Nathalie et Jacques s'apprêtent à faire le grand écart géographique. Depuis de nombreuses années, Jacques travaille dans la fonction publique à Shawinigan alors que sa conjointe, Nathalie, a un emploi dans le secteur du tourisme à Joliette. Plus de 110 kilomètres séparent les deux municipalités.

Depuis 2008, le couple réside dans un duplex, à Joliette, dont il est propriétaire. Jacques multiplie les allers-retours depuis sept ans entre les régions de Lanaudière et de la Mauricie. « Pour ne pas voyager quotidiennement, je me suis loué un petit appartement à Shawinigan », précise-t-il.

Voilà que le couple veut revisiter son modus operandi. Il songe à acheter un deuxième duplex, à Trois-Rivières. « Cela me permettrait de me rapprocher du boulot. Nathalie, par contre, devrait voyager sur une plus longue distance », dit-il. Sa conjointe devrait faire quotidiennement un aller-retour qui lui prendrait entre deux et trois heures par jour.

Toutefois, le couple ne veut pas vendre sa propriété de Joliette. Nathalie et Jacques s'interrogent : est-ce que leurs finances personnelles sont assez solides pour l'achat d'un deuxième duplex qu'ils évaluent à plus ou moins 180 000 $ ?

Le couple a de saines finances : aucune dette sur leurs cartes de crédit respectives ni de prêts personnels. Leur premier défi : avoir la mise de fonds pour leur futur achat. Ils jonglent avec les chiffres : comment doivent-ils s'y prendre ? Doivent-ils réhypothéquer leur duplex de Joliette ? Se tourner vers leur marge de crédit hypothécaire ? Sortir une certaine somme de leur CELI ou de leurs REER ?

Jacques envisage de moins cotiser qu'auparavant à son REER (cotisation annuelle de 4000 $).

« Comme nous serons propriétaires de deux immeubles, est-ce que cela peut être vu comme un investissement pour notre retraite ? D'autant plus que nous aurons terminé de payer le premier duplex d'ici 13 ans », demande-t-il.

« Si nos locataires actuels [ceux de Joliette] ne payent pas en retard, notre duplex de Joliette pourrait presque se payer tout seul. » - Jacques

Actuellement, les locataires déboursent 535 $ par mois. « Et de façon réaliste, nous pourrions louer la section que nous habitons à environ 725 $ », ajoute-t-il.

Calcul fait : cela leur ferait un revenu de 1260 $ alors que leur versement hypothécaire actuel est de 780 $. En contrepartie, Jacques n'aurait plus à payer pour son loyer à Shawinigan (285 $/mois). Évidemment, les revenus provenant de la location seraient imposables.

COÛTS SUPPLÉMENTAIRES

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas tout à fait. Ce changement de vie engendrera des coûts supplémentaires. Le couple devra acheter un nouveau véhicule pour que Nathalie puisse faire quotidiennement le pont entre Trois-Rivières et Joliette. « Nous pensons acheter une petite automobile neuve. Le budget prévu oscillerait entre 200 et 250 $ par mois », précise-t-il.

Quant à l'essence, les coûts combinés de Jacques et Nathalie seraient similaires à ce qu'il en coûtait auparavant : 4000 $ par année.

Nathalie et Jacques sont conscients de l'impact que cela risque d'avoir sur leur train de vie. « Nous devrons peut-être changer quelques aspects : moins dépenser pour des voyages, ou réduire nos cotisations aux REER. »

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PORTRAIT

Situation financière

Jacques

43 ans

Revenu brut

55 000 $

Revenu net

33 800 $

Nathalie

44 ans

Revenu brut

38 782 $

Revenu net

24 440 $

VISION GLOBALE

Hypothèque

solde de 83 000 $ (taux d'intérêt de 2,99 %), il reste environ 13 ans à payer

Valeur de la maison (duplex de Joliette)

200 000 $

Valeur à l'achat en 2008

120 000 $

Paiement hebdomadaire

180 $

Carte de crédit

aucune dette accumulée pour les deux

Marge de crédit hypothécaire

27 000 $ à un taux d'intérêt de 3,75 %

VISION DÉTAILLÉE - DUPLEX

Taxes

3000 $/année

Hypothèque

180 $/semaine

Électricité

100 $/mois

Assurances maison

1140 $/année

Communications

Jacques : 15 $/mois Nathalie : 35 $/mois Maison : 75 $/mois

AUTRES DÉPENSES

Appartement à Shawinigan (travail)

285 $/mois

Épicerie

environ 7000 $

Restaurants

1200 $

Dette (cartes de crédit et prêts divers)

0 $

Une voiture

payée

Essence

4000 $

Entretien

1000 $

Assurance voiture

400 $

Assurance vie

1500 $

Loisirs et sports

3000 $

Alcool

2500 $

Voyages

6000 $

ACTIFS

REER Jacques

39 000 $

REER Nathalie

7500 $

CELI Nathalie

3000 $

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RÉHYPOTHÉQUER LE DUPLEX DE JOLIETTE

Le couple ne détenant pas la marge de crédit hypothécaire nécessaire au financement de la mise de fonds pour un nouvel achat, Maryse Filion, directrice régionale principale chez Gestion de patrimoine TD Planification financière, propose, dans le cas présent, d'envisager de réhypothéquer le duplex de Joliette. « Il est possible de réhypothéquer un immeuble jusqu'à 80 % de sa valeur sans qu'il soit assuré par la Société canadienne d'hypothèques et de logement », dit-elle.

La valeur actuelle de leur duplex étant de 200 000 $, Nathalie et Jacques pourraient donc hypothéquer jusqu'à 160 000 $. Compte tenu de l'hypothèque existante (83 000 $) et de la marge de crédit hypothécaire utilisée (27 000 $), cela leur donnerait une marge de manoeuvre de 50 000 $.

« S'ils pensent payer 180 000 $ pour leur deuxième duplex, ils auront besoin d'une mise de fonds d'un peu moins de 40 000 $. Après avoir payé la mise de fonds, la somme restante (10 000 $) servira à la "taxe de bienvenue", aux frais de notaire et de déménagement. Le reste servira de coussin de sécurité », dit-elle.

Maryse Filion propose toutefois d'allonger la période d'amortissement de l'immeuble de Joliette à 20 ans.

« Ils finiront ainsi de payer au début de la soixantaine, ce qui est près de l'âge de la retraite. » - Maryse Filion

Avec un taux d'intérêt de 2,85 %, le couple devrait débourser environ 875 $ par mois.

Quant à l'achat de ce qui deviendra leur résidence principale, celle de Trois-Rivières, Maryse Filion propose dans un premier scénario une hypothèque de 13 ans, période identique à ce qu'il leur restait à payer sur le premier immeuble.

Aux fins de l'exercice, estimons l'achat du nouveau duplex à 180 000 $ et la mise de fonds à 40 000 $. « Il leur reste donc 140 000 $ à payer », dit-elle. S'ils veulent amortir ce nouvel achat sur 13 ans - avec le taux d'intérêt actuel de 2,85 % -, ils devraient débourser 1075 $ chaque mois.

Pourquoi rembourser plus rapidement le duplex de Trois-Rivières ? « Pour réduire l'impact fiscal, il est conseillé de garder la plus longue période d'amortissement sur l'immeuble qui génère le plus de revenus. Dans ce cas-ci, c'est celui de Joliette », répond-elle.

En cumulant les deux hypothèques, le couple devra payer 1950 $ chaque mois. Pour ce faire, il pourra compter sur les revenus des locataires, si ces derniers ne font pas de défaut de paiement, évidemment. La location des deux appartements de Joliette rapportera 1200 $, alors que celui de Trois-Rivières pourrait, grosso modo et en théorie, rapporter 600 $.

« Cela leur ferait un revenu locatif qui oscillerait entre 1850 et 1900 $. » - Maryse Filion

Ce montant se rapproche de ce qu'ils paieront en hypothèques. Or, Maryse Filion rappelle que de nouvelles dépenses s'ajouteront : électricité, taxes municipales et scolaires, assurances, entretien. « Tout est en double », dit-elle, rappelant par ailleurs que Jacques n'aura plus à débourser pour son logement de Shawinigan. En considérant ces dépenses, Maryse Filion évalue à 400 $ ce que le couple devra payer de plus chaque mois.

ALLONGER LA PÉRIODE D'AMORTISSEMENT

Néanmoins, la spécialiste propose une deuxième option, celle d'amortir l'hypothèque du duplex de Trois-Rivières sur une période de 20 ans plutôt que 13 ans. Ce scénario permettrait à Nathalie et Jacques de réduire leurs mensualités et de finir de payer leurs hypothèques avant l'âge de la retraite.

Ainsi, au lieu de débourser mensuellement 1075 $ pour le nouvel achat, les mensualités seraient de 765 $. « S'ils n'ont pas envie de couper dans leur train de vie actuel, s'ils veulent continuer de voyager autant et de sortir au restaurant, c'est un scénario envisageable », dit-elle. Avec un amortissement sur 20 ans, ils ne devraient débourser qu'environ 90 $ de plus que ce qu'ils font à l'heure actuelle.

Maryse Filion résume ainsi la situation : « En prenant le scénario de 13 ans pour l'immeuble de Trois-Rivières, c'est plus ou moins 400 $ de plus qu'ils devront débourser chaque mois. S'ils privilégient l'hypothèque sur 20 ans, c'est moins de 100 $ de plus qu'ils paieront chaque mois. » À Nathalie et Jacques de trancher !

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ENTRE REER ET IMMOBILIER

Retirer ses REER pour financer l'achat d'une propriété, est-ce une bonne idée ? Non, répond Maryse Filion, directrice régionale principale chez Gestion de patrimoine TD Planification financière. « Sauf si nous planifions un retour aux études avec le REP [Régime d'éducation permanente] qui nous permet de les sortir sans incidence fiscale, c'est le dernier conseil que nous donnons. »

Son de cloche similaire de la part de Dany Provost, directeur de la planification financière et fiscale chez SFL : « Nous essayons toujours de garder les REER dans leur fonction première. » L'immobilier n'en reste pas moins une « très bonne option » pour diversifier ses placements en vue de la retraite.

« Il y a quelques années, l'immobilier a été extrêmement rentable. Cette vague est passée, mais ce n'est pas parce que c'est moins rentable qu'auparavant que ce ne l'est pas », poursuit-il.

Encore faut-il faire le bon choix. Plusieurs considérations influent sur la valorisation d'une propriété. À commencer par l'immeuble lui-même.

« Il y a tout d'abord la qualité, mais également le fait qu'il s'agisse ou non d'un immeuble locatif. » - Dany Provost, directeur de la planification financière et fiscale chez SFL

Les immeubles locatifs sont généralement de « bons placements » en vue d'une retraite. Le portrait d'un client « est presque toujours meilleur » avec une propriété locative. « C'est un revenu fixe, alors que du capital investi augmente rarement de plus de 4 % par année », rappelle-t-il.

BRICOLEURS ET GESTIONNAIRES

Ensuite viennent les considérations géographiques. « C'est certain que la valeur dans de petites villes n'augmente généralement pas aussi rapidement que dans une métropole. Il faut faire attention lorsqu'on fait nos projections », dit-il. Il en est de même pour les quartiers des grandes villes.

Mais surtout, entrent en jeu les capacités personnelles des propriétaires. « Est-ce qu'ils sont habiles de leurs mains ? À moins de graves problèmes, les bricoleurs peuvent régler les petits problèmes, mais aussi ajouter de la valeur en faisant eux-mêmes les rénovations », indique Dany Provost.

Il en est de même pour les qualités de gestionnaire des propriétaires. « Ceux qui n'ont pas la capacité ou le temps d'assurer une bonne gestion peuvent être portés à faire affaire avec une firme de gestion qui, inévitablement, grugera les bénéfices. »

« Mais l'immobilier est loin d'être un mauvais choix », répète-t-il. Outre les revenus réguliers qu'il assure aux propriétaires de logements locatifs, il permet de diversifier ses avoirs et ses placements. Ne serait-ce que pour ça, il est une carte de plus dans la manche de ceux qui préparent leur retraite, laisse entendre Dany Provost.