Chaque semaine, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son pont de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Philippe Hynes, de la firme Tonus Capital.

Q Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse ?

R Le repli de près de 3 % du S & P 500 au cours de la semaine du 28 juillet malgré des résultats trimestriels surpassant les attentes (70 % des entreprises du S & P 500 on battu les estimés pour le deuxième trimestre). Ceci est la plus forte baisse hebdomadaire en deux ans. Et cela semble se continuer cette semaine. L'indice Canadien S & P/TSX a aussi perdu plus de 1,5 %. La tendance haussière dont plusieurs investisseurs ont bénéficié est remise en question. Les données économiques et les résultats d'entreprises sont généralement respectables. En outre, les revenus des entreprises du S & P 500 sont en hausse de 4,3 %, soit la meilleure performance en deux ans. Une grande partie de ces nouvelles favorables étant déjà incorporée dans le prix des titres, nous observons une différence entre performance financière et performance boursière.

Q Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement ?

R Pour moi, l'évaluation des entreprises est ce qui est le plus important afin de déterminer s'il y a présence de valeur. Je regarde le multiple des profits du S & P 500 qui indique si le marché est cher ou non. Pour les 10 dernières années, la moyenne du forward P/E (ratio cours/bénéfices sur les profits anticipés pour la prochaine année) du S & P 500 est de 15,1x. En début d'année, nous étions à plus de 16 et nous sommes toujours à ce niveau. En 2013, une grande partie du rendement provenait de l'expansion du multiple, cette année, cette expansion ne se fait pas ; les profits doivent être au rendez-vous pour propulser les titres vers des niveaux plus hauts. L'indice des petites capitalisations américaines nous donne un avant-goût du risque de payer trop cher. Sa moyenne étant de 23, il a commencé l'année à plus de 30 et se retrouve aujourd'hui à 24. Les résultats ont été bons, mais l'indice est en baisse de 4 % cette année et de 6 % en juillet uniquement. Bon résultats, mais les prix étaient trop élevés.

Q Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir ?

R J'investirais la majorité dans des actions, principalement parce qu'à long terme, le rendement sur les actions est meilleur et aussi parce que les taux offerts par les obligations actuellement ne justifient pas du tout le risque de perte de valeur qu'encourent les obligations.

Le marché étant raisonnablement bien évalué, je crois qu'il faut être très sélectif et même garder un niveau élevé de liquidité. Il faut investir dans un nombre restreint de bons titres qui sont mal compris par les investisseurs.

Shawcor (SCL) au Canada est un de ceux-là. On accorde trop d'importance à la baisse de profitabilité temporaire en 2014 due à l'achèvement de deux gros projets en Asie. Il continue d'y avoir un manque flagrant de pipeline sur le marché nord-américain et Shawcor a plusieurs avenues de croissance dans des services connexes.

Ainsi que LoJack (LOJN-us), une entreprise que ne couvrent par les courtiers compte tenu de sa petite taille et le faible volume de transactions. Après de mauvaises décisions stratégiques de l'ancien groupe de dirigeants, la nouvelle équipe de direction a replacé l'entreprise en mode croissance, résolu les nombreuses disputes légales, diminué les coûts et augmenté la profitabilité.

Q Quel placement évitez-vous à tout prix ?

R Les matières premières. Ce secteur, à long terme, offre de très faibles rendements sur les capitaux investis. Dans un portefeuille hautement concentré comme le mien, il est beaucoup trop risqué d'investir de grosses sommes dans un titre minier en particulier. L'addition des risques d'opération et du risque de baisse de la valeur de la commodité est trop élevée à mon avis.

Je crois aussi que certains titres versant un dividende élevé sont dangereux. Plusieurs investisseurs ont acheté de tels titres comme alternative à des obligations offrant de faibles rendements. Lorsque les taux d'intérêt vont remonter, ces titres seront à risque. Ce secteur est aussi très populaire ces temps-ci. En fait, j'essaie d'éviter les tendances populaires et plutôt trouver de nouvelles idées dans les secteurs délaissés à court terme, mais qui donneront des rendements intéressants à long terme.

Q Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus ?

R Le marché sous-estime la possibilité réelle d'une correction malgré une économie relativement bonne. De plus, je crois que les investisseurs sous-estiment l'atout de détenir des liquidités en portefeuille. La majorité est en général pleinement investie. Les liquidités permettent d'être patient et d'attendre les bonnes occasions. Ces liquidités représentent 25 % de mon portefeuille présentement. Elles ont eu un effet négatif sur ma performance lors du dernier trimestre, mais je crois qu'elles me permettront de saisir les bonnes occasions qui se présenteront.

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Philippe Hynes est président et gestionnaire de portefeuille chez Tonus capital à Montréal. L'actif sous gestion de la firme s'élève à 50 millions de dollars.