Les ménages canadiens sont plus endettés que jamais. Le crédit facile est en cause, tout comme la mauvaise gestion des finances personnelles. Les familles devraient-elles s'imposer l'austérité? Que faire lorsque l'endettement devient intenable?

PRÉVOIR POUR ÉVITER LES ÉCUEILS

Le nombre de dossiers d'insolvabilité ne cesse d'augmenter au Québec et il a connu une hausse de 4 % l'année dernière. On compte aujourd'hui 41 038 de ces dossiers, soit autant de personnes mises K.-O. financièrement qui, trop souvent, sont envoyées au tapis après une perte d'emploi ou une maladie.

« Je m'attends à un gros, gros taux d'insolvabilité pour 2015, avance Josée Pomerleau, propriétaire de Pomerleau & Associés Syndic. Depuis six mois, beaucoup d'entreprises nous consultent, elles cherchent à réduire leurs dépenses. Des emplois pourraient disparaître, comme chez Target, ce qui pourrait accentuer la pression sur les familles sans coussin financier. »

Alors que les revenus stagnent au Québec, le taux d'épargne est à un creux historique, à moins de 2 % en 2014. Les faibles taux d'intérêt ne sont pas étrangers à cette situation. « Dans les années 90, les obligations fédérales offraient un rendement de 10 %, note Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins. On ne voit plus ça en 2015. Les gens ont moins d'incitatifs à épargner. »

Chez Option consommateurs, à Montréal, la clientèle des quatre conseillères budgétaires disponibles est majoritairement composée de mères de famille monoparentale et de personnes seules, souvent retraitées. « Au cours des dernières années, des familles dont les deux adultes sont salariés se sont mises à nous consulter, remarque Lisanne Blanchette, avocate et conseillère budgétaire. Ces gens-là sont en mesure de tout payer grâce à leurs deux revenus, mais souvent, ils ne réalisent pas que leurs finances peuvent dérailler à tout moment. »

De plus en plus de gens sont pris à la gorge, à la merci du moindre imprévu. « Une situation problématique peut arriver à n'importe qui, n'importe quand, enchaîne la syndique Josée Pomerleau. Dans 99 % de mes dossiers, les gens oublient de se créer un fonds d'urgence. C'est un cas type. »

FAIBLES TAUX D'INTÉRÊT

Au Canada, le ménage moyen doit 1,63 $ par chaque dollar de revenu disponible. À 162,6 %, c'est le pire taux d'endettement jamais atteint au pays. Cette augmentation fulgurante est essentiellement due à la hausse du prix des maisons. « Les hypothèques comptent pour plus de 70 % des emprunts des particuliers au Québec », précise Hélène Bégin.

En annonçant une baisse-surprise de son taux directeur cette semaine, la Banque du Canada a donc atténué l'inquiétude suscitée par l'endettement des ménages.

Qui plus est, le taux d'endettement ne reflète pas toujours la réalité. Une famille avec un revenu annuel de 100 000 $ qui traîne une hypothèque de 300 000 $ se situe à un taux de 300 %. La question est de savoir si elle sera en mesure de rembourser, d'où l'importance du taux d'intérêt.

« On a beaucoup travaillé là-dessus chez Desjardins, explique Mme Bégin. On a compilé des données d'enquête très large afin d'établir la portion des revenus consacrée aux paiements mensuels des dettes (capital et intérêt). C'est ce qui détermine la capacité de payer des gens. »

Puisque l'endettement n'est plus la préoccupation principale de la Banque du Canada, c'est l'emploi qui devient le facteur clé. « Il y a une relation directe entre le marché du travail et l'augmentation des propositions de consommateur », explique l'économiste principale chez Desjardins.

RISQUES D'INSOLVABILITÉ

De façon générale, les emprunts augmentent donc plus vite que les revenus. « S'il y a une tendance que je remarque, dit la conseillère financière et avocate Lisanne Blanchette, c'est que les gens font une mauvaise évaluation de ce que peuvent coûter leurs projets. »

Rares sont ceux à l'abri du surendettement, notamment parce que trop peu de Québécois ont appris à observer leurs habitudes de consommation.

« En faisant un budget, un individu sera en mesure d'évaluer toutes ses dépenses, de faire le bilan, d'arriver à faire des choix différents », ajoute Mme Blanchette.

Celle dont le métier consiste notamment à rencontrer les gens pour les aider à faire un budget poursuit. « On est idéalement dans la prévention, on ne veut pas que les gens fassent faillite ou qu'ils déposent une proposition de consommateur. Toutes les options sont envisagées : planification et réaménagement budgétaire, vente d'actifs, consolidation de dettes, dépôt volontaire, etc. »

Il s'agit d'abord de faire le ménage dans ses finances personnelles. Une fois le tout en ordre, il est plus facile d'identifier les solutions qui s'offrent à nous.

Les pièges à éviter

Les syndics sont sous l'autorité du Bureau du surintendant des faillites Canada. Ce qui n'est pas le cas de tous ceux qui souhaitent vous aider avec vos problèmes de dettes.

« Les gens doivent s'assurer qu'ils font affaire avec un véritable professionnel, avec un syndic de faillite », rappelle Josée Pomerleau, propriétaire de Pomerleau & Associés Syndic.

« Certaines entreprises qui ne sont pas de vrais syndics offrent des consultations à des prix qui vont de 800 à 2000 $. Souvent, on dit aux clients de ne pas s'inquiéter, qu'ils seront plus tard dirigés vers un syndic. Mais les gens déboursent ces sommes pour rien. On leur offre même de payer ces rencontres mensuellement, donc à crédit.

« Beaucoup de gens se font avoir. De plus en plus de plaintes sont déposées au Bureau du surintendant à ce sujet, mais l'organisme n'a aucune autorité sur ces entreprises. Des recours ont été entamés contre certaines d'entre elles, mais elles s'organisent toujours pour régler à l'amiable et ainsi protéger la confidentialité des dossiers. »

La meilleure façon de s'assurer de confier notre avenir financier à un véritable syndic est d'appeler au Bureau du surintendant et de valider la licence du syndic qu'on souhaite embaucher.

« Ma première, deuxième et troisième recommandation, c'est la prudence, conclut Mme Pomerleau. Il y a encore des gens qui profitent du malheur des autres pour faire leur propre bonheur. Il faut se méfier. »