Beaucoup d'investisseurs sont actuellement préoccupés du rendement anémique de leurs placements en titres obligataires à revenu, pourtant un élément essentiel de tout portefeuille équilibré.

Et dans un contexte persistant de très bas taux d'intérêt, plusieurs ont succombé à la tentation d'investir davantage en actions à dividendes, dans le but de rehausser d'un ou deux points de pourcentage le rendement en revenus courants de leur portefeuille.

Dans ce cas, cette stratégie de placement s'est probablement avérée avantageuse en rendement total depuis quelques trimestres - gains en capital et dividendes encaissés - par rapport au rendement des principaux indices de marchés boursiers.

Des chiffres en exemple ?

Sur la Bourse américaine, l'indice S&P 500 affiche un rendement total de 10 % depuis un an. En comparaison, c'est deux points de moins que le rendement total (12 %) de l'indice sectoriel S&P 500 des actions à dividendes durant la même période. Sur trois ans, on parle toutefois d'un rendement total de 33 % pour l'indice S&P 500 et de 28 % pour l'indice sectoriel S&P 500 des actions à dividendes.

Sur la Bourse canadienne, l'indice de marché S&P/TSX affiche un rendement total de 10 % depuis un an, celui du sous-indice des entreprises à dividendes s'avère supérieur de deux points, à 12 %. Sur trois ans, le rendement total de l'indice S&P/TSX a été de 22 % contre 15 % pour le S&P/TSX à dividendes.

Comme investisseurs, tant mieux si vous avez pu profiter de ces rendements avantageux depuis quelques trimestres ! Mais attention pour la suite à court terme, avertissent des professionnels de la Bourse.

Pourquoi cette soudaine méfiance ?

« La valeur des actions à dividendes s'est beaucoup élevée depuis deux ans en raison de leur popularité un peu extrême, à mon avis, parmi les investisseurs à la recherche de meilleurs rendements courants et de titres présumés "défensifs" contre la faiblesse des rendements obligataires », résume Vincent Delisle, directeur de la stratégie de portefeuilles chez Scotia Capital, principale filiale boursière de la troisième banque canadienne selon l'actif.

Observation semblable de la part de Martin Roberge, stratège boursier au bureau montréalais de Canaccord Genuity, l'une des plus importantes firmes d'investissement encore indépendantes sur Bay Street.

« On s'approche d'une situation de "last call" pour les investisseurs qui ont fait la chasse aux actions à rendement de dividendes depuis quelques trimestres. Ces titres sont maintenant à risque de surévaluation à court terme, et donc mal protégés en cas de correction boursière induite par des mouvements de la Réserve fédérale américaine (Fed) », soulignait M. Roberge dans une récente note à ses clients-investisseurs.

AJUSTER LE PORTEFEUILLE

Pour Vincent Delisle aussi, le risque de surévaluation des actions à dividendes en conséquence d'un « surplus d'amour des investisseurs » devient préoccupant alors qu'on se rapproche d'une remontée des taux par la Fed.

« Dans ce contexte, les investisseurs doivent ajuster leurs portefeuilles en fonction de la vulnérabilité ou non de la valeur de leurs différents placements face à une prochaine amorce de normalisation des taux. Les plus affectés sont habituellement les titres à revenu, comme les obligations à long terme et les actions à dividendes, parce que leur rendement courant devient moins avantageux. »

Néanmoins, ajoute M. Delisle, un tel ajustement de portefeuilles à un changement de conjoncture de taux d'intérêt ne devrait pas justifier une évacuation complète des actions à dividendes.

« Ça demeure des titres nécessaires dans un portefeuille bien équilibré. Toutefois, il faut éviter d'en surévaluer des attributs "défensifs" en Bourse par rapport aux autres types d'actions. En d'autres termes, c'est erroné pour les investisseurs de percevoir le dividende comme une forme de protection contre la baisse de valeur d'une action », avertit Vincent Delisle.

Par ailleurs, il rappelle que les critères de sélection des actions à dividendes demeurent semblables à ceux qui prévalent pour tous les placements en actions.

« En moyenne, de 80 à 90 % du rendement d'un portefeuille d'actions dépend d'une bonne répartition sectorielle en fonction de l'évolution de la conjoncture économique et de la politique monétaire », explique M. Delisle, à partir de sa stratégie de portefeuille chez Scotia Capital maintes fois primée dans le secteur boursier canadien.

« Ces temps-ci, c'est la possibilité d'une remontée de taux d'intérêt aux États-Unis avant la fin de l'année qui devrait guider une surpondération en actions d'entreprises avantagées par une hausse de taux, comme les banques et les grands assureurs. Entre-temps, ces actions procurent déjà un bon rendement en dividendes », résume Vincent Delisle.

« En contrepartie, les investisseurs devraient réduire leur position ou prendre des profits avec les actions à dividendes dans des secteurs habituellement plus sensibles à une remontée des taux d'intérêt. Il s'agit surtout des services publics, des télécommunications et du secteur immobilier. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Selon Martin Roberge, stratège boursier au bureau montréalais de Canaccord Genuity, on s'approche d'une situation de « last call » pour les investisseurs qui ont fait la chasse aux actions à rendement de dividendes depuis quelques trimestres.

photo richard drew, archives associated press

Sur la Bourse canadienne, l'indice de marché S&P/TSX affiche un rendement total de 10 % depuis un an, celui du sous-indice des entreprises à dividendes s'avère supérieur de deux points, à 12 %. Sur trois ans, le rendement total de l'indice S&P/TSX a été de 22 % contre 15 % pour le S&P/TSX à dividendes.

DIVIDENDES CANADIENS : L'ABONDANCE !

Les entreprises dont le rendement en dividendes est avantageux pour leurs actionnaires sont nombreuses à la Bourse de Toronto. Même que la Bourse et son associé en gestion d'indices, la firme américaine Standard & Poor's, entretiennent quelques indices particuliers pour les actions à dividendes. Deux d'entre eux servent de référence pour des fonds négociés en Bourse (FNB) qui totalisent des milliards en actifs sous gestion. Il s'agit de « l'indice composé à dividendes élevés », qui comprend 75 titres dont la capitalisation totalise autour des 885 milliards de dollars. Il y a aussi « l'indice des aristocrates de dividendes canadiens », qui regroupe 75 entreprises ayant un bon historique de hausses de dividendes au fil des ans. La capitalisation totale de cet indice voisine les 11 milliards. Les FNB sont de plus en plus populaires parmi les particuliers-investisseurs pour leurs frais moindres de gestion et leur aisance de transactions. En échantillon, voici les cinq principaux FNB d'actions canadiennes à dividendes, selon la taille de leur actif.

QUÉBEC INC. BOURSIER EN DIVIDENDES

Le contingent d'entreprises de Québec inc. cotées en Bourse compte quelques étoiles du rendement en dividendes. Elles se retrouvent aussi dans une variété de secteurs d'activité, des services financiers à la fabrication industrielle, en passant par les énergies renouvelables et les services d'ingénierie. Voici un top 5 du rendement en dividendes parmi les entreprises québécoises dont la capitalisation boursière dépasse le milliard de dollars.

BANQUE LAURENTIENNE

Rendement courant en dividendes : 4,9 %

Cours récent : 48,75 $

Capitalisation boursière : 1,4 milliard

À l'instar des principales banques canadiennes, la Banque Laurentienne, deuxième sous direction québécoise en taille d'actifs, fait partie des entreprises avec un historique de hausses régulières de dividendes. Toutefois, depuis quelques trimestres, cet avantage aux actionnaires de la Laurentienne n'a pas suffi à secouer la léthargie de ses actions en Bourse. De l'avis d'analystes, cette léthargie découle notamment de l'attente des résultats des changements de hauts dirigeants à la banque. Entre-temps, le rendement en dividendes des actions de la Laurentienne s'est élevé tout près de 5 %, supérieur de 0,5 à 1,5 point de pourcentage à ceux des autres banques.

AIMIA

Rendement courant en dividendes : 9,3 %

Cours récent : 8,65 $ (AIM)

Capitalisation boursière : 1,3 milliard

La présence en tête de cette liste de l'entreprise montréalaise qui possède et gère les systèmes de points de fidélisation de clientèle, comme Aéroplan, lié au transporteur Air Canada, est un peu étonnante. En fait, c'est la perte de 50 % de la valeur des actions d'Aimia depuis deux ans qui l'a davantage propulsée à cette position, plutôt qu'une majoration significative de son dividende trimestriel. Aussi, après quatre trimestres consécutifs de déficit d'exploitation, la pérennité de dividendes pour lesquels Aimia débourse 35 millions par trimestre suscite de la méfiance parmi les investisseurs.

FINANCIÈRE POWER

Rendement courant en dividendes : 5,2 %

Cours récent : 30,05 $ (PWF)

Capitalisation boursière : 21 milliards

Le conglomérat d'assurances-vie et de services d'investissement ainsi que sa société mère, Power Corporation, font partie depuis longtemps du contingent sélect des « blue chips » à dividendes sur la Bourse canadienne. Pour leurs actionnaires, l'encaissement de dividendes constitue la principale source de rendement sur leur placement depuis plusieurs années. Autour de 30 et de 27 $, respectivement, les actions de la Financière Power et de Power se transigent ces temps-ci à des prix comparables à ceux d'il y a six ans. De l'avis d'analystes, dans un contexte de faibles taux d'intérêt, les investisseurs boursiers doutent du potentiel de croissance des résultats chez les filiales d'assurances-vie et de services d'investissement de la Financière Power.

COMINAR

Rendement courant en dividendes/distributions : 8,9 %

Cours récent : 16,40 $ (CUF.UN)

Capitalisation boursière : 2,7 milliards

L'entreprise d'immobilier commercial et industriel dirigée par la famille Dallaire, de Québec, affiche un rendement en dividendes élevé qui est typique de son statut de fiducie d'investissement immobilier. L'une des particularités de ces fiducies est d'acheminer une part importante de leurs revenus avant impôt provenant d'actifs à long terme, comme des immeubles, sous forme de « distributions » vers leurs détenteurs de parts qui, eux, sont imposés sur ces revenus de placement selon leur taux respectif. La contrepartie d'un rendement en « distributions » aussi élevé ? Les parts de Cominar sont considérées comme faisant partie des titres plus sensibles à une éventuelle remontée de taux d'intérêt. D'où leur stagnation en valeur depuis quelques trimestres.

DOMTAR

Rendement courant en dividendes : 4,7 %

Cours récent : 46,65 $ (Toronto)

Capitalisation boursière : 3 milliards

Les actionnaires de la papetière bénéficient de l'un des rendements en dividendes les plus élevés - à 4,7 % - parmi les entreprises industrielles cotées à la Bourse de Toronto. Cet avantage découle de deux facteurs principaux. D'une part, le cours des actions de Domtar stagne autour des 50 $ depuis trois ans, après un fractionnement d'actions à deux pour une et un ajustement subséquent de dividendes avantageux. D'autre part, Domtar a rehaussé son dividende à deux reprises depuis ce fractionnement d'actions. Durant cette période, la papetière a terminé une restructuration d'actifs et investi dans des produits à plus haute valeur ajoutée. En Bourse, les efforts de Domtar semblent être parvenus à neutraliser la perception négative des investisseurs envers une industrie en déclin.

SOURCES : BOURSE DE TORONTO, THOMSON REUTERS

DES DIVIDENDES D'ORIGINE MONDIALE

Les professionnels du placement le répètent : la diversification des portefeuilles à l'international est importante pour éviter de se confiner à la Bourse canadienne, relativement petite à l'échelle mondiale. Ce conseil est d'autant plus pertinent avec les placements en actions à dividendes, considérant que les meilleurs titres canadiens à cet égard se concentrent dans des secteurs qui pèsent lourd à la Bourse de Toronto : banques et services financiers, énergie, télécoms, immobilier. Entre-temps, l'émergence de fonds négociés en Bourse (FNB) spécialisés en actions internationales à dividendes a beaucoup facilité l'accès à cette catégorie de placements parmi les particuliers-investisseurs. En exemple, La Presse Affaires a établi deux échantillons des principaux FNB d'actions internationales à dividendes qui sont cotées à la Bourse de Toronto : l'un pour les FNB d'actions américaines et l'autre pour les FNB d'actions dites mondiales.