Mis en oeuvre sous les libéraux et adopté par le gouvernement Marois, le Régime volontaire d'épargne-retraite (RVER) permet aux employés de PME de se bâtir une épargne en vue de leurs vieux jours. Double avantage puisque les employeurs peuvent aussi y cotiser, ce qui devient pour eux un outil de rétention des employés.

POURQUOI ATTENDRE ?Chez Héloïse Thibodeau Architecte, on n'a pas attendu la date butoir du 31 décembre 2016 pour établir un Régime volontaire d'épargne-retraite (RVER). Pour l'entreprise montréalaise et sa cinquantaine d'employés, le régime est déjà en place. L'employeur et les employés ont commencé à cotiser il y a déjà quelques semaines.

Pourquoi attendre étant donné que le programme sera obligatoire de toute façon ?, s'est dit Philippe Cazanave, directeur des opérations. «Comme c'est un passage obligé, valait mieux en tirer profit le plus possible », dit-il.

L'occasion était belle de revoir les avantages sociaux dont bénéficient les employés, poursuit M. Cazanave. La conclusion fut qu'implanter un RVER dans lequel l'entreprise cotisera également était vraiment la formule gagnante pour tous.

Pour les employés, il s'agit d'un des meilleurs avantages sociaux dont ils peuvent bénéficier. Et puisque l'employeur cotise lui aussi, ce dernier se dote ainsi d'un outil de rétention du personnel intéressant.

Le tout a débuté lorsqu'un employé est venu voir la direction pour lui signaler l'existence de ce nouveau régime d'épargne-retraite et lui demander ce qu'elle comptait faire, raconte Pierre Landry, comptable de l'entreprise. « Ils se sont aussitôt penchés sur la question sans que les employés aient à faire de pression additionnelle », dit-il.

Outre les articles de journaux et les reportages dans les différents médias, le porte-parole de la Régie des rentes du Québec, Pierre Turgeon, admet que la publicité entourant le nouveau régime a été jusqu'à maintenant relativement limitée. Mais il assure que celle-ci s'intensifiera à compter de cet automne étant donné qu'il ne restera plus qu'un an avant la date butoir.

Héloïse Thibodeau n'offrait pas de gros régimes d'assurances aux employés, explique Pierre Landry. L'occasion était belle de compenser en cotisant à leurs RVER.

« Le rendement pour les employés qui voient leurs cotisations être majorées jusqu'à 50 % est exceptionnel. » - Pierre Landry, comptable de l'entreprise Héloïse Thibodeau Architecte 

À peine 10 % des employés ont décidé de ne pas participer au RVER, indique Johanne Turgeon, adjointe administrative.

Chaque individu décide de la somme qu'il désire cotiser. Ensuite, la firme ajoutera 20 % de la somme pour les employés qui ont 2 ans d'ancienneté au service de la firme, 30 % pour ceux qui ont 3 ans, 40 % après 4 ans et 50 % pour tous ceux qui sont là depuis 5 ans ou plus. « Chose certaine, les employés d'Héloïse sont heureux que les patrons s'impliquent », dit-elle.

AVANTAGEUX POUR JEUNES ET PLUS VIEUX 

Il existe plusieurs façons d'accumuler de l'épargne en vue de la retraite, mais lorsque l'on est encore jeune, ce n'est pas au centre de nos préoccupations, car on se dit qu'on a bien le temps d'y penser, évoque le comptable. « Le bon côté du RVER est qu'il amène les jeunes à embarquer dans quelque chose », dit M. Landry.

Et les employés plus âgés en profitent drôlement lorsque l'entreprise cotise également au régime de ses employés.

« Pour des gens comme moi dont le moment de la retraite n'est pas si éloigné, on ne peut pas trouver un meilleur rendement sur ses contributions lorsque l'employeur contribue également. »

- Pierre Landry, comptable

Autre avantage, les déductions d'impôts auxquelles donnent droit les cotisations de l'employé à son RVER sont aussitôt prises en considération dans le calcul de la paie nette, si bien que l'individu se voit retenir moins d'impôts sur sa paie et n'a pas à attendre son remboursement d'impôt l'année suivante, explique Johanne Turgeon.

Bien sûr, mettre en place un RVER nécessite un certain travail. Il faut d'abord choisir un administrateur. « Nous en avons rencontré trois sur les dix enregistrés auprès de la RRQ, et nous avons opté pour Desjardins qui s'occupait déjà de notre paie », dit l'adjointe administrative. La firme s'occupe ensuite d'à peu près tout le reste à partir de la plateforme électronique qui lui est fournie.

Catherine Chauvette est agente de bureau à la comptabilité chez Héloïse Thibodeau. Elle a entrepris d'accumuler de l'épargne il y a cinq ans, et elle se réjouit de voir les avantages supplémentaires que lui procure le RVER.

La firme avait déjà entrepris des démarches afin de doter l'entreprise d'un REER collectif. Mais plusieurs événements, entre autres un déménagement, ont retardé le projet.

La firme a finalement opté pour le RVER, et Mme Chauvette croit qu'il s'agit là d'une très bonne décision. Ayant auparavant travaillé pour une institution financière, elle était sensibilisée à la nécessité d'épargner en vue de la retraite. « Le RVER est probablement le plus simple pour l'employé, et le plus avantageux pour lui lorsque l'employeur cotise également », dit-elle.

UNE IDÉE QUI FAIT SON CHEMIN

Le Régime volontaire d'épargne-retraite (RVER) a eu un an le 1er juillet. À ce jour, 10 institutions ont été agréées comme administrateurs, 1100 entreprises ont mis en place un RVER et 6000 employés y participent. Deux experts de l'industrie dressent pour nous l'état de la situation et nous disent à qui s'adresse ce nouveau régime.

PAS D'URGENCE

Il est certainement encore trop tôt pour juger du succès du RVER. « On sent beaucoup d'intérêt, mais il n'y a pas d'urgence à passer à l'action », explique Éric Filion, vice-président Épargne-retraite collective chez Desjardins.

Les entreprises de 20 employés et plus ont jusqu'au 31 décembre 2016 pour mettre en place un RVER. Celles qui ont de 10 à 19 employés ont jusqu'au 31 décembre 2017. Enfin, pour celles qui ont de 5 et 9 employés, la date reste à déterminer, mais elle sera ultérieure au 31 décembre 2017.

IMPACT POUR LES EMPLOYÉS

Pour les employés de PME, c'est une occasion propice à la réflexion quant à la façon dont ils combleront leurs besoins financiers à la retraite. « L'arrivée du RVER permet d'éveiller les gens à l'idée qu'ils doivent préparer leur retraite », dit Renée Laflamme, vice-présidente exécutive, solutions d'assurances et d'épargne collectives, Industrielle Alliance. « Bien qu'il soit le plus simple pour eux, les gens doivent comprendre que le RVER ne comblera pas tous les besoins », ajoute-t-elle. Ils devront revoir régulièrement s'ils accumulent suffisamment d'épargne et utiliser d'autres outils tels le REER et le CELI au besoin.

OBLIGATION ET VOLONTARIAT

Comme son nom le dit, le RVER est un régime auquel adhèrent les employés de façon volontaire. Lorsqu'ils sont inscrits à un RVER par leurs employeurs, ils ont droit à une période de six mois pour décider s'ils acceptent ou non d'y participer.

Quant aux employeurs, bien qu'ils aient l'obligation de mettre en place un RVER, ils pourront contribuer au bénéfice de leurs employés également sur une base volontaire. La décision de contribuer devient donc un outil de rétention du personnel entre les mains des employeurs, s'ils le désirent.

SOLUTION D'ENTRÉE

La dernière année a probablement permis aux entreprises autant qu'aux employés de réaliser que le RVER constitue une solution d'entrée des plus avantageuses. « C'est en quelque sorte le "clé en main", dit Éric Filion. Pour l'employé, il n'y a rien à faire, si ce n'est de choisir le portefeuille qui lui convient en fonction de son profil d'investisseur. » Il n'y a pas de décision à prendre quant au design du régime. Tout est prévu quant aux portefeuilles offerts, et les cotisations se font par déductions à la source. Il y a donc un très haut niveau de prise en charge.

FEU VERT

Pour le travailleur qui ne cotise pas à un régime de pension, et qui n'est pas un investisseur nécessairement sophistiqué, le RVER lui est destiné. « Bien que les solutions de placements demeurent simples, l'épargnant a accès à de bons portefeuilles, bien diversifiés et administrés par des gestionnaires chevronnés », dit Renée Laflamme. C'est feu vert également pour le travailleur autonome, car le RVER lui donne accès à des portefeuilles de placement bien diversifiés à un coût inférieur en termes de frais de gestion.

FEU ROUGE

Ça va de soi, le RVER n'est pas idéal pour tous. Il ne s'adresse pas entre autres à l'investisseur sophistiqué qui a la capacité de tirer avantage d'une gestion plus active de son portefeuille.

Pour l'employeur, le RVER n'est pas idéal non plus s'il doit faire face à un taux de roulement élevé de son personnel. La gestion est plus lourde que dans le cas d'un REER collectif à cause du suivi à faire auprès des employés. Entre autres, l'employeur devra vérifier à une certaine fréquence si l'employé qui s'est retiré du RVER n'a pas l'intention de changer d'idée.

« UNE PROTECTION ET UN INVESTISSEMENT »

Sam Hamad, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale, est responsable de la Régie des rentes du Québec (RRQ). Il a été à l'origine du développement du Régime volontaire d'épargne-retraite. Il répond à nos questions.

D'où vient l'idée du RVER ?

La RRQ effectue à une certaine fréquence une consultation sur la question de la retraite. Nous avions établi qu'il fallait en faire plus et Lisette Lapointe, porte-parole du PQ en la matière à l'époque, m'a encouragé à aller de l'avant avec un programme additionnel d'épargne en vue de la retraite. Elle avait consulté son mari, Jacques Parizeau, qui lui avait dit de ne pas s'attarder aux critiques et aux oppositions. Eux aussi avaient eu à faire face à une certaine opposition lors de la création de la RRQ, lui avait-il dit.

Pourquoi fallait-il ajouter le RVER aux programmes existants ?

On voulait défendre les 2 millions de québécois qui sont sans aucun régime de retraite, dont 1,3 million qui travaillent pour des entreprises de 5 employés et plus. Il fallait aussi s'adapter à la réalité du marché. Aujourd'hui, les gens ne passent pas toute leur vie au service de la même entreprise comme c'était le cas auparavant, ce qui leur assurait un plan de retraite intéressant. Ils doivent gérer eux-mêmes la préparation de leur retraite. Le RVER leur procure un outil supplémentaire qui vient s'ajouter au REER et au CELI entre autres.

Croyez-vous que les employeurs cotiseront au RVER de leurs employés ?

Certains facteurs, dont, entre autres, celui de la rareté de la main-d'oeuvre, pourraient inciter les employeurs à utiliser le RVER comme un outil de rétention du personnel. On ne peut pas toujours augmenter les salaires, il faut d'autres moyens pour fidéliser ses employés. Vous savez, la population vieillit, et un des principaux défis en ce qui concerne la main-d'oeuvre est de trouver la meilleure personne pour l'emploi, et bien sûr la retenir.

Les employeurs ont l'obligation de créer un RVER. Comment allez-vous vérifier s'ils le font ?

Les institutions financières qui fournissent le régime pourront nous aider à savoir qui se conforme et qui ne le fait pas. Mais surtout, tout individu qui constatera que son employeur ne lui offre pas un RVER pourra déposer une plainte auprès de la Commission des normes du travail.

Quel est le principal obstacle au développement du RVER ?

L'ennemi numéro un est certainement le surendettement des ménages. La retraite, c'est une facture à long terme. Les gens endettés se préoccupent de payer leurs factures à court terme et remettent à plus tard la question de la retraite.

Vous avez un message que vous aimeriez faire passer aux Québécois concernant la question de la retraite ?

Certainement, et il est très simple. Posez-vous la question suivante : « Voulez-vous vivre pauvre la moitié de votre vie ? » On vit maintenant beaucoup plus vieux et les besoins financiers sont beaucoup plus grands. Dans cinq ans, souhaitons que le RVER aura permis de réduire le nombre des 1,3 million de travailleurs qui oeuvrent auprès d'une PME et qui sont sans programme d'accumulation d'épargne en vue de la retraite.