Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Ian Scullion, gestionnaire de portefeuilles, chez Addenda Capital à Montréal.

Q. À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

R. Très certainement la baisse du prix du pétrole. Elle aura sans aucun doute de nombreux impacts collatéraux sur les entreprises et les consommateurs. Pour les sociétés, il y aura des effets bénéfiques sur l'ensemble du coût des intrants dans la fabrication, ainsi que du transport. Dans la plupart des cas, il y aura une incidence positive sur les marges opérationnelles. Pour les consommateurs, la baisse du prix du pétrole permettra de dégager une certaine marge de manoeuvre quant au revenu discrétionnaire.

Q. Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

R. Depuis déjà plusieurs trimestres, nous surveillons de très près l'évolution de la croissance organique des entreprises que nous détenons ou dans lesquelles nous envisageons d'investir. Cela nous permet de mieux évaluer leur potentiel de croissance opérationnelle. Nous cherchons à investir dans des entreprises qui sont les chefs de file de leur secteur et qui occupent une position de leader de leadership. C'est le type d'entreprises que nous privilégions, alors que nous observons une lente dégradation de la consommation dans plusieurs régions du monde, incluant certains pays émergents d'importance.

Q. Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

R. Compte tenu de la très bonne performance des marchés obligataires et boursiers qui perdure depuis plusieurs trimestres, j'opterais pour une certaine prudence et je conserverais 25-30 % en liquidité (marché monétaire ou obligations à court terme).

Pour le reste, le marché boursier demeure l'endroit le plus attrayant. La sélection des titres doit se faire en fonction des critères suivants. Je recherche les sociétés les plus innovatrices oeuvrant dans des secteurs où la croissance est soutenue et profitant d'avantages concurrentiels clairement identifiables. C'est ce qui permet de passer à travers les périodes économiques plus difficiles.

Je favorise également les sociétés qui paient des dividendes de 2 à 4 % et dont la croissance annuelle est de 5 à 7 %, ce qui est nettement mieux qu'une obligation du gouvernement de 10 ans. Par exemple: Nielsen NV (NLSN), un leader mondial pour les produits et services analytiques pour différents supports médias; Sanofi (SNY), un leader mondial dans les vaccins et les produits pour le diabète avec une forte présence dans les pays émergents; et Syngenta AG (SYT), une firme engagée dans l'innovation et le développement de produits permettant l'amélioration des cultures agricoles et de la qualité alimentaire.

L'objectif demeure toujours de bâtir un portefeuille d'actions composé des leaders mondiaux, présents sur plusieurs continents et diversifiés à travers plusieurs créneaux et secteurs dont le potentiel de croissance est démontré.

Q. À l'opposé, quel placement évitez-vous ces temps-ci?

R. Les obligations à moyen et à long terme. Il est difficile de prévoir la fin du mégacycle baissier des taux d'intérêt, mais il est certain que les probabilités qu'il prenne fin bientôt jouent contre l'investisseur.

Pour un rendement d'à peine plus de 2 %, je ne vois tout simplement pas de valeur à bloquer ses fonds pour 5 ou 10 ans. Encore une fois, je réitère qu'il est beaucoup mieux d'investir dans de solides sociétés de croissance ayant un leadership mondial et offrant un historique de paiement de dividende.

Par exemple, un dividende de 2 à 4 % augmentant de 5 à 7 % par année procurera un rendement de 3,5 à 7,25 % dans 10 ans. Et ce, en plus de l'appréciation de capital si la sélection de titres a été judicieuse. De plus, si jamais les taux se mettent à monter, la perte en capital sur les obligations pourrait être importante si vous ne conservez les obligations jusqu'à l'échéance.

Q. Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement?

R. Ce qui inquiète, c'est la tendance séculaire des bénéfices d'exploitation. Une croissance organique anémique affecte graduellement la capacité de plusieurs entreprises d'améliorer leur marge bénéficiaire et de permettre aux bénéfices de croître plus rapidement que les revenus. De plus, comme les différents multiples d'évaluation poursuivent leur ascension avec la hausse des marchés boursiers, ceux-ci risquent d'être de plus en plus déconnectés de la croissance réelle des bénéfices estimés pour bon nombre d'entreprises.