Bonne nouvelle :  Hélène et Gilles n'ont pas de problème de retraite.

«  Nous sommes propriétaires, à parts égales, d'une maison à Montréal entièrement payée d'une valeur de 375 000  $, informe Hélène. Mon conjoint aura bientôt 64 ans et moi bientôt 59 ans.  »

Tous les deux profitent d'un solide régime de retraite avec leurs employeurs respectifs. «  Nous avons quelques REER et un peu de CELI. Chacun a une assurance vie. Nous avons un testament qui semble bien fait. Tout revient à l'autre conjoint lorsqu'il y aura un décès.  »

Tout va bien, donc.

Mais voilà où le bât pourrait blesser, craint-elle  :  «  Nous sommes des conjoints de fait depuis 40 ans.  »

Où est le mal  ?

Vous savez comment sont les choses  :  on entend des rumeurs, on attrape des bribes d'information, on conclut, on s'inquiète...

«   Ma grande question  :  à 65 ans, chacun aura la PSV. Certains nous disent qu'au décès de l'un ou l'autre, le conjoint survivant n'aura pas droit à cette pension, car nous ne sommes pas mariés, seulement conjoints de fait. C'est vrai  ?  » - Hélène

LE COÛT DE L'HÉBERGEMENT

Un autre point la turlupine.

«  Certains couples mariés se séparent, pour que le conjoint soit en résidence et l'autre puisse continuer à vivre dans leur maison  », indique-t-elle.

Sa réflexion est suscitée par le cas d'un oncle marié, victime d'un accident vasculaire cérébral et atteint de paralysie, qui a dû être hébergé quelques années dans une résidence spécialisée. «  Ma tante s'est séparée sur papier pour que mon oncle puisse, avec ses revenus, payer sa résidence, et que ma tante puisse garder la maison  », raconte Hélène.

Elle aimerait comprendre la logique derrière cette décision  :  «  Faut-il se marier puis se séparer  ?  »

Puis elle en vient à la source de son inquiétude. «  On va dire les vraies affaires  :  je fais de la sclérose en plaques. Mais je suis médicamentée et ça fait 14 ans que ça va super bien. Mais je me dis  :  si j'en venais à être placée, qu'est-ce qui se passerait avec la maison  ? On n'est pas marié. La maison est à tous les deux. Mon conjoint sera-t-il obligé de la vendre  ?  »

Elle se demande si, le moment venu, le conjoint prêt à être hébergé ne devrait pas céder sa part de la maison à l'autre.

« Y a-t-il d'autres surprises qui pourraient nous surprendre en tant que "vieux couple" non marié  ?  »

Elle résume  :  à la retraite et en fin de vie, est-ce qu'il y a des désavantages à être conjoints de fait, ou des avantages à être mariés  ?

« La solution serait-elle de se marier pour rendre la vie moins stressante lorsque nous serons des vieillards  ?  »

PORTRAIT

Hélène



• 59 ans

• Retraitée avec régime de retraite du secteur municipal à prestations déterminées

• REER : 55 000 $

Gilles



• 64 ans

• Retraité avec régime de retraite du secteur parapublic à prestations déterminées

• REER : 30 000  $

• Propriété : 375 000 $, sans solde hypothécaire

• Conjoints de fait depuis 40 ans

Question : Devraient-ils se marier ?

GAI LON LA, NE NOUS MARIONS PAS

Rassurons immédiatement Hélène : si elle n'a pas droit à une pension de conjoint survivant de la Sécurité de la vieillesse, ce n'est pas parce qu'elle est conjointe de fait, mais parce qu'une telle pension n'existe pas.

« Les gens ne comprennent pas que c'est un régime universel, commente la notaire Denise Archambault. Tout le monde y a droit. Mais il n'y a pas de rente de survivant au décès : c'est un programme individuel. »

« Si un des deux décède et que l'autre n'a plus assez d'argent pour vivre, le mieux qu'il puisse faire, c'est de demander le supplément de revenu garanti, ajoute-t-elle. Mais ça n'a rien à voir avec le conjoint, marié ou pas. »

Nul besoin, donc, de se marier dans cette perspective.

Notons qu'il existe tout de même une notion d'allocation au survivant : il s'agit d'une prestation versée aux Canadiens âgés de 60 à 64 ans, qui ont un faible revenu et dont l'époux ou le conjoint de fait est décédé.

HÉBERGEMENT

Les principales préoccupations d'Hélène, on le comprend, sont de séparer la rumeur de la réalité, de vérifier si sa fin de vie serait plus facile si elle était mariée, et enfin de s'assurer que son conjoint ne se trouverait pas dans une position délicate si elle devait être hébergée de façon permanente dans un établissement de santé.

Voyons voir.

Voici ce que nous indique (sommairement) la Régie de l'assurance maladie du Québec.

Pour une chambre individuelle, la contribution financière de l'adulte hébergé s'établit en 2016 à 1811,40 $ par mois.

Si la personne hébergée considère qu'elle n'a pas les moyens de cette contribution, elle peut faire une demande d'exonération.

« La Régie évaluera alors sa capacité de payer et déterminera si elle est admissible. » - La RAMQ

C'est ici que les choses se compliquent. La Régie établit alors cette capacité de payer sur la base des revenus, biens et avoirs liquides de la personne hébergée... et de son conjoint. Des déductions sont toutefois appliquées. Par exemple, on ne considère pas les premiers 40 000 $ de la valeur nette de leur propriété.

Toutefois, Hélène n'a pas de soucis à se faire avec les revenus et liquidités de Gilles.

« Pour l'application du programme, la Loi sur les services de santé et les services sociaux ne reconnaît que les conjoints mariés ou unis civilement », nous informe la RAMQ. « Les revenus, biens et avoirs liquides du conjoint de fait ne sont donc pas considérés. »

Bonne nouvelle.

Mais qu'en est-il de la maison, propriété commune ?

« Pour établir la capacité de payer, la RAMQ ne tiendra compte que de la part de la propriété détenue par l'adulte hébergé. Par la suite, la déduction de 40 000 $ est appliquée sur la valeur nette de sa part de la propriété. »

VENDRE LA MAISON ?

Bien sûr, la question qui tarabuste Hélène est de savoir si, dans le cas où elle serait un jour hébergée, ses revenus de retraite et ses épargnes lui suffiraient à payer la contribution financière de son hébergement. Serait-elle un jour forcée de puiser dans sa part de la valeur de la maison commune, forçant ainsi son conjoint à la vendre ?

Denise Archambault n'a jamais eu connaissance d'une telle situation. Et la solution ne se trouverait pas dans la cession à son conjoint de sa part de la propriété.

Selon toute probabilité, en raison de ses revenus, elle devrait tout de même acquitter le plein coût mensuel de l'hébergement.

Par ailleurs, soulève Denise Archambault, « elle n'a alors pas beaucoup de protection parce que si son conjoint s'en va avec la voisine pendant qu'elle est en maison d'hébergement, le patrimoine familial ne s'applique pas pour eux. Ce n'est pas une solution, elle ne se protège pas. »

SE MARIER AU CAS OÙ ?

Hélène trouverait-elle avantage à se marier ? « Le seul avantage que ça lui procurerait est l'obligation alimentaire, répond notre notaire. Si elle devait être hébergée en raison de sa maladie et que son conjoint se désintéressait d'elle, il n'a actuellement aucune obligation alimentaire. La cause Éric contre Lola nous l'a bien montré. Alors que s'ils étaient mariés, Gilles aurait cette obligation alimentaire. »

Mais vaut-il la peine de se marier dans cette éventualité ? À Hélène et Gilles de voir.

TESTAMENTS

Leurs testaments semblent bien faits : c'est parfait. « Mais il est important également d'avoir son mandat bien fait, souligne notre notaire. Hélène n'en parle pas. » Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'en a pas, mais mieux vaudra s'en assurer.

« Ils peuvent se nommer l'un et l'autre leur mandataire respectif, et ils ont une fille qui peut prendre la relève. »

Elle conclut en les rassurant.

« Je leur dirais : bravo, vous avez bien organisé votre vie. Vous ne vous êtes pas mariés, c'est votre choix. Vous ne serez pas moins bien protégés pour autant, surtout si vous avez fait un testament. Il vous reste à vous assurer que vous avez un bon mandat. Mais vous avez fait un beau travail de planification de votre retraite, ne vous inquiétez pas. »