Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, François Landry, premier vice-président et chef des placements à la Financière des professionnels.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse ?

J'en ai retenu deux.

En premier lieu, c'est l'accord budgétaire et financier qui est intervenu entre la Grèce et les autorités financières d'Europe il y a une dizaine de jours. Mais dont nous avons appris les détails et les conditions quelques jours plus tard, au début de la semaine dernière.

Il s'agit en fait d'un délai de quatre mois accordé au gouvernement grec, pendant lequel il devra réaliser pour de bon des réformes fiscales et budgétaires qui lui avaient déjà été demandées auparavant.

Même s'il est intérimaire, et douteux quant aux résultats, cet accord avec la Grèce a fait reculer la nervosité et la volatilité à court terme des marchés boursiers en Europe, mais aussi ailleurs dans le monde.

En second lieu, j'ai noté les commentaires de la présidente de la Réserve fédérale américaine (Fed), Mme Janet Yellen, devant un comité du Congrès à Washington. Elle a réitéré la prudence qui prévaut à la Fed, préférant attendre quelques mois avant de relever les taux d'intérêt pour éviter de nuire au regain de croissance de l'économie américaine. Cette croissance demeure inégale selon les secteurs d'activités économiques et les régions du pays

En Bourse, ces propos de Mme Yellen ont suffi à faire remonter encore les indices à des niveaux record, dont le S & P 500 qui est repassé au-delà des 2500 points.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

D'abord, c'est le taux de change du dollar canadien par rapport au dollar américain, mais aussi les autres principales devises du monde.

Le dollar canadien vient de subir une très forte dépréciation (-20 % en moyenne) sur une période d'à peine 24 mois sur le marché des devises.

Une telle dépréciation a beaucoup d'impact sur le rendement des placements des Canadiens à l'étranger. C'est très positif pour ceux qui étaient déjà investis en monnaies étrangères. En contrepartie, c'est très coûteux pour ceux qui veulent investir davantage à l'étranger afin de pallier le faible rendement courant des marchés boursiers et obligataires au Canada.

Par ailleurs, en ce qui concerne la Bourse américaine, je suis surtout les facteurs qui permettent d'évaluer la probabilité d'une récession aux États-Unis, comme l'indicateur avancé (Leading Indicator) et la courbe des taux d'intérêt.

Pour le moment, la courbe des taux est positive aux États-Unis (taux long terme supérieurs aux taux court terme) et, du coup, le risque d'une prochaine récession demeure très faible.

Au Canada, en comparaison, la courbe des taux se rapproche de l'inversion, ce qui pourrait signaler un risque accru de récession. Cela explique aussi en partie la réticence des banques à suivre pleinement la récente baisse de taux surprise par la Banque du Canada.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

Ces temps-ci, je préfère investir davantage en actions mondiales qu'en actions canadiennes.

Quant à la Bourse américaine, malgré sa remontée vers de nouveaux sommets, j'ai encore de l'intérêt à y investir davantage entre autres parce que la conjoncture économique aux États-Unis est plus favorable qu'ailleurs dans le monde.

Toutefois, en tant qu'investisseur d'origine canadienne, il faut prendre garde au risque de volatilité du taux de change avec le dollar canadien.

En fait, il faut commencer à se protéger de l'impact négatif d'une éventuelle remontée du dollar canadien sur le rendement de nos placements en dollars américains.

Pour les particuliers investisseurs, l'une des façons les plus accessibles consiste à rehausser les placements en fonds couverts (hedged) en dollar canadien, par rapport aux placements non couverts (unhedged). En Bourse, il y a des fonds négociés (FNB) maintenant offerts à cet effet.

À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci ?

D'abord, les obligations de dette souveraine en Europe. Leur taux de rendement (coupon) est très faible, sinon négatif dans certains pays comme l'Allemagne. C'est insoutenable à long terme du point de vue des autorités monétaires d'Europe. Et donc à éviter par les investisseurs, d'autant que la Banque centrale européenne (BCE) se prépare à intervenir massivement.

En Bourse, je me méfie du potentiel de rendement additionnel des titres dits « défensifs », en particulier les actions à dividendes.

La popularité de ces titres parmi les investisseurs en quête de rendement courant supérieur à celui très faible des obligations a contribué à leur surévaluation à prime en Bourse, à mon avis.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

C'est le potentiel de redressement de valeur et de rendement des titres dits « cycliques » en Bourse, essentiellement les actions d'entreprises productrices de matières premières et de pétrole.

Ces titres sont encore boudés par les investisseurs même si leur valeur a baissé à des niveaux d'escompte substantiels, alors que d'autres secteurs plus populaires sont rendus à risque de surévaluation.

En fait, aux prix où sont rendus les titres de matières premières, je crois qu'il y aura pas mal plus d'argent à faire là-dedans à moyen terme que, par exemple, dans les actions de banques à dividende.

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À titre de premier vice-président et chef des placements à la Financière des professionnels, François Landry supervise la gestion de 3 milliards d'actifs financiers provenant de groupes de professionnels québécois (médecins spécialistes, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, architectes, notaires, etc.).

Ces actifs sous gestion sont répartis entre des fonds communs de placement offerts aux membres de ces groupes ainsi que 1500 clients en gestion privée parmi des professionnels fortunés (1 million et plus investis).