« Le public a raison de suivre la tendance du marché, mais il a tort quand elle est aux extrêmes », disait Humphrey Neill, considéré comme le père spirituel du placement à contre-courant. La Bourse de croissance TSX (TSXV) est à une de ces limites qui mettent à l'épreuve ses plus farouches disciples.

L'indice composé S&P/TSX de croissance a touché la semaine dernière le plus bas niveau de son histoire. Cela signifie que ce marché n'est pas plus avancé qu'au pire de la crise financière américaine, il y a près de six ans. Les petites valeurs américaines ont, quant à elles, plus que triplé de valeur durant cette période de vigoureuse reprise économique.

Pis, le rendement est de - 38 % depuis la première compilation de cet indice des petites capitalisations canadiennes en 2002. Entre-temps, l'indice général de la grande Bourse de Toronto a progressé de 76 %. Les deux dernières années ont d'ailleurs vu un net déplacement des capitaux des valeurs considérées spéculatives vers les grosses capitalisations, alors que le marché torontois démontrait beaucoup de volatilité à l'approche de nouveaux pics boursiers.

Les derniers mois ont été particulièrement éprouvants pour la Bourse dite de croissance. Plus du tiers de sa valeur a été effacé depuis que les investisseurs larguent les titres pétroliers, grands et petits, en raison de la chute des prix du brut. Quelques valeurs prisées des analystes se sont tout de même démarquées avec des hausses fulgurantes, ce qui est aussi une caractéristique de ce marché d'entreprises en démarrage.

Quinze chandelles

Voilà une bien triste façon de célébrer un 15e anniversaire. Rappelons que les Bourses de Vancouver et de l'Alberta avaient d'abord fusionné en 1999 pour donner naissance à la Canadian Venture Exchange. La Bourse de Winnipeg s'était ensuite jointe à la composante de négociation d'actions de la Bourse de Montréal. La Bourse de Toronto a consolidé le tout et lancé la Bourse de croissance TSX en 2002.

Le TSXV, toujours concentré dans l'Ouest canadien, se dit la première place boursière mondiale du capital de risque public avec près de 2000 inscriptions et une capitalisation boursière totale de près de 29 milliards. L'indice censé le représenter est principalement composé de petites sociétés minières (39 %) et pétrolières (32 %), bien entendu, mais on y retrouve aussi des entreprises du secteur des technologies de l'information (10 %) et même des valeurs financières (5 %).

Québec inc. est du lot avec des sociétés diversifiées comme la première chaîne de restos-bars d'ambiance sportive au Québec Groupe Sportscene, l'entreprise de traitement des eaux H2O Innovation ou les sociétés pétrolières en puissance Junex et Petrolia. Certaines de ces valeurs fleurdelisées sont chaudement recommandées dans la communauté financière, d'autant plus si leurs prix se sont affaissés.

Le canari dans la mine

La faiblesse des cours à la Bourse de croissance est inquiétante même pour sa grande soeur torontoise. On connaît le rôle historique du canari dans les mines de charbon : celui d'un détecteur de gaz toxiques. Le désintérêt pour les juniors est aussi un bon indicateur de toxicité en Bourse.

Cela correspond au supercycle boursier où les cours des producteurs de ressources s'affaissent avec la demande pour leur produit avant que le ralentissement de l'économie n'entraîne tout le marché. La fuite des investisseurs vers les valeurs de qualité ne fait qu'allonger l'intervalle.

Le stratège Allen Wang, de la Deutsche Bank, faisait remarquer la semaine dernière que même les gestionnaires de portefeuille, dans leur quête de rendement supérieur, tendent inconsciemment vers les petits titres volatils de moindre qualité et les secteurs cycliques. Ce risque expose les portefeuilles à des pertes substantielles quand vient le temps de retourner aux abris, note-t-il.