Octogénaires, Françoise et son mari nous demandent quels revenus sont nécessaires pour payer un loyer de 2400$ dans la résidence où ils songent à s'établir. Mais au fil des entretiens, un objectif supplémentaire se révèlera.

Dans son courriel, Françoise posait le problème d'une manière étonnante.

« Nous prévoyons aller vivre dans une résidence, au coût moyen de 2400 $ par mois, incluant l'électricité et quelques postes de télévision », écrivait-elle. Ce loyer comprend une somme de 300 $ par personne pour les soupers, soit 600 $ pour elle et son mari.

« Quel revenu annuel est suggéré pour justifier une telle dépense ? »

Cette dernière question aurait pu être plutôt formulée ainsi : nos revenus de retraite nous permettent-ils cette dépense ?

Ou plus précisément encore : quelle somme faut-il avoir épargnée pour soutenir un tel loyer jusqu'à la fin de nos jours ?

Son second courriel nous en apprenait plus : avec son mari, âgé de 84 ans, la femme de 80 ans habite en région un logement qui leur coûte 800 $ par mois, plus 100 $ pour l'électricité et 135 $ pour le câble et l'internet.

Lors de la conversation qui y fait suite, Françoise se montre pétillante, alerte. « J'ai une maxime : "Ton attitude détermine ton altitude." »

Elle énumère une à une les estimations des autres postes de dépenses du couple.

L'addition s'élève à environ 31 000 $ par année, avant les frais de logement.

Ajoutons le coût annuel pour la résidence, à 28 800 $, puis réduisons de moitié le budget d'alimentation, puisque les soupers sont compris dans le loyer. Nous atteignons un coût de vie annuel d'environ 53 500 $.

Ils n'ont aucun régime de retraite d'employeur. Son mari était professionnel autonome. Après avoir élevé ses enfants, Françoise est retournée au travail à 40 ans, a travaillé quelque temps comme courtière immobilière.

Ils comptent sur la PSV, la RRQ. Et leurs épargnes, sans doute ? « C'est là le problème. Vous avez mis le doigt dessus. »

Ils ont vendu la maison familiale il y a une dizaine d'années - 115 000 $ -, et le chalet plus récemment - quelque 295 000 $.

Pour la somme totale de leurs épargnes, elle vérifiera et rappellera.

Avant de conclure, elle ajoute un dernier détail : 

 - Je voudrais qu'on laisse de l'argent à nos enfants.

Combien ?

 - Peut-être 200 000 $ chacun...

Houlà. Plusieurs enfants ?

- Quatre.

Aïe.

« L'ambition est de ne pas toucher au capital. Ni mon mari ni moi on n'a jamais rien eu, parce que nos parents étaient pauvres. On voudrait que nos enfants vivent ça : avoir un pécule qui arrive du ciel comme ça, peut-être que c'est agréable, on ne le sait pas ! », dit Françoise.

LA RÉPONSE

Quels revenus faut-il pour un loyer de 24 000 $ et un coût de vie de 53 500 $ ?

Le planificateur financier David Truong, conseiller au Centre d'expertise de Banque Nationale Gestion privée 1859, pose les paramètres.

Parvenue à 80 ans, Françoise, la plus jeune des deux, a 25 % de chances d'être encore en vie à 96 ans, ce qui la mène en 2033.

Combien leur faut-il en épargnes REER pour compléter les revenus de rentes publiques et soutenir jusqu'au décès un coût de vie de 53 500 $, ajusté à une inflation de 2,1 % ? En supposant un rendement de 4 % sur les épargnes REER, « il faudrait qu'ils aient un REER d'au moins 500 000 $ pour avoir complètement épuisé le capital en 2033 », répond David Truong.

Tout va donc bien : ils détiennent 550 000 $ en REER.

Le reste de leurs épargnes - 495 000 $ - peut donc être consacré aux legs. Avec un rendement de 4 % et un taux d'impôt hypothétique de 50 %, il restera environ 750 000 $ à distribuer en 2033.

Mais si le couple meurt plus tôt, laissera-t-il moins d'argent parce que les intérêts auront fait effet moins longtemps ? 

« Le rendement est toujours un risque », fait en outre valoir David Truong.

Une approche plus traditionnelle, qui prend en compte l'ensemble des épargnes, répond à ces préoccupations.

Notre planificateur suppose cette fois un rendement moindre, établi à 3 %.

Les épargnes totalisent 1 045 000 $ en 2016. Avec un coût de vie de 53 500 $ ajusté à l'inflation, il restera près de 900 000 $ en banque quand Françoise atteindra 96 ans.

Et la courbe des épargnes montre que si le couple vit moins longtemps, il laissera davantage en héritage. 

Pour répondre à l'objectif du legs de 800 000 $, David Truong tente une troisième avenue, celle d'une assurance vie du même montant, payable au second décès. La prime annuelle s'établit à 45 000 $, fixe jusqu'au décès. Le coût de vie s'élève donc à 98 500 $. Avec un rendement de 4 %, les épargnes de 1 045 000 $ se trouvent épuisées vers 2034. Mais le capital-décès de 800 000 $ est garanti.

Si le dernier conjoint décède plus tôt, les enfants toucheront en plus le solde des épargnes. « On parle de probabilités, rappelle toutefois David Truong. S'ils vivent passé 2033, il risque d'y avoir un manque de capital pour payer non seulement leur coût de vie, mais la prime d'assurance vie. L'assurance vie pourrait être en déchéance, et toute la planification tomberait à l'eau. » Le risque serait similaire si le rendement n'était pas au rendez-vous.

Avec les scénarios précédents, le couple conserve le contrôle de son capital et peut ajuster son coût de vie selon les besoins, quitte à réduire le legs.

Avec un tel magot, Françoise n'avait pas à s'inquiéter, direz-vous.

C'est vrai. Mais sa question était pertinente.

Source : David Truong, Banque Nationale Gestion privée 1859

Le scénario : assurance vie de 800 000 $, coût de vie de 98 500 $, rendement de 4 %

Le coût de vie inclut le budget indexé de 53 500 $, plus la prime annuelle de 45 000 $ pour la police. Les épargnes s’épuisent vers 2034, mais le capital décès de 800 000 $ sera versé aux enfants au dernier décès… dans la mesure où la prime a toujours été payée.