'apanage des professionnels de la Bourse, note Jean-Philippe Legault, directeur au développement des affaires chez Banque Nationale Courtage Direct (BNCD).

À l'instar de concurrents comme Disnat, chez Desjardins, BNCD offre une gamme variée d'outils en analyse technique sur son site internet transactionnel pour sa clientèle de particuliers investisseurs.

Cette gamme va des outils graphiques de base, comme les moyennes mobiles des cours sur des périodes déterminées, jusqu'à des outils d'analyse plus sophistiqués comme les « oscillateurs », qui sont basés sur des calculs comparatifs des cours et des transactions sur des périodes déterminées.

« Les usagers de nos outils d'analyse technique se retrouvent parmi tous les types de clients investisseurs. Des très actifs [en gestion de placements] comme des moins actifs ; des "purs et durs" qui utilisent ardemment l'analyse technique et d'autres qui s'en servent de façon complémentaire », indique Jean-Philippe Legault.

Définition

Le site de Disnat Courtage en ligne du Mouvement Desjardins offre cette définition : « L'analyse technique est une méthode d'évaluation des valeurs mobilières consistant à étudier les statistiques tirées de l'activité du marché, les prix antérieurs et le volume des opérations. [C'est] un outil formidable, mais la plupart des gens admettent qu'elle est plus efficace lorsqu'on la combine à l'analyse fondamentale. »

QUATRE QUESTIONS À UN EXPERT

Comment l'analyse technique est-elle perçue parmi les professionnels de la Bourse ? Pourquoi et comment l'utilisent-ils ? Hugo Ste-Marie, stratège financier et analyste technique dans le Groupe de stratégie de portefeuille de Scotia Capital, a répondu à nos questions.

QUELLE EST L'UTILITÉ DE L'ANALYSE TECHNIQUE POUR LES INVESTISSEURS ?

L'analyse technique est un outil qui complémente bien l'approche fondamentale. Pour l'investisseur, elle permet d'observer les tendances du marché et de gérer son risque en déterminant les points d'entrée ou de sortie dans un titre ou un marché.

La gestion du risque est souvent négligée par les investisseurs. L'analyse technique réduit le risque de « tomber amoureux » d'un titre.

Il faut savoir prendre des profits, mais aussi limiter nos pertes avant que la situation ne s'aggrave.

QUELLE PLACE OCCUPE L'ANALYSE TECHNIQUE DANS VOTRE STRATÉGIE DE PORTEFEUILLE ?

Pour nous guider dans nos stratégies de placement, nous utilisons trois approches principales.

D'abord, l'analyse fondamentale : c'est-à-dire l'observation des tendances macro-économiques afin d'en prévoir l'impact sur les résultats futurs des entreprises, les fluctuations de taux d'intérêt et devises, les prix des matières premières, etc.

Nous utilisons également des modèles quantitatifs afin de déterminer les marchés boursiers les plus attrayants selon divers facteurs. Mais aussi pour générer des listes de titres en fonction de divers modèles axés sur la valeur, la croissance ou le momentum, notamment.

Enfin, l'analyse technique nous permet de confirmer les tendances haussières ou baissières de diverses catégories d'actifs, de secteurs ou de titres boursiers.

Elle nous permet également d'être plus tactique [court terme] dans notre approche qui cible habituellement une perspective à plus long terme.

QUELS VOLETS DE L'ANALYSE TECHNIQUE SONT LES PLUS PERTINENTS POUR LES INVESTISSEURS ?

Les moyennes mobiles sont particulièrement importantes, surtout celles sur 200 jours, parce qu'elles indiquent la tendance d'un titre.

Règle générale, un investisseur veut détenir un titre qui se négocie au-dessus d'une moyenne mobile 200 jours ascendante. Plus spécifiquement, on veut acheter un titre en tendance haussière lors d'un moment de faiblesse.

À l'inverse, un titre qui croise sa moyenne mobile à la baisse présage d'une perte de momentum et d'un repli potentiellement dommageable pour un portefeuille.

Ça ne veut pas dire qu'il faille vendre tous les titres qui sont sous cette moyenne mobile, mais ça suggère d'y porter une attention particulière pour voir si la tendance haussière est terminée.

Par ailleurs, les oscillateurs (RSI, Williams, etc.) sont également utiles en conjonction avec les moyennes mobiles.

Ils indiquent si les pressions haussières ou baissières à court terme ont été trop fortes, ce qui augmente la probabilité d'un retournement.

L'ANALYSE TECHNIQUE A-T-ELLE UN IMPACT SUR LES MOUVEMENTS EN BOURSE ?

Il y a beaucoup d'investisseurs qui utilisent cette approche technique. Et on retrouve sur le marché un nombre croissant d'algorithmes de transactions qui envoient automatiquement des ordres d'achat ou de vente lorsqu'un titre atteint un certain niveau.

Quand un grand nombre d'investisseurs attendent les mêmes niveaux, ça augmente les probabilités qu'un titre rebondisse après l'atteinte d'un niveau de soutien. Et à l'inverse, ça augmente les probabilités qu'un titre se replie après avoir atteint un niveau de prix de résistance.