Dès la naissance d'un enfant, les jeunes parents sont bombardés de publicités de fondations et de banques les incitant à investir dans un régime enregistré d'épargne-études (REEE). Une option s'offre à eux : souscrire à un REEE collectif et mettre en commun leurs épargnes avec des milliers d'autres parents ou souscrire à un REEE individuel offert dans la plupart des institutions financières. Lequel choisir ?

À la naissance de leur première fille, qui a maintenant 2 ans et demi, Isabelle et Eric ont souscrit à un régime enregistré d'épargne-études (REEE) offert par la Fondation Universitas, un organisme à but non lucratif qui offre principalement des REEE collectifs. Le couple verse 20 $ par mois pour leur fille dans ce REEE afin de pouvoir lui payer un jour des études supérieures.

Depuis, la famille s'est agrandie. Stéphanie et Eric ont eu une deuxième fille, âgée maintenant de 1 an. Ils ont également l'intention d'épargner pour les études de la petite dernière, mais ils se questionnent maintenant sur le type de régime à privilégier.

Devraient-ils souscrire à un nouveau REEE collectif d'Universitas pour leur deuxième fille, ou ouvrir un régime individuel pour lequel ils peuvent nommer les deux filles comme bénéficiaires à leur institution financière ?

« Nous voulons prendre le moins de risque possible et souhaitons que nos deux filles puissent avoir des bourses équivalentes », dit Isabelle.

PORTRAIT DE LA SITUATION

Stéphanie, 27 ans,

adjointe administrative

Revenu : 26 600 $/an

Eric, 27 ans,

représentant en assurances

Revenu : 78 000 $/an

Deux enfants de 2 ans et demi et de 1 an

Solde déjà accumulé dans un REEE de la Fondation Universitas pour leur première fille : 1700 $ (y compris les intérêts et les subventions)

Dettes

Le couple, encore locataire, est très peu endetté. Sa situation financière fait en sorte qu'il a la marge de manoeuvre nécessaire pour épargner en vue des études de ses enfants sans compromettre d'autres projets comme l'achat d'une maison.

CHOISIR ENTRE SÉCURITÉ ET FLEXIBILITÉ

Avant toutes choses, la planificatrice financière Sophie Sylvain, conseillère en développement des affaires chez Desjardins, tient à féliciter ce jeune couple d'avoir commencé tôt à cotiser à un REEE. Car qu'ils soient collectifs ou individuels, ces régimes, qui sont assortis à de généreuses subventions gouvernementales, sont très avantageux. « C'est un levier financier dont on serait fou de se passer, mais, bien sûr, il faut avoir des enfants pour pouvoir en profiter ! », dit-elle.

Pour chaque contribution des parents, les gouvernements fédéral et provincial offrent une cotisation complémentaire correspondant à 30 % de la somme, jusqu'à jusqu'à concurrence de 750 $ par année par enfant et de 10 800 $ pour toute la durée du régime. Pour obtenir le maximum des subventions, il faut pouvoir investir 2500 $ par enfant par année. Peu de placement offre ce genre de rendement de nos jours !

Et ce n'est pas tout. Pour les ménages à revenu modeste, les subventions peuvent atteindre l'équivalent de 60 % de la somme de cotisation. C'est ainsi qu'Isabelle et Eric, en un peu plus de 24 mois de cotisation pour leur première fille, ont vu la somme accumulée dans leur REEE grimper à 1700 $.

Toutefois, comme leur situation financière s'est grandement améliorée depuis la naissance de leur deuxième fille - ils gagnent maintenant ensemble plus de 100 000 $ par année - le niveau de subvention passera donc à 30 % de la somme cotisée.

« Ce n'est pas le type de régime qui fait la différence, mais bien le revenu. Peu importe ce qu'ils décideront de faire, ils recevront dorénavant une moins grande part de subventions », dit Sophie Sylvain.

Qu'est-ce qui peut changer alors ? D'abord, le niveau de risque. Les fondations qui gèrent des régimes collectifs sont prudentes dans leurs investissements. « Nous investissons principalement dans des obligations, car nous devons nous assurer que le capital soit toujours garanti », dit Véronique Guimond, coordonnatrice au développement des ventes d'Universitas, qui ajoute que le rendement moyen sur 10 ans des fonds Universitas atteint 5 % malgré ses règles plus strictes.

Les REEE individuels autogérés offrent plus de flexibilité. Ils permettent aux parents de choisir eux-mêmes le type de placement dans lequel ils veulent voir fructifier leurs épargnes. Tout dépend alors de leur tolérance au risque.

Comme leurs filles sont encore petites, Isabelle et Eric peuvent se permettre de prendre plus de risque. « Les sommes ne serviront pas avant 15 ans, ils peuvent donc diversifier leur portefeuille pour faire croître le capital », note Sophie Sylvain.

Les REEE individuels offerts par les institutions financières donnent aussi aux parents plus de liberté quant aux cotisations. Ils peuvent verser la somme qu'ils veulent, quand ils le veulent, sans plafond de cotisation. Chez Universitas, ils doivent d'abord établir combien ils souhaitent investir dans le régime et convenir ensuite d'un calendrier de contributions à respecter jusqu'à la fin pour bénéficier de tous les avantages, dont le remboursement des frais de souscription.

Voilà qui obligent les ménages à se discipliner pour épargner, mais qui donne aussi moins de latitude en cas de coup dur.

Pour leur deuxième fille, Eric et Isabelle prévoient doubler la somme de leur cotisation à 40 $ par mois. S'ils choisissent de retourner chez Universitas, ils devront ouvrir un nouveau régime pour leur deuxième enfant et payer à nouveau des frais de souscription. Les REEE collectifs ne permettent pas de nommer plus d'un bénéficiaire, alors que dans une institution financière, il est possible d'ouvrir un REEE familial et de nommer plus d'un enfant comme bénéficiaire.

Pour bonifier leurs cotisations, Sophie Sylvain suggère souvent à ses clients d'utiliser les sommes de prestation universelle pour la garde d'enfants (PUGE). Ces sommes ont été augmentées par le fédéral pour chaque enfant de moins de 6 ans et une somme est maintenant octroyée pour les enfants de 6 à 17 ans.

« Utiliser l'augmentation de 60 $ par mois pour cotiser directement dans un REEE est une belle façon de mettre de l'argent de côté sans avoir à se serrer la ceinture », dit la planificatrice. Selon ses calculs, avec une hypothèse de rendement annuel de 3,30 %, cette stratégie pourrait valoir aux enfants d'Eric et d'Isabelle des bourses de plus de 18 000 $ pour l'aînée et de près de 20 000 $ pour la petite dernière.

Et qu'arrive-t-il au moment du versement de ces bourses ? Avec un REEE individuel, l'élève peut recevoir un premier versement de 5000 $ maximum dans les 13 semaines suivant le début de ses études. Ensuite, il retire ce qu'il veut en fonction de ses besoins, tant qu'il est aux études.

Dans un REEE collectif, il faut souvent avoir accumulé un certain nombre de crédits pour avoir le droit de toucher à sa bourse. Universitas offre toutefois depuis deux ans une option de rechange, le Plan REEEflex, qui permet de retirer les sommes dès le début des études postsecondaires.

Le montant de la bourse dans un régime collectif est fixé par la fondation selon les parts détenues par le souscripteur, le rendement généré et le nombre de bénéficiaires admissibles du même groupe d'âge qui participent au régime collectif, car tous doivent se partager le magot.

ET SI MON ENFANT NE VA PAS À L'UNIVERSITÉ ?

Voilà LA question qui embête bien des parents qui songent à souscrire à un REEE. « J'ai peur de tout perdre si on ne s'en sert pas pour les études », dit Isabelle.

C'est à la fois vrai... et faux. Dans les régimes collectifs comme individuels, les parents dont les enfants n'entreprennent pas d'études supérieures pourront récupérer leurs cotisations, mais devront remettre à l'État les subventions reçues.

Qu'en est-il du rendement ? Dans le cas d'un REEE collectif, les intérêts accumulés resteront dans le régime, tout comme les frais de souscription qui ne seront pas remboursés. Dans le cas d'un REEE individuel, on récupère aussi le rendement. Toutefois, la prudence s'impose, selon Sophie Sylvain, car cette portion de la somme est imposable.

« Si l'enfant ne va pas aux études et qu'on ne peut pas transférer le REEE à un autre enfant, une bonne solution est de transférer les cotisations et le rendement accumulé dans son REER si on a des droits de cotisations non utilisés. »

- Sophie Sylvain, conseillère en développement des affaires et gestion de patrimoine Desjardins

Peu importe la trajectoire que prendra votre progéniture, la planificatrice financière n'en démord pas : les REEE sont un formidable levier de financement. « Vous pouvez faire d'une pierre trois coups avec ça. »

Car même si votre enfant va aux études, qui dit qu'il faille lui verser TOUTE la somme accumulée ? Certains parents peuvent souhaiter responsabiliser leur jeune en l'amenant lui aussi à contribuer au paiement. « Dans ce cas, vous pourriez utiliser les subventions pour payer ses études, mais récupérer vos cotisations, les transférer dans votre REER et profiter d'un remboursement d'impôt », explique Sophie Sylvain.

Et avant de prendre des décisions précipitées, à noter qu'un REEE, qu'il soit collectif ou individuel, peut rester ouvert pendant 35 ans... car qui sait si junior ne changera pas d'idée ?