L'investisseur qui reçoit le rapport annuel d'une de ses entreprises devrait porter son attention sur cinq principaux points, selon Eddie Leschiutta, associé de la firme d'experts Deloitte : la profitabilité, la solidité financière, la stratégie de la direction, la politique de dividendes et le niveau de risque.

Mais l'essentiel est introuvable, malgré les longues colonnes de chiffres et toutes les pages de texte. Malgré leur «vidage de données», les rapports annuels de sociétés négligent encore un aspect fondamental pour l'investisseur: sa viabilité à long terme. «Le plus important, c'est de savoir comment l'entreprise crée de la valeur et envisage l'avenir, mais les rapports annuels sont encore tournés sur le passé», déplore l'expert comptable.

«Aujourd'hui, 80 % de l'actif des compagnies du S & P 500 est intangible et 20 % seulement est réel. Les proportions étaient inversées, encore en 1975», rapporte de même Milla Craig, responsable du développement durable pour le Québec chez Deloitte. Un indice boursier, l'Ocean Tomo 300 Patent ou OT300, a d'ailleurs été créé par NYSE Euronext pour suivre les compagnies dont les brevets sont le plus gros actif. (Pour les intéressés, son rendement surpasse celui du S & P 500 par près de 16 %, de janvier 2007 à novembre 2013.)

«Le désastre d'Enron en 2001 a soulevé la question de la transparence dans les rapports financiers. Il y a beaucoup plus d'information sur les risques d'affaires, mais pas encore assez sur la valeur fondamentale de l'entreprise», déplore encore Eddie Leschiutta.

L'information intégrée

Une formule de rapport intégré commence cependant à prendre forme. Elle permet de comprendre tous les risques auxquels fait face l'organisation, valorise la propriété intellectuelle, nomme les opportunités qui se présentent et permet d'avoir une vision globale, ou 360°, des activités de l'entreprise.

Les deux experts de Deloitte, l'un des cabinets de services professionnels les plus importants au Canada, citent le rapport annuel du producteur d'engrais Potash Corp de la Saskatchewan, publié il y a quelques semaines. Celui-ci se démarque en effet par l'accent mis sur la création de valeur et les enjeux environnementaux. Toutes les informations pertinentes sont disponibles dans ce même document. Mieux, elles sont bien mises en valeur, comme pour l'information financière traditionnelle (rendements, endettement, etc.)

En général, l'information intégrée mélange ainsi l'information financière et les stratégies concernant le capital humain, le développement durable, l'environnement ou la gouvernance. Avec le rapport intégré, on comprend mieux comment l'entreprise compte créer de la valeur à court, moyen et long terme. La multinationale SAP, par exemple, a établi qu'en diminuant de 1 % le roulement de son personnel, elle pouvait économiser 72 millions d'euros, rapporte Milla Craig.

Cette approche, déjà en vogue en Europe, gagne aussi des adeptes aux États-Unis chez des géants comme Coca-Cola, Unilever ou Microsoft. Une centaine d'entreprises dans le monde participent à un projet pilote mené par l'International Integrated Reporting Council (IIRC). La matière est déjà à l'examen de l'ACCA, une organisation internationale de comptables agréés.

Au Canada, la compagnie minière Teck Corp et la coopérative financière Vancity, toutes deux de Vancouver, participent notamment au projet pilote de l'IIRC. Des entreprises du Québec, comme Cascades, cherchent également à communiquer de façon claire et pertinente comment elles utilisent leurs ressources pour créer de la valeur, rapporte Mme Craig, qui travaillait jusqu'à récemment dans le marché des capitaux.

«Le but ultime est de mieux informer les investisseurs, conclut la responsable du développement durable pour le Québec chez Deloitte. Ils apprécient le rapport intégré pour sa clarté sur les questions les plus importantes de l'organisation.»

Pour lire le dernier rapport intégré de Potash: https://www.potashcorp.com/irc/overview