Aux États-Unis, le couponnage (ou couponing) est devenu une seconde nature pour des millions de consommateurs. Une déferlante qui touche aussi le Québec. Le point avec des détaillants, des spécialistes, mais aussi avec des adeptes de ce nouveau sport national.

COUPONS-RABAIS EN FOLIE

« Le couponnage, c'est ma dépendance, mais au moins, celle-là est un peu plus saine. »

Pour la Granbyenne Chantal Brisebois, mère de trois enfants, carburer aux coupons de réduction s'est révélé une planche de salut. Pas seulement pour la tenir loin de certaines de ses anciennes mauvaises habitudes, mais surtout pour lui permettre de manger convenablement et parfois même de s'offrir un peu de luxe, notamment des cuisses de canard confites.

Comme Mme Brisebois, ils sont des dizaines de milliers de consommateurs québécois à avoir découvert les vertus des coupons de réduction. Mais surtout, ils ont compris qu'en utilisant d'autres vecteurs (comme les programmes de fidélisation, les applications pour téléphone, les politiques du plus bas prix, etc.), ils pouvaient réduire leur facture d'épicerie de manière vraiment substantielle. Mais pour parvenir à économiser, il faut y mettre du temps. Beaucoup de temps.

Chantal Brisebois dit y consacrer une vingtaine d'heures par semaine. Elle y va « mollo ». Il y a quelques mois encore, elle aidait à gérer des sites web. Elle a même offert de la formation à deux groupes de « couponneuses » en herbe. Ces temps-ci, elle participe au tournage de la série Les reines du couponnage sur Canal Vie, où l'objectif ultime est de ne débourser que 100 $ pour une épicerie de 1500 $ (sinon davantage).

Marie-Eve Ricard, mère au foyer à Rivière-Pentecôte, près de Port-Cartier sur la Côte-Nord, y investit au minimum de deux à trois heures par jour. Elle est responsable de la communauté « Les vraies couponneuses extrêmes », laquelle compte 7500 membres sur Facebook.

« J'économise environ 100 $ par semaine sur une épicerie de 250 $. Des fois, je bats des records. Ça doit faire au moins 15 fois que j'économise 95 % sur une épicerie complète chez Maxi. »

- Marie-Eve Ricard

Étonnant, mais vrai : certains consommateurs sont tellement doués dans l'art d'économiser qu'ils arrivent à se faire rembourser le trop-perçu. Pour y parvenir, ils se prévalent de la politique du meilleur prix du détaillant, et utilisent leurs coupons. Par exemple, si un produit est en spécial à 1,50 $ et que vous avez un coupon de 2 $, on vous remettra 0,50 $. Walmart le fait.

EN FORTE HAUSSE

« Depuis trois ans, le nombre de coupons que nous traitons a presque triplé », indique Johanne Héroux, directrice principale, affaires corporatives pour Loblaw, dont les chaînes Maxi et Maxi & Cie honorent la très grande majorité des coupons de réduction que le géant canadien de l'alimentation reçoit. « C'est le but recherché, dit-elle. Ça s'inscrit dans le contexte de nos chaînes à escompte. »

Selon Jean-François Ouellet, de HEC Montréal, l'utilisation de coupons est contre-cyclique. « Quand l'économie va bien, les gens en utilisent moins, et vice versa », dit-il.

Le professeur agrégé au département d'entrepreneuriat et d'innovation fait cependant état de petits mouvements sociaux. « Ces groupes demeurent essentiellement marginaux », dit-il.

« Les adeptes de simplicité volontaire aiment les coupons-rabais. Les chercheurs d'aubaines aussi, tout comme les adeptes du "normcore", qui n'accordent aucune importance aux marques, mais qui vont simplement vouloir payer le moins cher possible. »

- Jean-François Ouellet, professeur à HEC Montréal

« Les Québécois étaient en partant très friands de couponnage, croit Florent Gravel, PDG de l'Association des détaillants en alimentation du Québec (ADAQ). Depuis des décennies, les manufacturiers et les détaillants ont éduqué les gens d'ici à utiliser des coupons-rabais. »

Le bon vieux bon de réduction en papier est toutefois à la croisée des chemins, croit le patron de l'ADAQ. « Ça évolue, dit-il. Il y a un coût à traiter des coupons. Il n'y a pas que des avantages. J'ai l'impression qu'on s'en va vers le couponnage électronique. »

L'une des entreprises qui classent les bons et s'assurent que les détaillants qui les honorent soient convenablement dédommagés s'appelle Redemco. Fondée il y a 30 ans à Longueuil, cette entreprise familiale a vu ses activités diminuer ces dernières années, notamment parce que les détaillants ne publient presque plus de coupons de réduction dans leurs circulaires. « Nous étions 80 employés à une époque, nous sommes maintenant une vingtaine », dit Caroline Nadeau, directrice développement.

Cela dit, Redemco n'a pas dit son dernier mot. Selon Mme Nadeau, les coupons des manufacturiers prennent le pas sur les coupons dans les circulaires. « Et nous avons pris un virage techno, dit-elle. Nous émettons des coupons papier sur l'internet pour le compte de différents manufacturiers. Ils sont personnalisés, ce qui évite toute forme de fraude. D'ici à ce que nous puissions émettre des coupons numériques, nos coupons papier nous sont retournés pour que nous les traitions. Bref, on boucle la boucle. »

ENVERS DE LA MÉDAILLE

Rassembleur, presque festif par moments, le couponnage connaît aussi quelques ratés. « Avant, tout le monde partageait ses trucs sur les réseaux sociaux, raconte la couponneuse Marie-Eve Ricard. Maintenant, les gens gardent leurs informations pour eux. Ils ont peur de se faire voler leur "spot" à coupons. Il y a une sorte de guerre en ce moment. »

En effet, selon deux caissières rencontrées dans un Provigo de la Montérégie, les présentoirs de bons de réductions à l'entrée de leur supermarché sont régulièrement la cible de « couponneurs en série ». « Dès que le présentoir est rempli, dit l'une des caissières, il se fait dévaliser par des gens qui savent ce qu'ils recherchent. Ils partent avec les tablettes de coupons au grand complet. »

Et pas question de leur refuser la possibilité d'acheter, sauf avis contraire, 10 fois le même produit pour écouler 10 coupons instantanément. « Quand un client arrive avec une panoplie de coupons, nous allons ouvrir une caisse spécialement pour lui afin d'éviter que ça bloque aux caisses. Ça n'arrive pas souvent, mais ça arrive », explique Johanne Héroux, de chez Loblaws.

DES COURRIELS PAYANTS

Trouver et imprimer des coupons de réduction sur des sites spécialisés ou sur les sites des manufacturiers ne vous suffit plus ? Prenez votre plume (ou plutôt votre clavier) et écrivez un commentaire, des félicitations, voire de simples suggestions aux fabricants de produits que vous chérissez le plus. Cela pourrait s'avérer fort profitable, selon Marie-Eve Ricard, couponneuse de la Côte-Nord et responsable du groupe Facebook « Les vraies couponneuses extrêmes ». « Au moins une fois par année, dit-elle, mes amis et moi faisons notre tournée de courriels. Cela nous vaut une pluie de coupons-rabais et bien souvent quelques articles gratuits. »

LE COUPONNAGE À L'ÈRE NUMÉRIQUE

Le bon vieux coupon de réduction en papier est-il en voie de disparaître ? Peut-être, mais peut-être pas aussi vite qu'on le croit. Malgré tout, en cette ère numérique, les applications, les sites web et les programmes de fidélisation virtuels vous permettant d'économiser sur vos achats ne cessent de se multiplier. En voici quelques exemples.

PHOTOGRAPHIER SA FACTURE

Photographier sa facture pour mieux accumuler des dollars et des points. C'est la nouvelle donne. Nous avons répertorié trois applications gratuites offrant ce service. Le principe est simple : une fois semaine, votre application annonce les spéciaux. Achetez l'un des produits vedettes et photographiez votre facture en guise de preuve d'achat. La somme économisée (exemple : 1 $ sur du jus) s'ajoute dans un compte. Dès que 20 $ sont accumulés, vous demandez un chèque ou faites grossir votre cagnotte. Lancé il y a 18 mois, Zweet compte déjà 400 000 téléchargements. Outre Zweet, de propriété québécoise, une entreprise canadienne, CheckOut51, offre elle aussi une application fonctionnant sur le même principe. Idem pour Snap, propriété de Groupon.

JE SUIS FIDÈLE

Au cours des deux dernières années, les chaînes Loblaws et Metro ont respectivement mis en place des programmes de points que les chercheurs d'aubaines ont accueillis avec bonheur, car ils permettent d'économiser davantage lorsqu'ils sont, par exemple, couplés à des coupons de réduction. Rappelez-vous que ce type de programme permet aux détaillants et, dans une moindre mesure, aux manufacturiers, d'avoir accès à des informations qui valent leur pesant d'or : vos habitudes de consommation.

DES COURRIELS PAYANTS

Trouver et imprimer des coupons de réduction sur des sites spécialisés ou sur les sites des manufacturiers ne vous suffit plus ? Prenez votre plume (ou plutôt votre clavier) et écrivez un commentaire, des félicitations, voire de simples suggestions aux fabricants de produits que vous chérissez le plus. Cela pourrait s'avérer fort profitable, selon Marie-Eve Ricard, couponneuse de la Côte-Nord et responsable du groupe Facebook « Les vraies couponneuses extrêmes ». « Au moins une fois par année, dit-elle, mes amis et moi faisons notre tournée de courriels. Cela nous vaut une pluie de coupons-rabais et bien souvent quelques articles gratuits. »

COMMANDER SES COUPONS

C'est sur l'internet qu'un nombre croissant de consommateurs (environ 10 %) trouvent leurs coupons de réduction. Ceux-ci sont imprimables sur-le-champ ou vous devez les commander gratuitement par la poste. Sauf Metro, dont les caisses sont capables de scanner les coupons qu'on télécharge sur le site du détaillant québécois en alimentation, les chaînes ne semblent guère équipées pour honorer des coupons virtuels. Dans leur quête de coupons de réduction, les couponneuses à qui nous avons parlé sont des inconditionnelles des sites suivants : save.ca, couponcanadaquébec.com, coupons.com et autres smartsource.ca. Certains manufacturiers et distributeurs, dont Procter & Gamble, offrent leurs coupons directement sur leur site web ou par le biais de leur page Facebook.

EN UN TOURNEMAIN

David Laramée, informaticien de Granby, ne jure que par l'application Flipp. Elle donne accès à l'ensemble des circulaires en un tournemain et permet de dresser sa liste d'épicerie. « Non seulement cela, mais l'application permet, par exemple, de savoir où se trouve le fromage ou le poulet le moins cher cette semaine. Il est aussi possible de voir instantanément toutes les offres sur le pain, les bananes ou n'importe quel autre produit. Ça me permet de gagner un temps fou. »

ÊTRE FIDÈLE

Au cours des deux dernières années, les chaînes Loblaws et Metro ont respectivement mis en place des programmes de points que les chercheurs d'aubaines ont accueillis avec bonheur, car ils permettent d'économiser davantage lorsqu'ils sont, par exemple, couplés à des coupons de réduction. Rappelez-vous que ce type de programme permet aux détaillants et, dans une moindre mesure, aux manufacturiers d'avoir accès à des informations qui valent leur pesant d'or : vos habitudes de consommation.

PHOTOGRAPHIER SA FACTURE

Photographier sa facture pour mieux accumuler des dollars et des points. C'est la nouvelle donne. Nous avons répertorié trois applications gratuites offrant ce service. Le principe est simple : une fois par semaine, votre application annonce les spéciaux. Achetez l'un des produits vedettes et photographiez votre facture en guise de preuve d'achat. La somme économisée (exemple : 1 $ sur du jus) s'ajoute dans un compte. Dès que 20 $ sont accumulés, vous demandez un chèque ou faites grossir votre cagnotte. Lancé il y a 18 mois, Zweet compte déjà 400 000 téléchargements. Outre Zweet, de propriété québécoise, une entreprise canadienne, CheckOut51, offre elle aussi une application fonctionnant sur le même principe. Idem pour Snap, propriété de Groupon.

APPLICATION SPÉCIALISÉE

David Laramée, informaticien de Granby, ne jure que par l'application Flipp. Elle donne accès à l'ensemble des circulaires en un tournemain et permet de dresser sa liste d'épicerie. « Non seulement cela, mais l'application permet, par exemple, de savoir où se trouve le fromage ou le poulet le moins cher cette semaine. Il est aussi possible de voir instantanément toutes les offres sur le pain, les bananes ou n'importe quel autre produit. Ça me permet de gagner un temps fou. »

COMMANDER SES COUPONS

C'est sur l'internet qu'un nombre croissant de consommateurs (environ 10 %) trouvent leurs coupons de réduction. Ceux-ci sont imprimables sur-le-champ ou vous devez les commander gratuitement par la poste. Sauf Metro, dont les caisses sont capables de balayer les coupons qu'on télécharge sur le site du détaillant québécois en alimentation, les chaînes ne semblent guère équipées pour honorer des coupons virtuels. Dans leur quête de coupons de réduction, les couponneuses à qui nous avons parlé sont des inconditionnelles des sites suivants : save.ca, couponcanadaquébec.com, coupons.com et autres smartsource.ca. Certains manufacturiers et distributeurs, dont Procter & Gamble, offrent leurs coupons directement sur leur site web ou par le truchement de leur page Facebook.

DES CHIFFRES ÉVOCATEURS

1

Valeur moyenne (en dollar) des coupons de réduction échangés dans les supermarchés et les pharmacies au Québec.

De 5 à 10

Pourcentage des coupons de réduction qui proviennent de l'internet. Ils sont soit imprimés, soit envoyés par la poste.

43

Valeur (en milliards de dollars) des coupons de toutes sortes qui seront échangés aux États-Unis en 2016.

65

Nombre de millions de coupons de réduction remboursés au Canada en 2014. De ce nombre, 20 millions provenaient du Québec.

1888

Année où le premier coupon promotionnel aurait fait son apparition. Le manufacturier de boissons gazeuses Coca-Cola en serait l'émetteur. Ce coupon donnait droit à verre gratuit.

Sources : Redemco, Juniper Research et Association des détaillants en alimentation du Québec

UN UNIVERS EN CINQ MOTS-CLÉS

Le coupon de réduction. Certains l'idolâtrent, d'autres ne le remarquent même pas. Certains en possèdent des milliers, d'autres sont presque gênés de le présenter au moment de payer leur facture au supermarché ou à la pharmacie. Cinq mots-clés pour mieux comprendre l'univers du couponnage.

PROVENANCE

Où se cachent ces coupons de réduction qui suscitent autant d'enthousiasme ? On les trouve de plus en plus sur l'internet. Certains coupons détachables se trouvent directement sur l'emballage. « Le coupon le plus près du produit est celui qui fonctionne le mieux », explique Caroline Nadeau, de chez Redemco. Sinon, les tablettes de coupons fixées à même les étalages des supermarchés ont de moins en moins la cote. Ces tablettes ont été remplacées par des présentoirs à l'entrée des supermarchés, notamment ceux du groupe Loblaw, Provigo et Maxi. Ne cherchez plus de coupons dans les circulaires ; ils ont pratiquement disparu.

CYCLE

Entre le moment où il est créé et mis au recyclage, un coupon de réduction, dans sa version papier, parcourt un long chemin. D'abord imprimé, le bon trouve preneur auprès d'un consommateur. Le détaillant honore ce coupon qui est par la suite expédié dans une entreprise spécialisée dans le classement et le remboursement des bons. Trois PME se partagent le marché canadien. Elles ont 28 jours pour rembourser le détaillant. À la fin de sa vie, le coupon est pris en charge par une entreprise de déchiquetage de documents avant d'être recyclé.

FRAUDE

Date d'expiration falsifiée, valeur gonflée, coupons créés de toutes pièces, les fraudeurs ne reculent devant rien. Évidemment, rares sont les coupons frauduleux qui valent 0,25 $. Et les économies de 10 $, 20 $ ou 30 $ prennent plutôt la forme d'un rabais postal. Entre les deux, il y a tout un monde de possibilités. « Même dans les groupes de couponneuses, où il se fait beaucoup d'échanges de coupons par la poste, il y a des fraudeuses qui sont actives », dit Chantal Brisebois, adepte de couponnage. « Les moyens technologiques pour falsifier ce type de documents sont plus nombreux », indique Caroline Nadeau, de Redemco.

EXTRÊME

Le « couponnage extrême » est une expression signifiant l'utilisation considérable des coupons de réduction. Ce genre de pratique ne plaît guère aux grandes chaînes. « Ce sont souvent les mêmes qui en profitent, explique Florent Gravel, PDG de l'Association des détaillants en alimentation du Québec.

Ils prennent la tablette en entier et achètent 15 fois le même article en spécial. C'est injuste pour les autres.»

COCKTAIL

Les couponneuses d'expérience vous le diront : les coupons de réduction ne sont qu'une façon d'économiser. Avant d'utiliser leurs coupons, bien des consommateurs vont attendre que le produit recherché soit en promotion. Et, idéalement, qu'il permette d'accumuler le plus de points possible, que ce soit par l'entreprise d'un programme de fidélisation ou d'une application. « J'ai acheté des boissons énergisantes en promotion à 2 $ pour lesquelles j'avais des coupons de 1 $. Et grâce à ma carte PC Plus, j'ai obtenu 1400 points (ou l'équivalent de 1,40 $) par cannette. En fin de compte, je me suis fait 0,40 $ par cannette », illustre la Granbyenne Chantal Brisebois.