Chaque dimanche, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Jean-François Girard, chez Desjardins, à Chicoutimi.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse?

Deux indicateurs ont attiré notre attention au début de la semaine. L'ISM non manufacturier, qui mesure la croissance dans le secteur des services, a augmenté à 55,2 points, ce qui témoigne de la vigueur de l'économie américaine. Rappelons qu'un indice de moins de 50 points traduit une contraction de l'activité, alors qu'au-dessus de 50 points, il représente une expansion. Cette donnée est donc excellente par rapport aux attentes, qui étaient de 54,5 points, et par rapport à la dernière publication, qui était de 53,1 points.

À l'opposé, la Chine affiche encore un ralentissement prononcé. L'indice manufacturier HSBC dans ce pays a été de 48,1 points pour le mois d'avril, ce qui constitue une mauvaise performance par rapport aux attentes - qui étaient de 48,4 points - et par rapport à la dernière publication, qui était de 48,3 points. Selon des analystes, des lectures de cet indice entre 48 et 50 points sont en lien avec une expansion du produit intérieur brut de 7,25 à 7,50 %. À notre avis, lorsque l'indice se situe à l'intérieur de cette fourchette, le consommateur est avantagé, car la pression sur l'inflation est habituellement réduite.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement?

L'inflation est l'indicateur qui a le plus d'influence sur notre stratégie de gestion de portefeuille. L'inflation est fortement corrélée aux multiples que les investisseurs sont prêts à payer pour chaque dollar de bénéfice généré par les entreprises. Une inflation faible et stable crée un climat propice à l'expansion du cours-bénéfice des entreprises. Par exemple, l'an dernier, le S & P 500 a augmenté de 460 points.

De cette croissance, l'augmentation des bénéfices représentait 105 points (22,8 %), les dividendes 38 points (8,3 %) et l'augmentation du cours-bénéfice 317 points (68,9 %). Si on ne tenait compte que de la performance économique, le marché américain n'aurait pas enregistré ses meilleurs résultats des 16 dernières années.

L'indice à suivre est l'iShares S & P GSCI (symbole GSG). Cet indice est composé des matières premières de différents secteurs : les métaux industriels, l'agriculture, l'énergie, le bétail et les métaux précieux. L'évolution de ses prix nous donne une bonne idée de la direction que prend l'inflation à l'échelle mondiale.

Pour suivre de près l'évolution de la situation macroéconomique, notre tableau de bord est composé principalement de quatre indicateurs : le taux d'intérêt gouvernemental de cinq ans, le pétrole, les métaux de base et la consommation discrétionnaire. La performance relative de ces indicateurs nous aide à faire notre répartition d'actifs. Ils sont tous reliés et influencés par le S&P GSCI.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Nous continuons de favoriser les actions par rapport aux titres à revenu fixe. Notre scénario de référence repose sur l'amélioration des conditions économiques mondiales, la poursuite du processus de resserrement économique au cours de l'année, le prolongement de politiques monétaires accommodantes dans les pays industrialisés, la normalisation progressive des taux obligataires sur un horizon de 18 à 24 mois en Amérique du Nord, le retour aux cibles d'inflation, une stabilisation du prix des ressources et une solide progression des bénéfices des entreprises.

La répartition d'actifs que nous proposons pour un portefeuille adéquatement diversifié, c'est-à-dire dont le détenteur a un profil d'investissement équilibré et une tolérance moyenne au risque, est donc surpondérée en encaisse et en actions, mais sous-pondérée en titres à revenu fixe.

Le repli du secteur de la consommation discrétionnaire et des technologies offre de belles occasions. L'iShares de consommation discrétionnaire global 1200 (symbole RXI) représente une excellente manière de s'exposer au secteur de la consommation. Il est composé de plus de 150 titres répartis dans le monde.

Pour ce qui est des technologies, les titres liés à l'infonuagique (cloud computing ou informatique en nuage) se négocient à des prix intéressants. Le terme « infonuagique » désigne un réseau de serveurs à distance liés sur l'internet. Ces serveurs sont loués à des entreprises qui peuvent ainsi réduire leurs coûts informatiques et s'ajuster plus facilement. Citrix et EMC sont des exemples de titres que nous détenons et qui ont une bonne rentabilité, une croissance constante des ventes et des flux monétaires libres, en plus d'un excellent bilan.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Dans certaines catégories de titres, notre exposition est limitée. Les titres de certaines sociétés axées sur la croissance se négocient à des cours-bénéfice multiples très élevés. Par exemple, au début du mois de mai, les entreprises de divers secteurs comme 3D Systems, Athena Health, Salesforce.com, LinkedIn et Tesla affichent des cours-bénéfice projetés qui nous rappellent la fin des années 90.

Ces sociétés devront croître fortement pour justifier la prime actuelle demandée pour les détenir. De plus, elles disposent d'une faible marge d'erreur à l'égard des actionnaires actuels.

Sur le plan économique, tant que la Chine croîtra à une vitesse modérée et que l'économie américaine continuera de montrer des signes de vigueur, nous sommes d'avis que les investisseurs devraient profiter de la bonne performance qu'affichent, depuis le début de l'année, les marchés émergents ainsi que les secteurs de l'énergie et des ressources, pour prendre leurs profits et, par la même occasion, sous-pondérer ces titres.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus?

En Chine, l'activité économique s'est raffermie au second semestre de 2013, en raison d'une hausse des investissements. Les investisseurs demeurent préoccupés par deux défis auxquels le gouvernement chinois fait face : d'une part, diminuer la proportion des investissements dans l'économie (environ 50 % du PIB) pour laisser une plus grande place à la consommation (environ 30 % du PIB) ; d'autre part, encadrer les institutions financières. L'impact que la consommation exerce sur le PIB chinois influera grandement sur la capacité du pays à relever ce défi.

À notre avis, les investisseurs sous-estiment le temps qu'il faudra attendre avant que la situation retourne à l'équilibre. Tout comme l'impact négatif qui se produira si on ne réussit pas à stimuler la consommation. Les consommateurs seront les grands gagnants de cette période de restructuration, car le ralentissement des dépenses en investissement aura pour effet de réduire la pression sur l'inflation.

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Jean-François Girard est gestionnaire de portefeuille chez Valeurs mobilières Desjardins à Chicoutimi. Il est membre de l'équipe Girard Thibeault et supervise un actif sous gestion qui s'élève à 420 millions de dollars.