Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Vincent Delisle, stratège en chef de portefeuille type chez Scotia Capital.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

Les négociations entre la Grèce et ses créanciers attirent énormément d'attention, mais d'autres événements significatifs ont grandement influencé les marchés récemment. À notre avis, l'accord imminent avec l'Iran concernant son projet nucléaire ainsi que l'effondrement des indices boursiers chinois représentent des développements majeurs, notamment pour le prix du pétrole et des métaux de base.

En contrepartie, la saison des résultats trimestriels des entreprises prend son envol ces jours-ci, ce qui devrait atténuer la domination des facteurs macroéconomiques dans l'actualité boursière.

Sur la Bourse canadienne, parmi les actions de l'indice S&P/TSX, nous nous attendons à une progression de 11 % du bénéfice par action moyen au deuxième trimestre par rapport au trimestre précédent (T1-2015), qui avait reculé à son plus bas en cinq ans.

Sur la Bourse américaine, nous nous attendons à une relative stabilité du bénéfice par action moyen des actions de l'indice S&P 500 au deuxième trimestre par rapport au précédent, qui était déjà très abaissé (-6 %) par rapport au quatrième trimestre 2014.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

L'année 2015 s'avère une année de rendement décevant jusqu'à maintenant, tant pour les actions que les obligations. Nous estimons chez Scotia Capital que le spectre du début des hausses de taux d'intérêt par la Réserve fédérale américaine (Fed) en est la raison principale.

Conséquemment, les statistiques américaines sur l'emploi et la progression des salaires attirent toute notre attention, puisqu'elles influenceront le début de la normalisation des taux d'intérêt américain.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Notre scénario de portefeuille de base table sur une remontée des taux obligataires à long terme et une divergence des politiques monétaires (entre les principales banques centrales) qui continuera de favoriser le dollar américain.

À l'aube d'une hausse du taux d'intérêt directeur de la Fed, qui serait la première depuis 2006, la volatilité pourrait s'accentuer en seconde moitié de 2015. Par conséquent, nous recommandons de maintenir un niveau d'encaisse supérieur à la normale.

Dans ce contexte, aussi, nous préconisons le maintien d'une préférence d'investissement sur les marchés américains et européens.

Aux États-Unis, notre niveau cible de l'indice S&P 500 en fin d'année 2015 demeure fixé à 2150 points [environ 77 points ou 3,7 % de plus que le cours du vendredi 10 juillet].

Quant à la Bourse européenne, malgré le sentiment négatif suscité par la Grèce, nous nous attendons au maintien d'une tendance haussière à la suite des prochains résultats d'entreprises au deuxième trimestre. Nous suivons surtout les actions de l'indice Bloomberg Europe 500 où les résultats pourraient être les meilleurs en trois ans, depuis le deuxième trimestre de 2012.

Sur la Bourse canadienne, nos attentes de rendement sont modestes et c'est pourquoi notre stratégie de placement demeure plus sélective.

Dans un contexte de hausses prochaines de taux d'intérêt et de baisse du dollar canadien, les secteurs qui surperforment habituellement sont les assurances, la consommation, les technologies et les fertilisants. Il y a aussi les matériaux de construction et les produits industriels.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

Pour l'essentiel, les types de placement dont le rendement boursier serait le plus vulnérable à une éventuelle remontée des taux d'intérêt. Il s'agit surtout des obligations, mais aussi des entreprises de services publics et des fiducies immobilières.

Par ailleurs, certains placements demeurent à éviter dans des secteurs plus volatils ces temps-ci comme l'énergie (pipelines, pétrole) et les métaux précieux.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

C'est le risque de hausse de taux d'intérêt aux États-Unis et un retour à un ton moins accommodant de la part de la Réserve fédérale. Nous jugeons que l'expansion économique américaine est rendue en septième manche alors que la politique de la Fed, elle, est encore coincée en deuxième manche.

Dans ce contexte, le confort des investisseurs boursiers associé à des taux d'intérêt historiquement bas pourrait être bousculé au cours des prochains trimestres.

Chez Scotia Capital à Montréal, Vincent Delisle dirige l'équipe de Stratégie de portefeuille depuis 2004 et il préside le comité d'investissement qui gère les portefeuilles-modèles d'actions. Le mandat de cette équipe est d'élaborer la répartition d'actifs et la stratégie boursière recommandée à la clientèle institutionnelle de la Banque Scotia, tout en appuyant son réseau de gestion de patrimoine pour les particuliers investisseurs.