Chaque dimanche, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Louis Allard, de la firme Allard, Allard & associés, à Montréal.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse?

Le projet d'allègement fiscal proposé par des sénateurs républicains et démocrates qui inciterait les multinationales américaines à rapatrier aux États-Unis des liquidités détenues à l'étranger. Nous voyons d'un bon oeil la possibilité d'utiliser ces liquidités stagnantes.

C'est l'ampleur du montant de ces liquidités, qui se situe entre 1 et 2 billions (mille milliards) de dollars selon les estimations, qui rend ce projet intéressant pour les investisseurs pour le mettre en contexte, on peut le comparer au PIB américain, qui était de 17,4 billions en 2014. Une telle somme, bien qu'elle serait imposée à un taux moindre, contribuerait à renflouer les coffres de l'État, sans compter que son utilisation par les entreprises, que ce soit pour faire des acquisitions, racheter des actions, verser des dividendes, créer des emplois ou faire des dépenses d'investissement, aurait un effet stimulant sur la croissance de l'économie américaine et la valorisation des titres.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement?

Nous nous concentrons principalement sur l'analyse des résultats financiers des entreprises qui ont les qualités que nous recherchons, soit: un bon bilan, une évaluation attrayante, des bénéfices en croissance et des flux de trésorerie suffisants pour verser des dividendes aux actionnaires.

Comme ces entreprises n'oeuvrent pas en vase clos, nous sommes aussi attentifs aux informations provenant de leurs clients, leurs fournisseurs et leurs compétiteurs et aux données macro-économiques pertinentes, notamment en ce qui a trait à la croissance économique et à l'emploi.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Pour les actions, nous les choisissons en fonction de l'application des critères mentionnés à la question précédente. Nous construisons des portefeuilles d'actions bien diversifiés en matière de secteur, de géographie et de capitalisation boursière.

À titre d'exemple, dans l'univers des financières américaines, nous aimons des titres comme Metlife et JPMorgan pour leurs multiples attrayants et leur potentiel de croissance.

Sur le marché canadien, à la suite du recul récent des titres liés aux ressources naturelles, nous affectionnons Suncor et First Quantum Minerals.

Pour ce qui est des titres de revenu fixe, notre objectif premier est la préservation du capital. C'est pourquoi nous nous appliquons à bien sélectionner les émetteurs et que, dans le contexte actuel de faibles taux, nous favorisons les titres dont les échéances sont à relativement court terme. Pour leur avantage fiscal et leur rendement courant plus élevé, nous recourons également aux actions privilégiées avec prudence et modération.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Au cours du dernier mois, le rendement courant sur les obligations fédérales du Canada 30 ans a chuté sous les 2 %. Je crois qu'il faut être bien pessimiste pour se laisser séduire par un rendement avant inflation et avant impôt de cet ordre sur une aussi longue période.

À cet effet, pour les décennies à venir, les rendements en titres à revenu fixe risquent d'être en deçà des attentes de bien des investisseurs.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus?

Quand on parle de marchés, on parle réellement de l'ensemble des investisseurs. De nombreux investisseurs canadiens sont réfractaires à investir sur le marché américain à la suite de la spectaculaire chute, de l'ordre de 20%, du huard face au billet vert depuis 2014. Nous sommes d'avis que les évaluations de plusieurs titres américains demeurent très alléchantes, c'est entre autres le cas des entreprises du secteur financier, qui bénéficieront de la reprise économique en cours.

Aussi, la demande mondiale de ressources naturelles n'est pas en voie de disparaître, notamment en ce qui a trait au pétrole et aux métaux de base. Le repli actuel de ces secteurs offre une occasion d'achat intéressante pour les titres qui ont à la fois un bilan suffisamment solide et des coûts de production assez bas pour perdurer malgré une période d'adversité qui pourrait se prolonger.

Un autre point qui semble sous-estimé par les investisseurs individuels est le risque de longévité. La forte augmentation de l'espérance de vie a pour effet d'augmenter considérablement le capital nécessaire pour financer le coût de la retraite. Cela implique que des ajustements peuvent s'avérer nécessaires sur le plan du taux d'épargne, du taux de rendement, de l'âge de la retraite ou du rythme de vie prévu à la retraite.

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Louis Allard est président et gestionnaire de portefeuille chez Allard, Allard & associés. La firme est établie depuis 1995, gère environ 600 millions de dollars d'actifs et investit selon le style «valeur».