Il sera bientôt temps de revenir à Montréal.

Il sera bientôt temps de revenir à Montréal.

« Je suis une retraitée de 71 ans, raconte Micheline. J'ai pris ma retraite à l'âge de 59 ans et j'ai alors vendu ma maison de Saint-Lambert pour m'installer dans un magnifique petit village de la région de Portneuf. »

Elle avait vendu sa propriété en 2002 pour 125 000 $, « juste avant la montée en flèche des prix des maisons ».

À intervalle de deux semaines, elle fait l'aller-retour à Saint-Lambert pour suivre des cours de piano - l'occasion de visiter enfants, petits-enfants, amies...

« J'adore ma maison à la campagne », souligne-t-elle, mais « il est clair pour moi que quand je ne serai plus capable de conduire confortablement, quand le trajet va me fatiguer plus, je vais retourner là où sont mes proches. »

Elle s'interroge toutefois sur les conditions de ce retour.

« Est-ce que je vais acheter ou louer ? Cette question me taraude, alors je ne veux pas attendre d'avoir le nez sur l'échéance. »

ACHAT OU LOCATION ?

Sa maison de Portneuf, entièrement payée, a été évaluée par un courtier immobilier à environ 150 000 $.

« Avec ce montant, je peux soit m'acheter un condo, soit louer quelque chose d'équivalent pour 1000 à 1200 $ par mois. »

Elle perçoit bien les avantages et travers de chaque solution.

« Dans le premier cas, je ne dispose pas de mon argent, mais seuls les frais de condo sont susceptibles d'augmenter », dit Micheline.

« Dans le deuxième cas, j'utilise l'argent de la vente de la maison et les économies générées sur son entretien pour payer le loyer. Par contre, le loyer peut augmenter alors que mon revenu ne change guère. » - Micheline

Ce constat lucide est aussi une manière de dire qu'elle peine à trancher.

Condo ou location, elle cherche un appartement de deux chambres à coucher, avec stationnement intérieur.

Elle a déjà fait du repérage sur la Rive-Sud, a même visité un condo. « Il y a une vue magnifique sur Montréal, mais aussi une écoute magnifique du trafic de la 20. »

Rien n'est parfait...

PEU DÉPENSIÈRE

Employée retraitée du gouvernement, Micheline touche une rente de retraite de 2373 $ par mois, à laquelle s'ajoutent une rente de 506 $ de la RRQ et 569 $ de la PSV.

Elle détient 50 000 $ en FERR et 28 000 $ en CELI.

« J'arrive très bien avec mon revenu sans toucher à mes économies. Quand je l'ai fait, c'était pour des dépenses particulières (fenêtres, fosse septique), et j'en ai payé quand même une bonne partie avec mes économies - économies que je fais sur mes revenus annuels. »

Elle vient d'acheter une nouvelle voiture, qui lui coûtera 317 $ par mois pendant cinq ans.

« Je suis plutôt frugale dans mes dépenses, sauf pour un séjour de six semaines au Mexique à l'hiver, qui me coûte environ 2800 $, pour l'avion et le logement en condo avec des amies. »

C'est plutôt le logement en condo à Montréal qui pose problème.

« Quand tu achètes, tu as un toit de garanti. Mais avec un condo, j'ai un peu peur d'avoir à la fois les inconvénients du propriétaire et du locataire. »

PORTRAIT

Micheline, 71 ans

Revenus de retraite : 41 376 $/année avant impôts

Budget annuel : environ 30 700 $

Dépenses mensuelles fixes

Prêt-auto 317 $

Électricité 200 $

Télévision : 55 $

Téléphone et internet : 103 $

Assurance auto et habitation : 102 $

Total : 675 $/mois

Dépenses mensuelles variables : 

Alimentation, vêtements, essence, etc.

Total : 1400 $/mois

Taxes scolaires et municipales 1500 $/an

Voyage annuel : 2800 $/an

Cours de piano : 1500 $/an

Actifs

Propriété de Portneuf : environ 150 000 $

FERR : 50 000 $

CELI : 28 000 $

UN CHOIX AUX IMPACTS À LONG TERME

Condo ou location ? La décision a un impact à long terme sur les revenus de retraite de Micheline.

Première étape : établir son revenu net.

La retraitée estime ses revenus bruts pour 2015 à 41 376 $.

Puisqu'elle aura 71 ans au 1er janvier 2016, elle commencera obligatoirement à faire des retraits minimaux de son Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), qui s'ajouteront à ses revenus imposables. Ils s'établiront dans son cas à environ 2746 $ pour 2016, calcule la planificatrice financière et fiscaliste Josée Jeffrey, de Focus retraite & fiscalité.

« Ses revenus bruts actuels lui permettent de recevoir le crédit d'impôt pour solidarité estimé à 500 $ par année et un crédit pour la TPS à 119 $ par année, ajoute la planificatrice. Dès l'année prochaine, avec le versement du montant minimum de son FERR, ce montant sera réduit à 311 $ et elle perd en totalité le crédit de TPS. »

En tenant compte d'une modeste indexation, les revenus bruts de Micheline devraient donc atteindre 44 522 $ en 2016, estime Mme Jeffrey.

Après les contrariétés fiscales, son revenu net s'établira à environ 37 240 $.

UN CONDO ?

Considérons maintenant l'hypothèse de l'achat d'un condo.

Si Micheline parvient à obtenir 150 000 $ pour sa propriété de Portneuf, elle en retiendra environ 142 500 $, une fois soustraits les frais de courtage immobilier.

« Il faudrait trouver un condo à ce prix », indique la planificatrice.

Elle prévoit des coûts d'environ 3000 $ pour les droits de mutation, les frais de notaire et le déménagement. Elle soustrait cette somme des 28 000 $ du CELI.

« Micheline n'aura aucune hypothèque, mais elle devra ajouter à son budget des charges de copropriété que j'estime à 150 $ par mois. » - Josée Jeffrey, planificatrice financière et fiscaliste chez Focus retraite & fiscalité

En revanche, les frais de rénovation et d'entretien disparaissent.

Posant en principe qu'un appartement est moins coûteux à chauffer qu'une maison de campagne, elle ramène les frais d'électricité à 100 $ par mois. Elle majore les impôts fonciers à 2000 $ par année, mais conserve sans les modifier les autres dépenses de Micheline.

Elle obtient ainsi un coût de vie de 33 013 $ en 2016. Il est inférieur au revenu net de 37 240 $, et Micheline épargnera donc jusqu'à la fin de ses jours, direz-vous fort pertinemment. 

Eh non. Parce que les rentes ne sont pas pleinement indexées au coût de la vie, ses revenus deviendront inférieurs aux dépenses à partir de 82 ans, et il faudra alors faire davantage appel aux épargnes. Elles permettent néanmoins à Micheline d'atteindre sereinement 101 ans - toujours avec l'équivalent d'un voyage annuel au Mexique !

Mais Micheline pourra-t-elle trouver un condo à 142 500 $ ? Ajoutons à son capital les 25 000 $ qui demeurent dans son CELI. Son budget condo atteint 167 500 $. Sans CELI, ses épargnes ne s'épuisent tout de même qu'à l'âge vénérable de 95 ans. Et le condo demeure.

UN LOGEMENT ?

Un appartement loué serait-il préférable ?

Cette fois, les 142 500 $ tirés de la vente de la propriété de Micheline sont utilisés pour combler son CELI, l'excédent étant investi dans de prudents placements non enregistrés. Chaque année, Micheline gagnera de nouveaux droits de cotisation au CELI, qui seront utilisés en puisant dans les placements non enregistrés. Josée Jeffrey suppose, tout comme dans la première hypothèse, que les épargnes procurent un rendement annuel de 4 %.

En remplaçant l'impôt foncier et les charges de copropriété par un loyer de 1200 $ par mois, notre planificatrice établit le coût de vie à 43 613 $.

Dans ces conditions, les épargnes de Micheline sont à sec dans sa 89eannée.

« Je recommande l'achat du condo, qui augmentera les actifs de Micheline », conclut sobrement Josée Jeffrey.

RETOUR SUR LES IMPÔTS

Mais revenons brièvement aux revenus et impôts de 2016.

Considérant les retenues à la source effectuées sur sa rente de retraite, Micheline aurait encore à payer 2149 $ au moment de faire ses déclarations de revenus pour 2016. Pour éviter stress et tracas, Josée Jeffrey lui suggère de donner un coup de téléphone à la RRQ pour demander des retenues à la source équivalentes durant 2016. Elle estime les montants à 805 $ pour le fédéral et 1344 $ du côté provincial, soit respectivement 67 $ et 112 $ par mois.

La mesure est aussi utile en condo qu'en logement.