Nouvelle année, nouveau chapitre de vie. Deux ex-conjoints s'entendent pour mettre fin à la pension alimentaire de leurs enfants majeurs, enfin indépendants. Mais la démarche est d'une invraisemblable complexité, déplore le père. Pourtant, une démarche accélérée a été mise en place en 2013. Éclaircissements (dans la mesure du possible).

MÉCHANT FORMULAIREIl n'est pas content.

« Après près de 15 ans de paiement de pension alimentaire assidu, voilà qu'il est temps de cesser le tout (enfants dans la vingtaine tous deux sur le marché du travail) », nous écrit un lecteur.

« Mais je découvre que, même avec l'accord de la mère de mes enfants, il est IMPOSSIBLE de mettre fin à cette entente de façon simple, cordiale et civilisée.

« Au ministère de la Justice, on m'indique qu'AUCUN document n'existe pour mettre fin à une entente obtenue lors d'un divorce. AUCUN... Incroyable...

« La seule réponse donnée par le préposé au Ministère est qu'il faille remplir les formulaires comme s'il s'agissait d'une RÉVISION de la pension... Donc huit pages où on donne l'info concernant les salaires, actifs, passifs de chacune des personnes concernées... Et de faire tous les calculs comme s'il s'agissait d'une véritable révision puis - tenez-vous bien - de rayer le mot révision et de le remplacer par le mot ANNULATION... Donc tout ce travail, toutes ces recherches pour RIEN... »

Les majuscules sont de lui.

LA RÉPONSE

Bon. Faisons d'abord une mise au point, qui permettra de débrouiller quelque peu cette byzantine procédure : une pension alimentaire est instaurée par un jugement.

Or, « un jugement ne peut être annulé que par un autre jugement, sinon il demeure en vigueur », indique d'emblée Me Marie-Hélène Lecompte, avocate et médiatrice accréditée au cabinet Lecompte Deguire.

La méthode traditionnelle pour obtenir une annulation de pension alimentaire consiste donc à demander un nouveau jugement avec l'aide bienveillante mais coûteuse d'un avocat.

La demande doit être appuyée par une entente signée et divers documents, dont le formulaire qui suscite le léger ressentiment de notre lecteur : le Formulaire de fixation des pensions alimentaires pour enfant.

« C'est vrai que le titre est inexact parce que c'est un formulaire de calcul de pension alors qu'on veut l'annuler, reconnaît la jusrite, Sauf qu'aussitôt qu'il est question de pension, ce formulaire est obligatoire, parce que le juge veut avoir l'occasion de vérifier que tout est conforme. »

Photo Krisztian Bosci, Archives Bloomberg

L'avocat déposera l'entente au greffe pour obtenir une date d'audition en Cour, lors de laquelle il présentera sa requête au juge. « Les coûts varient souvent entre 700 $ et 1000 $, dépendant du tarif horaire et du temps que les gens passent avec nous : certains clients parlent beaucoup ! », indique Me Lecompte.

Rien n'interdit les parties de préparer les documents et d'entreprendre ces démarches sans l'aide d'un avocat, mais les risques d'erreurs - formulaires mal remplis, entente non conforme - sont élevés.

Cependant, il existe depuis peu une manière simplifiée d'obtenir ce jugement : jugez-en vous-même à l'onglet suivant.

L'homologation simplifiée (façon de parler)

Depuis octobre 2013, une procédure simplifiée permet de couper court aux salamalecs juridiques : le Service d'aide à l'homologation (SAH). En voici un résumé en trois étapes. 

PREMIÈRE ÉTAPE 

Les parents doivent rédiger une entente d'annulation de la pension.

« L'entente convenue entre les parents doit être conforme à la loi et respecter l'intérêt des enfants et des parents », explique MeRichard La Charité, directeur des communications de la Commission des services juridiques. « L'avocat qui rédigera les procédures vérifiera cet aspect. Par exemple, dans le cas d'une entente en annulation de la pension alimentaire pour enfant majeur, l'avocat devra s'assurer que l'enfant est majeur et capable de subvenir à ses propres besoins. »

Il est préférable que l'enfant soit informé de la démarche et qu'il puisse exprimer son point de vue. « Il est même souhaitable qu'il intervienne lors de la signature de l'entente », prévient-il.

Pour obtenir cette entente écrite, les parents peuvent faire appel aux services de médiation familiale, fait valoir Marie-Hélène Lecompte. « Ils ont droit à deux heures et demie de médiation gratuite pour réviser un dossier qui concerne des enfants. »

DEUXIÈME ÉTAPE

Ce projet d'entente en main, les parents prennent rendez-vous au plus proche bureau de Commission des services juridiques (aide juridique).

Ils s'y présenteront avec un exemplaire rempli du Formulaire H - Demande d'aide à l'homologation d'une entente, qu'on peut trouver sur le site web de la Commission des services juridiques (CSJ).

Ils devront fournir également une copie du jugement à modifier et une copie du formulaire de fixation qui a servi à établir la pension.

Les personnes admissibles à l'aide juridique doivent en outre fournir des preuves de revenus.

C'est lors de cette rencontre qu'il faudra payer les frais du service.

À partir de janvier 2105, le coût du SAH s'établit à 530 $ (130 $ pour les frais judiciaires et 400 $ pour les honoraires de l'avocat), soit 265 $ par parent. Un parent admissible à l'aide juridique pourra obtenir une réduction de sa part des frais, voire n'avoir rien à payer, selon ses ressources.

TROISIÈME ÉTAPE

Retour chez l'avocat que les parents ont retenu, qu'il soit de pratique privée ou permanent de l'aide juridique.

Il remplira les documents requis et fera parvenir l'entente par la poste à la Cour supérieure. « L'entente sera soumise au greffier spécial de la Cour supérieure pour homologation, indique Me La Charité. Elle deviendra alors un jugement et sera, dès lors, exécutoire. »

Le jugement est retourné par la poste à l'avocat, qui en fournit des copies aux parents. Une copie du jugement est automatiquement envoyée à Revenu Québec pour l'annulation de la perception.

« C'est la raison pour laquelle le service est moins coûteux même s'il est fourni par un avocat : nous n'avons pas à aller à la Cour », indique Marie-Hélène Lecompte. « Mais il est vrai que ça demande certaines démarches. »

Cette procédure - relativement - simplifiée s'applique également à la modification de la garde des enfants, des droits d'accès ou de la pension alimentaire pour enfants et pour conjoint.

Quand la pension prend-elle fin?

Votre fils vient d'avoir 18 ans. Est-ce que ce jubilatoire moment signifie la fin du paiement de la pension alimentaire que verse l'autre parent séparé ?

Réponse : non, si l'enfant est encore considéré comme à la charge de ses parents.

« La pension alimentaire qu'un parent reçoit pour subvenir aux besoins de son enfant ne cesse pas automatiquement dès qu'il devient majeur, indique Me Richard La Charité, de la Commission des services juridiques. Le parent qui verse la pension alimentaire doit faire une demande en justice afin d'en demander l'annulation s'il estime que l'enfant n'est plus un "enfant à charge". »

Certains facteurs peuvent appuyer ce changement de statut.

L'enfant doit bien sûr être majeur. Mais : 

- A-t-il quitté le domicile familial ?

- A-t-il obtenu un baccalauréat ?

- Est-il sur le marché du travail à temps plein ?

- Quels sont ses revenus ?

« C'est vraiment du cas par cas », souligne Me Marie-Hélène Lecompte.

Deux exemples.

L'obtention d'un baccalauréat signale normalement la fin de la pension. Cependant, la Cour pourrait prendre en considération le fait que les études en psychologie du jeune Sigmund-OEdipe Narcisse s'étendent à la maîtrise pour la pratique professionnelle.

À l'inverse, si Socrate Lapensée poursuit à 35 ans un quatrième bac en philosophie aristotélicienne, il risque fort de continuer à réfléchir à ses propres frais.

Rendez-moi mon dépôt !

Lors de l'instauration d'une procédure de perception automatique de la pension alimentaire, le parent payeur devra habituellement faire un dépôt de garantie au ministère de la Justice.

« Pour récupérer ce dépôt, qui varie peut-être de 300 $ à 700 $, les gens se plaignent qu'ils doivent dépenser 530 $ avec le Service d'aide à l'homologation », souligne Me Marie-Hélène Lecompte.

« Le Ministère a accepté quelquefois de remettre le dépôt sur une simple lettre, mais le problème, c'est que le jugement n'est toujours pas annulé. »

Elle cite l'exemple d'un père qui avait cessé le paiement de la pension et récupéré son dépôt après que fiston eut quitté l'école. Mais celui-ci, peu après ses 20 ans, est retourné aux études. Papa a refusé de participer aux dépenses. « La maman a fait saisir le salaire du père parce que le jugement n'avait pas été annulé. Elle pouvait même récupérer des arrérages parce que le père avait cessé de payer depuis deux ans. »

Son conseil : « Les 265 $ versés par chaque parent pour le Service d'aide à l'homologation valent l'investissement. On tourne la page, le dossier est fermé correctement. »