Jocelyne et Robert ont besoin de repères pour trouver le nord.

Elle a 59 ans et elle est travailleuse autonome. Il a 68 ans et il est retraité. Ils aimeraient avoir un refuge à la campagne, tout en conservant un pied-à-terre en ville.

Un peu par intuition, un peu par précaution, ils ont acquis un quadruplex à Montréal, en 2000. « Au bon moment », dit Jocelyne.

Les réparations et les rénovations ont depuis gonflé le solde de l'hypothèque, qui a atteint 325 000 $. « On a mis beaucoup d'argent sur la maison, indique Jocelyne. On doit plus que ce qu'on a payé. »

Heureusement, la valeur de l'immeuble a progressé plus vite encore.

Si son estimation est juste, l'immeuble vaut aujourd'hui au moins 900 000 $, ce qui laisse au couple une valeur nette de 575 000 $.

Le couple habite le rez-de-chaussée. Les trois logements procurent des revenus de 2940 $ par mois. L'hypothèque et l'impôt foncier totalisent 552 $ par semaine, soit une moyenne d'environ 2375 $ par mois. La taxe scolaire de 1200 $ par année est en sus. « Il nous reste peut-être 600 $ par mois », indique Jocelyne.

LE PROJET

« Nous aimerions vivre à l'extérieur de Montréal. » Mais sans laisser la ville.

Le couple loue depuis deux ans une maison dans les Hautes-Laurentides et a été séduit par la nature.

« On ne loue pas à l'année, précise Jocelyne. On ne peut pas se permettre ça. Mais la propriétaire nous a dit qu'elle pourrait éventuellement louer la maison toute l'année. Peut-être qu'on pourrait habiter là et avoir un logement à Montréal ? »

Le loyer s'élève actuellement à 750 $ par mois. Mais il faudrait prévoir davantage, au cas où cette maison ne serait plus disponible, indique sagement Jocelyne. Et il faut y ajouter les coûts d'électricité.

LES REVENUS

Jocelyne, coiffeuse à domicile à temps partiel, gagne un revenu d'environ 24 000 $ par année, avant impôts.

Elle espère travailler encore quelques années : « Ça dépend de mon dos. »

Robert ne touche que la pension de la Sécurité de la vieillesse (PSV) et les prestations de la Régie des rentes du Québec (RRQ), soit environ 12 000 $ par année.

« Ce ne sont pas des gros revenus. On a besoin d'aide. On essaie de voir ce qu'on pourrait faire. » - Jocelyne

Le couple vit frugalement, mais le budget est tout de même serré : les revenus équilibrent à peu près les dépenses. Depuis le début de l'année, des réparations inattendues à la voiture et un problème de punaises dans un des logements ont inscrit une dette de 4000 $ sur leur carte de crédit.

LES OPTIONS

Voici comment Jocelyne et Robert posent le problème.

Doivent-ils : 

 - vendre leur immeuble et acheter un petit condo ?

 - vendre l'immeuble et louer un petit appartement ?

 - conserver un petit logement dans leur immeuble ?

Ni Jocelyne ni Robert n'ont de régime de retraite. Ils ne détiennent respectivement que 12 000 $ et 20 000 $ en REER. Leur budget est déjà réduit au minimum. Leur voiture, quoique âgée, est en bon état, mais il faudra un jour la remplacer.

« Nous avons besoin d'aide pour évaluer notre situation financière pour pouvoir prendre des décisions claires et faire les meilleurs choix possible. »

PORTRAIT

JOCELYNE, 59 ANS

Travailleuse autonome

Revenu : environ 24 000 $

REER : 12 000 $

Aucun régime complémentaire de retraite

ROBERT, 68 ANS

Retraité

RRQ : 5205 $

PSV : 6787 $

REER : 20 000 $

Aucun régime complémentaire de retraite

Dette sur carte de crédit : 4000 $

Propriété

Quadruplex d'une valeur de 900 000 $

Ils occupent le rez-de-chaussée.

Hypothèque : 325 000 $

Paiement hypothécaire : 430 $/semaine

Taux d'intérêt : 2,05 %

Impôts fonciers : 122 $ par semaine

Taxe scolaire : 1200 $ par année

Revenus : 34 230 $

CONCRÉTISER LA VALEUR DE L'IMMEUBLE

Un bon coup, cet immeuble. « Pour la majorité des gens, c'est la seule manière de se bâtir de l'épargne, et dans leur cas, ils semblent avoir fait un très bon achat », commente la planificatrice financière Hélène Bronsard.

L'édifice n'est cependant pas exempt de défauts : il est sensible aux petits séismes financiers. Jocelyne et Robert « sont très vulnérables, car ils n'ont pas de fonds de réserve ni d'autres ressources financières », soulève notre conseillère.

Les revenus du ménage, incluant les revenus de location nets, totalisent 42 600 $ après impôts.

Le budget du couple, si on y inclut le remboursement du capital de l'emprunt hypothécaire, s'élève à peu près à la même somme.

La preuve en est qu'ils ont dû faire appel à la carte de crédit pour couvrir les dépenses imprévues des derniers mois.

« De plus, ajoute-t-elle, si jamais un locataire cessait de payer, leur situation deviendrait très stressante financièrement. Ils ont vraiment besoin des revenus de loyers pour assumer l'hypothèque. »

Quand Jocelyne prendra sa retraite, elle ne pourra compter que sur la RRQ et, à partir de 65 ans, la PSV. Le budget du couple, déjà serré, deviendra déficitaire.

Dès lors, l'option de conserver l'immeuble et de louer à la campagne vient de s'effondrer.

LEURS ACTIFS

Combien peuvent-ils encaisser en vendant l'immeuble ?

La maison serait hypothétiquement vendue 900 000 $, selon l'estimation de Jocelyne. Hélène Bronsard en soustrait le solde de l'hypothèque de 325 000 $, les frais de vente, qu'elle estime à 45 000 $, et la dette de 4000 $ sur la carte de crédit.

Nous en sommes à 526 000 $.

Mais il faut encore acquitter l'impôt sur le gain en capital réalisé depuis l'acquisition.

La maison de 900 000 $ avait été payée 215 000 $. Le couple y a dépensé 135 000 $ en travaux. La vente coûterait 45 000 $ en dépenses et frais de courtage. Jocelyne et Robert auraient donc réalisé un bénéfice de 505 000 $.

Une part - disons la moitié pour simplifier - est attribuée à la partie de la propriété qu'ils occupent, sur laquelle aucun gain en capital ne s'applique parce qu'il s'agit de leur résidence principale. Le reste de l'immeuble se voit donc attribuer un gain en capital de 252 500 $, dont la moitié est imposable. L'impôt s'élèverait alors à environ 38 000 $.

Après impôts, les conjoints mettraient la main sur un capital de 488 000 $.

AH, LA CAMPAGNE !

Comment le projet de vie temporaire à la campagne se conjugue-t-il avec la retraite ?

Hélène Bronsard pose l'hypothèse que Jocelyne donnerait ses derniers coups de ciseaux à la fin de 2017, à l'âge de 62 ans. Début 2018, elle toucherait comme seul revenu la rente de la RRQ, évaluée à 4609 $ par année. La PSV n'interviendrait que trois ans plus tard.

PREMIER SCÉNARIO 

Notre planificatrice suppose que le couple conserve son train de vie actuel d'environ 42 800 $.

De cette somme, 19 800 $ sont consacrés à l'ensemble des frais de logement, y compris le remboursement de capital. La planificatrice les redistribue autrement.

« S'ils veulent toujours louer à la campagne, avise-t-elle, ils devront limiter le coût du logement urbain à 25 % de leur revenu net, soit autour de 10 500 $ », électricité et internet inclus.

Mme Bronsard ajoute 5000 $ au budget loisirs, que le couple pourrait utiliser en louant une résidence de campagne quelques mois par année.

Elle prévoit en outre un débours annuel supplémentaire de 4000 $ pour le remplacement de leur voiture.

Avec ce budget de 42 800 $, en supposant une inflation de 2 % et un rendement sur les investissements de 3 % après inflation, le capital du couple s'épuise en 2043, au moment où Jocelyne atteint 86 ans et Robert 95 ans.

Il ne restera ensuite que les rentes publiques. En outre, à la mort du premier conjoint, le survivant touche le capital-décès de 50 000 $ de l'assurance vie qu'ils ont souscrite.

DEUXIÈME SCÉNARIO 

Notre couple consacre 150 000 $ de son capital à l'acquisition d'une propriété, incluant les frais reliés à l'achat.

Notre conseillère contracte en même temps le coût de vie à 40 000 $.

Il reste un peu plus de 8000 $ pour les autres frais de logement - impôts fonciers, entretien, assurance, électricité, internet. Et toujours 5000 $ pour une location temporaire à la campagne.

Le capital restant s'épuise cette fois à 80 et 89 ans respectivement. Toutefois, Jocelyne et Robert posséderont toujours la propriété, qu'ils pourront vendre pour encaisser la valeur nette.

Moins de 150 000 $ pour un logement ? Quasi impossible à Montréal. Pour augmenter le prix d'acquisition, il faudrait consacrer à des mensualités hypothécaires les 5000 $ réservés à la location temporaire.

PENSER AUTREMENT... ET AILLEURS

Mais « peut-on penser autrement ? », demande Hélène Bronsard. Il existe peut-être un moyen terme, suggère-t-elle, à mi-chemin entre ville et campagne. Pour 150 000 $, peut-être un peu plus, il est sans doute possible d'acheter une petite propriété à proximité d'une ville de taille moyenne, agréable, près de la nature, bien desservie en hôpitaux, restaurants, loisirs, et relativement proche de Montréal. Dans la région de Trois-Rivières, par exemple.

« Montréal deviendrait un loisir quand l'envie leur en prendrait, pas besoin d'un pied-à-terre en permanence », commente notre planificatrice.

Chose certaine, leur retraite s'érige sur leur quadruplex.