Chaque dimanche, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Bourdon, chef des solutions de placement et vice-président à la répartition globale de l'actif chez Fiera Capital, à Montréal.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

C'est la baisse accentuée du prix des matières premières provoquée par la perception de faiblesse de la croissance économique en Chine, en réaction à la dévaluation du yuan par sa banque centrale.

La Chine est importante pour la croissance de l'économie mondiale et particulièrement la demande des denrées comme le cuivre et le pétrole.

Les anticipations envers la Chine sont plutôt pessimistes à court terme, mais les marchés devraient se calmer à mesure que le temps avance.

Cela dit, la transformation de la croissance économique en Chine, c'est-à-dire plus de consommation interne et moins d'investissements, est un phénomène qui était déjà souhaité par les principaux intervenants de l'économie mondiale.

Aussi, les marchés financiers et boursiers devront maintenant s'ajuster à un potentiel de croissance en Chine qui diminue progressivement avec le vieillissement de sa population.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

C'est la croissance des dépenses des ménages aux États-Unis.

Parce que la clé de la croissance économique mondiale, c'est le réveil des consommateurs américains après des années de récession et de léthargie.

Pour le moment, nous sommes très optimistes avec la tendance récente de croissance de dépenses importantes comme les achats de véhicules automobiles, plus gros et plus coûteux qu'auparavant.

En contrepartie, les ventes au détail en général aux États-Unis demeurent un peu plus faibles que nous le souhaiterions à ce moment-ci du cycle économique.

Nous nous attendons à un renforcement de ces ventes au cours des six prochains mois, qui devrait compenser un début d'année un peu rude pour les détaillants américains.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Chez Fiera Capital, nous préférons ces temps-ci les placements en actions parce que nous anticipons une accélération de l'économie au cours de la seconde moitié de l'année, ce qui permettra aux marchés boursiers de poursuivre leur progression.

Par conséquent, j'investirais le tiers des nouveaux placements dans des actions privilégiées, de préférence par un fonds négocié en Bourse comme le fonds FHP (Horizons Actif actions privilégiées à taux variable), qui est coté à la Bourse de Toronto.

Les actions privilégiées sont très attrayantes à ce stade-ci, car elles ont connu une forte baisse au cours de la dernière année et leur rendement courant (en dividendes) est encore plus attrayant.

Quant aux deux autres tiers des nouveaux placements, je les investirais en fonds d'actions mondiales, mais avec un biais favorable au Canada, à l'Europe et au Japon, alors que la Bourse américaine est déjà bien valorisée.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

C'est encore les obligations gouvernementales à long terme, ce qui est sans doute un commentaire répétitif parmi les invités de cette rubrique boursière de La Presse.

N'empêche, notre aversion pour ces titres à revenu fixe et à longue échéance perdure tout simplement parce que leur rendement courant par rapport à l'inflation demeure nul, sinon négatif après impôt.

En fait, les détenteurs de ce type d'obligations à long terme n'en obtiennent aucune rémunération à court terme. En plus, avec des obligations négociables, ils encourent un risque de perte de capital (baisse de valeur marchande) lorsque surviendra la remontée des taux par les principales banques centrales, à commencer par la Fed américaine.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

C'est la vigueur éventuelle de l'économie américaine et, en conséquence, la longévité d'un nouveau cycle de croissance pour l'économie mondiale.

À notre avis, malgré de récentes inquiétudes, il n'y aura pas de risque significatif de récession dans l'économie américaine et même mondiale d'ici les trois à quatre prochaines années. Ce cycle économique amorcé en 2009 (après la récession américaine provoquée par la crise financière) devrait s'allonger encore sur quelques années.

Dans ce contexte, nous considérons que les placements en actions qui dépendent le plus de la vigueur de l'économie fourniront un rendement avantageux pour quelques années. Et en ce sens, les replis boursiers à court terme pourraient servir d'occasion d'investir dans des placements déjà sélectionnés.

François Bourdon est chef des solutions de placement et vice-président à la répartition globale de l'actif chez Fiera Capital. Cette firme montréalaise gère 90 milliards en actifs provenant d'investisseurs institutionnels, de fortunes privées et de fonds de placement qui sont accessibles en Bourse ou distribués par des tiers dont la Banque Nationale, aussi actionnaire important de Fiera.

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Comptant 20 ans d'expérience dans le placement, François Bourdon est diplômé en mathématiques de l'Université Concordia. Il a obtenu ensuite les titres de Fellow en actuariat (FSA et FICA), d'analyste financier agréé (CFA) et de professionnel en gestion de risque (PRM).