Alice adore voyager. Depuis qu'elle a pris sa retraite, il y a 15 ans, elle en profite pour mettre les voiles deux ou trois fois par année.

Après avoir visité de nombreuses destinations, la dame de 68 ans est prête à pousser l'aventure un peu plus loin : elle veut acheter son propre coin de paradis au soleil, où elle aimerait passer quelques mois chaque année.

Elle a les moyens financiers de concrétiser son rêve, là n'est pas la question. Ce dont elle a besoin, ce sont des conseils pour choisir où accrocher son hamac. Beaucoup de retraités québécois achètent une propriété en Floride, où ils s'envolent tous les hivers. Mais Alice cherche un peu plus d'exotisme.

« Comment trouver et choisir un endroit où je vais être en sécurité, sans être dans un ghetto pour touristes ? demande-t-elle. Comment m'assurer que je vais payer le juste prix ? Comment avoir accès aux annonces de villas à vendre par des propriétaires dans ces pays et aux agents immobiliers fiables ? »

Beaucoup de questions, auxquelles on pourrait ajouter les aspects juridiques et fiscaux à considérer, pour le transfert des titres de propriété, les impôts à payer ou le statut des étrangers : par exemple, certains pays ne permettent pas à des non-citoyens du pays d'être véritablement « propriétaires » d'un bien immobilier ; ils sont comme « locataires à vie » et la propriété revient à l'État.

SIMPLICITÉ VOLONTAIRE AVANT LA VAGUE

Pour concrétiser son projet, Alice peut compter sur une impressionnante cagnotte, amassée au fil du temps : 1,5 million. Elle n'a jamais gagné de salaire mirobolant, pourtant : divorcée, mère d'un enfant, elle a enseigné au collégial de nombreuses années avant de terminer sa carrière dans une société parapublique.

« Je dépense peu, j'ai toujours vécu simplement. Ma philosophie, c'est de consommer seulement le strict nécessaire, d'avoir le moins d'artificiel possible dans ma vie. » - Alice

Par exemple, elle consacre beaucoup de temps à son grand potager, parce qu'elle aime savoir d'où vient ce qu'elle mange, mais aussi parce que ça lui permet d'économiser.

Ce mode de vie frugal lui a permis de mettre de côté d'importantes sommes, qui lui ont servi à faire des investissements judicieux dans l'immobilier et à la Bourse.

Elle a acheté et revendu trois triplex au cours des 20 dernières années, après les avoir rénovés, dans des quartiers prisés de Montréal, ce qui lui a permis d'encaisser de juteux profits.

Alice a aussi investi à la Bourse, en gérant elle-même son portefeuille de placements. « Mais j'ai traversé plusieurs crises, qui m'ont occasionné quelques pertes, notamment 30 000 $ d'investissements placés dans mes REER, raconte-t-elle. Je suis un peu désillusionnée. » Elle a retiré ses billes des marchés il y a quelques mois.

« Je souhaite davantage, dorénavant, maintenir mon capital. Une propriété à l'étranger, ce sera un investissement, mais ça me permettra aussi de profiter de la vie et d'avoir du bon temps, pendant que je suis encore en santé. »  - Alice

Elle n'a pas l'intention d'engloutir la totalité de sa fortune pour acheter un château dans le Sud, mais elle est prête à y consacrer de 300 000 à 400 000 $, si nécessaire.

En plus de ses économies, Alice peut compter sur des rentes de retraite d'environ 50 000 $ par année. Comme elle vit modestement, cette somme lui suffit amplement. Les voyages représentent son poste de dépense le plus important, précise-t-elle.

PORTRAIT

Alice, 68 ans

Divorcée, mère d'un fils adulte

Retraitée de l'enseignement et d'une entreprise parapublique

Revenu de retraite : 50 000 $

Placements : 1 500 000 $

Propriété : 140 000 $

Recherche une propriété en Amérique centrale ou dans les Antilles (République dominicaine, Mexique, Cuba, Costa Rica, etc.). Près de la mer, deux chambres à coucher, niveau de confort moyen, rien de luxueux.

UNE PROPRIÉTÉ AU SOLEIL? PAS DE TOUT REPOS...

Stabilité politique et économique du pays, convention fiscale avec le Canada, imposition du patrimoine, du gain en capital et des revenus de location, exigences financières pour les étrangers souhaitant s'installer, frais de transaction, fiabilité des titres de propriété, coût des services publics... Voilà quelques-uns des éléments qu'Alice devra vérifier avant de décider où s'installer. En plus, bien sûr, de choisir un endroit facilement accessible, sûr, dont elle aime la culture et doté de bons services médicaux.

« Beaucoup de gens ont un face-à-face avec la réalité quand on leur fait penser à tous les détails à vérifier », souligne Kirk Sharpley, un courtier immobilier ontarien qui exploite, avec sa femme, l'agence Hibiscus International, laquelle offre ses services aux Canadiens recherchant des propriétés dans les Caraïbes et en Amérique centrale.

Des exemples ? Les droits de mutation immobilière peuvent atteindre 12 % dans certains pays - en comparaison, à Montréal, la taxe de mutation est de 7200 $ pour une propriété de 560 000 $, soit 1,3 %.

Ailleurs, comme dans certaines régions du Mexique, les étrangers ne peuvent posséder de terrains près de l'océan. Ils peuvent acheter une maison, mais sont seulement locataires du terrain, explique M. Sharpley.

Si la propriété est louée pour certaines périodes, et que le propriétaire est toujours considéré comme résidant canadien aux yeux du fisc, les revenus de location doivent être déclarés ici. Selon la présence ou non d'une convention fiscale avec le Canada, et selon les modalités de l'entente entre les deux pays, ces revenus pourraient être imposés en plus dans le pays où se trouve la propriété, souligne Brigitte Roy, gestionnaire en fiscalité pour Planification d'impôt Expat.

Les pays qui tentent d'attirer les retraités étrangers, comme le Belize et le Mexique, ont tendance à avoir des règles plus souples pour leur simplifier la vie, notent Mme Roy et M. Sharpley.

« Il peut aussi y avoir une double imposition au moment de la vente ou de la succession. Au-delà du côté attirant, il peut aussi y avoir des risques. » - Mathieu Ducharme, banquier privé pour RBC Gestion de patrimoine

Lorsqu'un client fortuné évoque ce genre de projet, RBC le met en lien avec des avocats fiscalistes qui connaissent le pays en question, pour qu'il puisse vérifier toutes les conséquences possibles de son achat, explique M. Ducharme.

Résidant ou non-résidant ? Le fisc veut savoir

Si on part en ayant l'intention de rentrer éventuellement, on reste résidant canadien et on doit continuer de faire une déclaration de revenus et de payer des impôts ici. Par exemple, si on conserve une résidence au Canada avec tous ses biens, si le conjoint et les enfants mineurs restent ici, si on maintient ses comptes bancaires et ses placements, ça dénote une intention de rentrer. Même chose si on part dans le but de remplir un mandat précis pour une période déterminée pour son employeur.

Dans le cas d'un déménagement définitif, un expatrié deviendra non-résidant et n'aura plus d'obligation de payer des impôts au Canada - sauf sur des revenus ou actifs canadiens, par exemple des prestations d'un régime de retraite ou des sommes retirées d'un REER. Mais pour être reconnu comme tel, il doit démontrer qu'il a coupé tous les liens économiques et sociaux - plus de maison ni de carte-soleil ou de permis de conduire québécois, par exemple.

Sachez où vous allez

Acheter une propriété dans un pays où vous n'avez jamais mis les pieds est une très mauvaise idée. « Il faut avoir parlé aux habitants et à des expatriés qui y vivent depuis longtemps, s'être promené dans différents secteurs, avoir magasiné dans les commerces locaux, avoir visité les hôpitaux », énonce Kirk Sharpley.

« La stabilité des institutions politiques et financières est un facteur important à considérer », note Brigitte Roy. La situation socioéconomique aussi.

Découvrez les règles

Comment se fait la planification municipale, comment se fait le transfert de titres ? Y a-t-il beaucoup de corruption ? Il est primordial d'avoir l'aide d'un bon avocat local.

Pensez au taux de change

Si vous craignez les fluctuations du taux de change entre le dépôt d'une offre et la conclusion de la vente, vous pouvez convertir les sommes nécessaires à votre achat à l'avance, ou alors séparer la transaction en plusieurs tranches, pour éviter les risques, suggère Mathieu Ducharme. Des sociétés de change permettent aussi de bloquer un taux d'intérêt favorable des mois d'avance et de réduire les frais de transfert de fonds.

Combien en taxes municipales et en assurances ?

Les montants peuvent être très variables. Dans certains pays, l'acheteur paiera une taxe de mutation très élevée, mais les taxes municipales sont minimes, voire inexistantes, indique Kirk Sharpley. Renseignez-vous aussi au sujet des assurances, qui peuvent être très coûteuses dans des régions propices aux ouragans.

Bye-bye, Québec ?

Si vous vivez au Québec au moins six mois dans l'année, vous continuez d'être couvert par le régime québécois d'assurance maladie. Mais si vous avez passé une moyenne de 122 jours par année à l'extérieur du pays depuis trois ans, vous pourriez perdre votre droit aux services de santé.