Les récits et blogues de familles qui partent à l'aventure pendant plusieurs mois en font rêver plus d'un. Mais comment font-elles pour se payer de tels périples? Ces voyageurs nous ont ouvert leurs livres, pour inspirer ceux qui voudraient les imiter.

Priorité : voyage

Oublier le boulot pour quelques mois, passer du temps en famille et découvrir des contrées exotiques : voilà le projet de Benoit Gagnon et de sa conjointe Marie-Frédérique, qui veulent mettre les voiles dans deux ans, avec leurs deux enfants, qui auront alors 3 et 5 ans.

Comment planifier financièrement une telle aventure ? « Nous aimerions savoir si notre projet est possible et raisonnable, dit Benoit. Nous ne voulons pas perdre nos actifs ni hypothéquer nos finances pour l'avenir. Nous sommes toutefois prêts à faire des sacrifices. »

Pour tenter de répondre aux questions du couple, nous avons consulté des familles qui ont vécu un tel périple, pour connaître leurs secrets.

Vincent Boisvert et sa conjointe Véronique ont bouclé leurs sacs à dos pour un an, et bourlinguent depuis juin dernier en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie avec leurs deux enfants, Camille, 7 ans, et Alexandre, 10 ans.

Pour Laurence Brillon, Michel Sardi et leur progéniture - quatre enfants de 10 à 15 ans - , le périple a duré 10 mois, sur le continent asiatique, en 2011 et 2012.

Bien des voyageurs envient ces familles québécoises, qui se sont payé une sabbatique. Pourtant, ces couples ne sont pas millionnaires. Avant de partir à l'aventure, Vincent et Véronique ont mis des sous de côté pendant cinq ans. Laurence et Michel, de leur côté, ont réhypothéqué leur maison, en plus de puiser dans leurs économies.

Une question de choix

« On nous demande souvent comment on fait pour voyager aussi souvent, nous écrit Vincent Boisvert, par courriel, depuis le Viêtnam. C'est simple : on fait des choix et on planifie. Pas besoin d'être riche pour voyager. Par contre, nous n'avons pas de grosse maison, de voiture récente ou de cinéma-maison, et nous ne sortons presque pas au restaurant. C'est une question de priorités. »

Michel et Laurence donnent une réponse semblable. Enseignants tous les deux, ils ont toujours profité des vacances d'été pour faire de longs voyages avec leurs quatre rejetons. « Mais les enfants portaient des vêtements donnés par des amis, nous-mêmes on s'habille dans les friperies, on n'a pas la télé, et on n'avait pas de cellulaire jusqu'à tout récemment », dit Michel.

Pour pouvoir prolonger leurs aventures, ces familles voyagent en « routards » : elles privilégient les destinations abordables, se déplacent en transports en commun, évitent les grands hôtels et les restaurants pour touristes. L'itinéraire et le budget sont planifiés minutieusement à l'avance, afin de limiter les dépenses.

« On négociait tous les achats, incluant l'hébergement, les transports et les excursions, explique Michel Sardi. On mangeait généralement sur la rue. On a parfois eu de très belles chambres pour 20 $ la nuit. Et on a eu seulement quelques désagréments, comme des souris, des punaises de lit ou de grosses araignées. »

Le budget de 175 $ par jour planifié au départ pour la famille de six a pu être révisé à 145 $ par jour après quelques semaines, en raison des coûts encore moins élevés que prévu.

Martin Brouillard et Sandra Carrier, qui ont voyagé six mois en Asie en 2010 et 2011 avec leurs deux jeunes garçons, ont pour leur part respecté un budget de 100 $ par jour. « Il faut parfois du temps pour trouver une chambre correcte à prix abordable, et les transports locaux, moins chers, sont plus lents. Alors il ne faut pas être pressé », observe Sandra.

Benoit et Marie-Frédérique ont justement l'intention de mettre le cap sur l'Asie.

« Le choix de la destination est très important dans la planification d'un long voyage en famille, souligne Julie Brodeur, coauteure du guide Voyager avec des enfants (Ulysse). Ça dépend aussi du niveau de confort que l'on cherche, et de l'âge des enfants. » En effet, avec des tout-petits, qui font des siestes et ont besoin de surveillance constante, les critères pour le choix d'une chambre sont différents, et les longs trajets en autobus local sont parfois à proscrire.

Quelques exemples de budgets pour un voyage au long cours :

-Véronique, Vincent et leurs deux enfants de 7 et 10 ans.

87 700 $ pour un an.

Afrique du Sud, Namibie, Zambie, Malawi, Tanzanie, Oman, Émirats arabes unis, Népal, Inde, Sri Lanka, Birmanie, Thaïlande, Cambodge, Viêtnam et Chine.

www.voyageenfamille.com

-Laurence, Michel et leurs quatre enfants de 10 à 15 ans.

55 000 $ pour 10 mois.

Chine, Viêtnam, Laos, Cambodge, Thaïlande, Népal, Birmanie, Malaisie, Singapour, Indonésie.

lesyeuxdebrides.blogspot.ca

-Isabelle, Marco et leurs deux filles de 4 et 6 ans.

35 000 $ pour 8 mois. Thaïlande, Népal, Birmanie, Viêtnam, Laos, Cambodge, Chine.

baguettesenlair.blogspot.ca

-Sandra, Martin et leurs deux fils de 7 et 9 ans.

30 000 $ pour 6 mois.

Indonésie, Viêtnam, Cambodge, Thaïlande, Singapour, Malaisie, Népal, Turquie, Espagne.

D'autres sites pour évaluer les coûts :

https://lecoindesvoyageurs.fr/faut-il-attendre-de-gagner-au-loto-pour-faire-le-tour-du-monde-2-combien-ca-coute

https://www.voyagesetenfants.com

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Dépenser autour du monde


Découvrez quelques-unes des dépenses à prévoir quand on part explorer la planète en famille.

À la maison

Pendant que vous usez vos semelles sur les routes du monde, des dépenses continuent de courir à domicile : hypothèque ou loyer, prêt auto, assurances, impôts fonciers, etc.

Plusieurs voyageurs décident de louer leur résidence pendant leur absence, pour couvrir ces frais. Sinon, il faut prévoir le paiement de ces dépenses en votre absence.

À la clinique

Avant de visiter des contrées exotiques, une visite dans une clinique pour voyageurs s'impose. Des vaccins, ou des rappels pour certains vaccins, pourraient être nécessaires. Selon les destinations visitées, on pourrait aussi vous prescrire des médicaments pour prévenir la malaria, ainsi que des antibiotiques à traîner dans la trousse de premiers soins.

Selon les familles voyageuses, la facture peut osciller entre 1200 $ et 3000 $.

L'Amérique latine : abordable

100 $ à 175 $/jour pour une famille de quatre, selon les pays.

Les plus abordables : Nicaragua et Guatemala

Les plus chers : Brésil et Mexique

Quels billets d'avion ?

Devez-vous choisir des billets « tour du monde », des billets ouverts, ou alors acheter vos vols au fur et à mesure ? Tout dépend de votre itinéraire. Pour couvrir plusieurs continents, un billet « tour du monde » peut s'avérer plus économique, mais pas toujours. Des outils en ligne, tels que Trip Planner d'Airtreks, permettent de faire des simulations. Vous épargnerez aussi en évitant les périodes de pointes et en utilisant les transporteurs locaux.

Coûteux frais financiers

Les achats et les retraits à l'étranger, par carte de crédit ou de débit, s'accompagnent de frais qui font gonfler la facture. Chaque retrait aux guichets automatiques des réseaux PLUS ou Cirrus coûte de 3 à 5 $, en plus des frais de l'exploitant local du guichet, qui peuvent aussi atteindre de 3 à 5 $, et de 2,5 % de frais de conversion de devises.

Pour les retraits à l'aide d'une carte de crédit, il faut ajouter 3 à 7,50 $ de frais d'avance de fonds, sauf pour les cartes Visa Desjardins, qui ne facturent aucun frais pour ce service. Un retrait de 500 $ pourrait donc vous coûter entre 23 et 35 $ !

Pour les avances de fonds, le calcul des intérêts commence dès le moment du retrait. Pour éviter ces frais, déposez la somme nécessaire dans votre compte de carte de crédit.

L'Afrique, c'est cher

Au moins 200 $ par jour pour une famille de quatre. « Il y a peu d'infrastructures pour les voyageurs à petit budget. Elles sont plutôt prévues pour les groupes organisés qui voyagent pour aller en safari », dit Vincent Boisvert.

L'Asie : paradis des routards

Pas étonnant que les voyageurs à petit budget affectionnent l'Asie : une famille de quatre personnes peut vivre confortablement pour moins de 100 $ par jour.

Le prix des visas

Certains pays exigent que les voyageurs obtiennent un visa avant leur arrivée. Et les prix varient parfois selon la nationalité des visiteurs, selon l'ambassade où la demande est faite et selon le lieu d'entrée au pays. Par exemple, un visa pour l'Inde depuis le Canada coûte 72 $. Pour la Chine, c'est 50 $. Pour faciliter la tâche aux voyageurs, des agences en ligne offrent leurs services pour certains pays, moyennant des frais supplémentaires.

Si vous dépassez la période allouée par votre visa, vous devrez aussi payer des pénalités en quittant le pays.

Se loger à bas prix

Pour réduire les coûts, les familles voyageuses peuvent envisager la location d'appartements, l'échange de maison, le bénévolat en échange d'un gîte ou le logement chez l'habitant.

D'autres options :

-Auberges de jeunesse : on n'y trouve pas que des dortoirs, mais aussi des chambres individuelles, souvent plus grandes que dans les hôtels. En prime, on a parfois accès à une cuisine commune, une salle de lavage et de bonnes informations sur des activités à prix abordable.

-Couchsurfing : le populaire site, qui permet aux voyageurs de trouver un divan ou un lit où dormir, a une section pour les familles.

-WWOOF : ceux qui sont prêts à mettre la main à la pâte (ou à la terre) peuvent consulter le site de World Wide Opportunities on Organic Farming, pour trouver des fermes qui offrent l'hébergement en échange de votre labeur. Certaines acceptent les familles, mais vérifiez si le type d'hébergement vous convient.

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Mode d'emploi pour un grand voyage à petit budget

Michel Sardi s'est déjà senti un peu ridicule, au Viêtnam, en réalisant qu'il s'obstinait avec un marchand depuis plusieurs minutes pour épargner 50 sous... « Mais 50 cennes par-ci, par-là, ça finit par faire 2 $ par jour, et au bout de 10 mois, ça fait 600 $ ! », souligne-t-il.

Sans compter que la négociation fait partie de la culture dans plusieurs pays, et qu'elle permet de nouer des relations avec les vendeurs, quand elle est pratiquée avec le sourire.

C'est l'une des habitudes que doivent prendre les voyageurs au budget restreint. Voici d'autres trucs, glanés auprès de familles qui ont sillonné le globe - et certains proposés par l'auteure de ces lignes, qui a elle-même parcouru l'Asie pendant six mois avec son conjoint et leurs deux filles de 4 et 6 ans.

Trouver l'argent

D'abord et avant tout, il faut trouver les sous ! Il n'y a pas de solution magique : si votre priorité est de voyager, restreignez vos autres dépenses pour épargner en prévision du départ. Ensuite, plusieurs stratégies existent.

-CELI ou REER. Pourquoi accumuler dans un REER les sommes destinées au voyage ? « Si je fais des retraits de mon REER pendant une année où j'ai très peu de revenus, j'aurai peu d'impôt à payer sur les retraits », observe Nathalie Hotte, planificatrice financière et fiscaliste à la Banque Nationale.

-Congé à traitement différé. C'est l'option choisie par Sandra Carrier, qui travaille en milieu scolaire : elle a reçu 66 % de son salaire pendant trois ans, pour pouvoir s'absenter pendant un an tout en continuant de toucher sa paie. En prévision de son voyage, Benoît Gagnon a déjà demandé un tel traitement : son salaire sera amputé de 10 % pour les cinq prochaines années, ce qui lui permettra de prendre six mois de congé.

-Emprunter. Pour compléter leur épargne, Michel Sardi et Laurence Brillon ont réhypothéqué leur maison. Même si les taux d'intérêt sont plutôt faibles, cette option augmente évidemment le coût final du voyage. « J'ai calculé une fois la somme que nous allons payer en intérêts, et j'ai préféré l'oublier ensuite, blague Michel. C'est sûr qu'on va payer pour notre aventure pendant plusieurs années, mais ça valait le coût. Je le referais demain matin. »

-Travailler. Pour les voyageurs qui voudraient travailler pendant leur périple, dans les pays visités ou pour un employeur canadien, à distance, Nathalie Hotte rappelle que ces revenus doivent être déclarés au Canada.

-Louer sa maison. Les revenus de location, desquels il faut soustraire les dépenses, doivent être déclarés au fisc. Cet intermède n'affecte pas le statut de résidence principale, qui permet de profiter d'une exemption de l'impôt sur le gain en capital au moment de la vente de la propriété : un propriétaire a le droit de louer sa maison pendant quatre ans, tout en continuant de profiter de l'exemption.

-Profiter d'avantages fiscaux. La fiscaliste fait remarquer que la réduction de revenu pendant une année sabbatique peut réduire le taux d'imposition et permettre de recevoir certaines prestations gouvernementales. Selon leur situation et leur revenu, les aspirants voyageurs pourraient voir l'impact d'une absence sur une seule année civile, comparativement à un congé qui chevauche deux années. Nathalie Hotte propose de consulter son taux « réel » d'imposition pour en avoir une idée. Sinon, c'est au retour, en faisant leur déclaration de revenus, que les aventuriers auront la surprise !

Pour consulter les courbes de Claude Laferrière sur le site du Centre québécois de formation en fiscalité : https://www.cqff.com/claude_laferriere/accueil_courbe.htm

Se protéger

Les longues périodes d'absence peuvent cependant affecter la protection offerte par la Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ), comme le savent les snowbirds qui passent leurs hivers dans le Sud. Si vous êtes absents plus de 183 jours au cours de la même année civile, vous pourriez ne plus être couverts par la RAMQ à votre retour. Chaque Québécois a droit à une année d'exemption à cette règle tous les sept ans.

Pour connaître les règles de la RAMQ en cas de séjours à l'étranger : https://www.ramq.gouv.qc.ca/fr/citoyens/sejours-hors-quebec/assurance-maladie/Pages/admissibilite-lors-sejour.aspx

Ceux qui ont une couverture d'assurance santé et d'assurance voyage avec leur employeur pourraient continuer de s'en prévaloir pendant un congé sabbatique, à certaines conditions. Si ce n'est pas le cas, une assurance voyage est évidemment recommandée. Certaines cartes de crédit incluent des couvertures allant jusqu'à deux mois pour leurs détenteurs et leur famille.

Réduire les frais financiers

Sur plusieurs mois, les frais de retrait et de change peuvent représenter une jolie somme.

Retraits au guichet automatique avec carte de débit :

3 à 5 $ de frais de retrait à l'étranger (par les réseaux PLUS ou Cirrus)

+ frais de l'exploitant local du guichet (souvent de 3 à 5 $ supplémentaires)

+ frais de conversion (2,5 %)

Tangerine (ex-ING) ne charge pas de frais de conversion, et seulement 2 $ de frais de retrait à l'étranger

Carte de crédit :

-Achats en devises étrangères :

frais de conversion de 3,5 % (2,5 % de votre institution financière + 1 % de Visa ou MasterCard)

-Retraits au guichet automatique :

3 à 5 $ de frais de retrait à l'étranger (par les réseaux PLUS ou Cirrus)

+ frais de l'exploitant local du guichet (souvent entre 3 et 5 $ supplémentaires)

+ 3 à 7,50 $ de frais d'avance de fonds (sauf pour les cartes Visa Desjardins - aucun frais pour les avances)

+ frais de conversion de 3,5 %

+ le calcul des intérêts commence dès le moment du retrait (pour éviter ces frais : déposez immédiatement la somme nécessaire dans votre compte de carte de crédit)

Un retrait de 500 $ peut coûter entre 23 et 35 $ !

Informez-vous d'éventuelles ententes entre votre institution financière et des banques étrangères, pour réduire les frais de service.

Renseignez-vous à l'aide de l'outil de comparaison de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) : https://itools-ioutils.fcac-acfc.gc.ca/STCV-OSVC/ccst-oscc-fra.aspx

Avertissez aussi votre institution financière de vos projets de voyage, pour éviter que vos cartes soient bloquées en raison de transactions dans des endroits inhabituels.