Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Notre invité cette semaine : Martin Lefebvre, vice-président, stratégie de placement et répartition de l'actif, à la Banque Nationale.

L'ÉVÉNEMENT DE LA SEMAINE

Encore une fois, il y a eu plus de « bruit » que d'événements marquants pour les marchés boursiers.

Les attaques terroristes, aussi tristes soient-elles, font les manchettes. Mais leur impact sur les Bourses s'avère à très court terme, et rapidement renversé.

À mon avis, la seule chose susceptible de faire bouger les marchés prochainement est la hausse probable des taux d'intérêt directeurs de la Réserve fédérale américaine (Fed) à la mi-décembre.

Lorsqu'elle surviendra, il s'agira tout de même de la première hausse de taux en plus de neuf ans !

L'INDICATEUR À SUIVRE

En raison du ralentissement en Chine, je suis de très près les statistiques sur l'activité manufacturière mondiale. Et pour le moment, il semble que le pire soit maintenant derrière nous.

La Bourse chinoise a rebondi de son creux du mois d'août et les mesures d'assouplissement (stimulation monétaire) prises par le gouvernement chinois devraient permettre à l'activité économique de se stabiliser, voire de s'accélérer. Par conséquent, je m'attends à un rebond des indicateurs d'achats dans le secteur manufacturier d'ici la fin de l'année. Et un tel rebond coïncide habituellement avec une embellie des marchés boursiers.

OÙ INVESTIR ?

Avec les taux obligataires à un creux historique, je continue de penser que les actions offrent le meilleur espoir de rendement à long terme.

Certes, le début d'un cycle de resserrement monétaire aux États-Unis (hausse de taux par la Fed) peut entraîner son lot d'incertitude.

Toutefois, l'histoire suggère que les marchés boursiers tendent à s'apprécier dans les 12 à 24 mois suivants la première hausse de taux.

Dans un tel contexte de fin de cycle économique, les secteurs les plus favorisés sur les Bourses nord-américaines devraient être les banques et les entreprises des technologies informatiques.

INVESTIR AILLEURS

Si la volatilité des marchés boursiers vous effraie, les actions privilégiées sur la Bourse canadienne méritent d'être regardées de près.

Cette classe d'actif a subi de lourdes pertes l'an dernier, en raison des baisses surprises de taux directeur de la Banque du Canada.

Mais à leurs prix actuels, les actions privilégiées peuvent représenter une bonne occasion.

D'autant que leurs rendements courants, ajustés sur une base fiscale, sont maintenant plus élevés que ceux des obligations à rendement élevé.

Du côté des titres à revenu fixe, les obligations municipales, avec un écart de rendement de près de 1 % au-dessus des obligations provinciales, revêtent une relation risque/rendement attrayante à l'heure actuelle.

LE PLACEMENT À ÉVITER

En raison d'une baisse de l'inflation et de la faiblesse de l'économie mondiale, la valeur des obligations gouvernementales a continué d'augmenter au cours des dernières années. Au point d'être rendues à forte prime, ce dont doivent se méfier les investisseurs et les gestionnaires de placement.

Certes, les obligations auront toujours un rôle à jouer dans un portefeuille bien diversifié. Mais la possibilité d'une hausse de taux d'intérêt rend ce type de placement de moins en moins attrayant, parce qu'une telle hausse risque de déprécier la valeur des obligations négociables sur les marchés.

CE QUI EST SOUS-ESTIMÉ

Le retour potentiel de l'inflation.

Actuellement, les anticipations inflationnistes demeurent très basses parce qu'elles reflètent surtout la faiblesse des prix des matières premières, en particulier le pétrole.

Dans ce cas, la correction de plus de 50 % du prix du baril depuis son sommet du début de 2014 semble passablement avancée.

Il pourrait y avoir un retournement important si, à l'instar des précédents resserrements de politique monétaire (remontée de taux par la Fed), le dollar américain devait faiblir prochainement.

Parce que le pétrole et les principales matières premières se négocient surtout en dollars américains, tout affaiblissement de cette devise pourrait susciter un réveil inflationniste dans l'économie mondiale.

L'EXPERT DE LA SEMAINE

À la Banque Nationale, Martin Lefebvre agit comme stratège boursier et chef des placements pour les 8 milliards en actifs sous gestion qui proviennent surtout des clients de la filiale « Gestion privée 1859 ».

Avec 15 ans d'expérience dans le secteur financier, M. Lefebvre est un économiste de formation qui a notamment travaillé chez Natcan gestion de portefeuille, au Mouvement Desjardins, ainsi qu'au ministère des Finances du Canada.