Leur horizon est bien plus lointain et large qu'on ne le croit. Les entreprises cinématographiques Cineplex et Imax, qui doivent composer avec un ralentissement dans leur industrie, développent d'autres avenues de croissance. Peu après l'occasion de la 87e soirée des Oscars, notre duel boursier mensuel oppose ces deux entreprises en vue. Et le grand gagnant est...

Cineplex voit loin

La programmation hollywoodienne généralement décevante, jumelée à la controverse entourant la comédie The Interview, a causé une nette diminution des recettes au box-office chez Cineplex au dernier trimestre. Avant cela, un été plus calme que le précédent avait entraîné une baisse de 39 % du bénéfice.

Mais la chaîne de 160 cinémas avec ses 1638 écrans d'un océan à l'autre a plus que contrebalancé la baisse de fréquentation de ses salles par des hausses de revenus dans les services alimentaires et les activités de médias numériques.

Le président de l'entreprise plus que centenaire, Ellis Jacob, s'affaire ainsi à stabiliser ses résultats en diversifiant la provenance des revenus de Cineplex de diverses manières. Selon les derniers chiffres disponibles, le client moyen dépense déjà 9,01 $ au guichet et 5,11 $ aux comptoirs.

Paul Steep, de la Banque Scotia, estime que l'entreprise est bien positionnée pour continuer d'offrir de la croissance avec les services alimentaires, mais aussi le commerce numérique, les jeux et la programmation alternative. L'analyste s'attend à ce que l'entreprise torontoise développe ses propres concessions alimentaires dans ses cinémas et même à l'extérieur de son enceinte.

Nouveau concept récréatif

Cineplex mise notamment sur un nouveau concept récréatif : la chambre de récréation. Dans la « Rec room », on jouera aux quilles, au billard ou encore au ping-pong, on mangera (et même très bien, promet la direction) et on assistera à des spectacles en direct. La première salle de divertissement avec amphithéâtre fera 40 000 pieds carrés et sera aménagée à Edmonton d'ici la fin de l'année. L'entreprise prévoit en construire trois ou quatre par année.

Kenric Tyghe, de Raymond James, qui vient de renouveler sa confiance avec une note de « surperformance », voit beaucoup de potentiel dans ces aires récréatives. L'analyste croit que le concept, une amélioration de celui de la chaîne américaine de restaurants et de jeux d'arcade Dave & Buster, pourrait générer des revenus de 140 à 160 millions et bonifier le bénéfice d'exploitation de près de 20 % d'ici 2018.

Mise en Scène

D'autres avenues de développement, bien que secondaires, présentent aussi un potentiel intéressant, selon Aravinda Galappatthige, de Canaccord Genuity. L'analyste note qu'il y a un intérêt croissant pour l'affichage numérique. Les petits commerçants, les institutions financières et les restaurateurs rapides voient notamment dans les panneaux numériques de Cineplex Digital Media un levier intéressant pour faire croître leurs ventes et polir leur marque.

Cineplex a notamment déployé un réseau d'affichage numérique dans les restaurants Tim Hortons, le TimsTV, et initié un plan d'installation d'un « écosystème numérique » dans 10 importants centres commerciaux du Canada. La direction du groupe, qui vient d'acquérir EK3 Technologies, croit pouvoir doubler en deux ans les revenus actuels d'environ 40 millions tirés de ses activités médiatiques.

L'expert de Canaccord note aussi le potentiel du programme de fidélisation Scène, qui compte maintenant 6,1 millions de membres. Le détaillant Sport Chek, une filiale de Canadian Tire, s'y est joint récemment comme partenaire d'accumulation de points. La chaîne de vente de vêtements et équipement de sport est le premier détaillant d'envergure à utiliser le système de récompense en coparticipation avec Banque Scotia.

Bonis et dividendes

Les détenteurs de la carte Scène ne sont pas seuls à recevoir des cadeaux de Cineplex. Malgré tous ces investissements coûteux, Cineplex verse un dividende mensuel rapportant un rendement annuel de 3 % au cours récent du titre. Celui-ci s'est accru de 3 % en moyenne ces cinq dernières années.

Malgré ses multiples boursiers élevés, Tim Casey, de BMO Marchés des capitaux, estime que le géant canadien du cinéma et du divertissement surperformera dans l'ensemble de son secteur. C'est aussi l'entreprise médiatique préférée de Haran Posner, de RBC Marchés des Capitaux, qui trouve qu'elle a « tout pour être aimée », à commencer par de belles qualités défensives. Adam Shine vient par contre de retirer le titre de la liste des coups de coeur (Action List) de la Financière Banque Nationale après un gain boursier de près de 23 % en seulement six mois.

Forces de Cineplex

+ Potentiel de développement de ses propres concessions alimentaires dans ses cinémas et même à l'extérieur de son enceinte.

+ Expansion du programme de fidélisation en coparticipation Scène.

+ Grandes qualités défensives.

Faiblesses de Cineplex

- Les revenus au box-office sont influencés par les films disponibles, ce qui est hors du contrôle de l'entreprise.

- Des conditions hivernales difficiles suffisent à plomber les résultats.

- Multiples boursiers très élevés.

Sources : RBC Marchés des Capitaux, Banque Scotia et Canaccord Genuity

IMAX voit grand

« Tout a commencé avec un petit groupe de réalisateurs expérimentaux canadiens qui se sont unis pour organiser une projection multiécran à l'EXPO 67 à Montréal, rappelle la jeune firme sur son site. La projection faisait partie d'une compétition destinée à créer la première véritable expérience de film sur grand écran. Les réalisateurs y sont parvenus en synchronisant neuf projecteurs ensemble.

« C'était un énorme défi technologique. Et alors même qu'ils le surmontèrent, l'ambitieuse équipe, qui formerait un jour l'entreprise connue sous le nom d'IMAX, était confrontée à une autre question : n'existait-il pas une meilleure méthode ? »

La réponse, bien sûr, était « oui » et le développement de la technologie spectaculaire de production et de projection sur écran gigantesque a fait d'IMAX un des leaders mondiaux des technologies de divertissement. Plus d'un milliard de personnes ont déjà fait l'expérience immersive depuis l'ouverture du premier cinéma IMAX, en 1970. Au dernier décompte, le réseau comprenait 934 écrans répartis dans 52 pays.

Le fabricant de systèmes qui n'a pas raté le virage 3D s'applique à demeurer à l'avant-garde de la technologie cinématographique. Le groupe a installé un nouveau système de projection au laser sur de premiers écrans à Toronto le mois dernier, juste à temps pour la présentation du dernier chapitre du Hobbit. Déjà 65 cinémas ont acheté le nouvel équipement.

Cette technologie, introduite par Eastman Kodak en 2011, promet une image plus brillante et davantage de résolution que la technologie digitale actuelle. « Cela permettra à IMAX de se différencier encore plus des autres grands écrans », commente l'analyste Alelia Quadrani, de JPMorgan, qui prévoit une bonne réponse tant des spectateurs que d'Hollywood.

L'entreprise qui est aujourd'hui dirigée depuis trois sièges sociaux (à Mississauga, en Ontario, ainsi qu'à New York et Los Angeles, aux États-Unis) projette aussi la vente d'un système IMAX pour le cinéma maison, en collaboration avec un fabricant de téléviseurs, cette année.

Essaimage en Chine

Autre développement important récent, IMAX a vendu au printemps dernier un cinquième de sa filiale chinoise à deux firmes d'investissement privées en échange de 80 millions US, dans une étape préliminaire à un éventuel essaimage partiel d'IMAX China, qui deviendrait une société distincte inscrite en Bourse.

Avec plus de revenus disponibles, les consommateurs chinois découvrent le cinéma dans ses projections les plus spectaculaires, la 3D et les écrans géants, ce qui en fait une importante zone de croissance pour IMAX.

Le nombre d'installations IMAX en Chine a doublé à 173 depuis 2011 et avec les 246 écrans commandés pour les cinq prochaines années, ce pourrait devenir le premier marché pour le géant du divertissement, après l'Amérique du Nord avec ses 340 installations.

Si vous ne pouvez le battre...

Loin de craindre la popularité croissante des plateformes numériques, IMAX s'est par ailleurs associée à Netflix pour la mise en marché, à la fin de l'été prochain, de Tigre et Dragon 2 (https://bit.ly/1CSRxPr). Suivant le plan, la production d'Harvey Weinstein, un des producteurs les plus influents d'Hollywood, sera offerte sur Netflix et prendra l'affiche le même jour dans une sélection de salles IMAX dans le monde.

L'incursion du géant américain de la vidéo à la demande par abonnement dans l'industrie du cinéma n'est pas bien reçue par tous. Au contraire, Cineplex, tout comme les Cinémas Guzzo, s'est joint au boycottage organisé par plusieurs grandes chaînes de salles de cinéma opposées en bloc au projet. Pour se protéger, les propriétaires de salles commerciales profitent habituellement d'un délai de 100 jours entre la sortie en salle et celle de la vidéo sur demande et des DVD.

En Bourse

Les actions d'IMAX ont été retirées le mois dernier de la Bourse de Toronto, où l'entreprise avait fait ses débuts en 1994. Le titre n'est plus négocié qu'en dollars américains - beaucoup de dollars américains - à la Bourse de New York.

Les analystes y demeurent généralement attachés même si le titre a plus que triplé en cinq ans et se négocie aujourd'hui suivant un multiple particulièrement élevé de 54 fois les profits courus. Alelia Quadrani, de JPMorgan, vient d'ailleurs d'abaisser sa recommandation à « neutre » en évoquant le gain boursier de 13 % depuis le début de l'année et de 28 % sur un an. Liang Feng, de Morningstar, trouve aussi que le cours du titre reflète pleinement la croissance prochaine du groupe canadien.

Forces d'IMAX

+ Fort levier d'exploitation grâce aux revenus récurrents de licence des cinémas affiliés.

+ Grand potentiel d'expansion mondiale, notamment dans les marchés émergents avec l'augmentation du revenu disponible.

+ Les producteurs se concentrent de plus en plus sur les films d'action, que mettent en valeur les écrans géants d'IMAX.

Faiblesses d'IMAX

- Le concurrent Cinemark développe rapidement son concept XD et son succès pourrait inciter des exploitants de salles à abandonner le système IMAX ou à renégocier leur entente.

- Des marchés clés, comme la Chine, exigent la présentation de films locaux et limitent la diffusion des productions d'Hollywood, qui rapportent plus.

- De nouvelles technologies émergentes, comme la réalité virtuelle, peuvent détourner l'intérêt des écrans géants.

Source : Morningstar