« Je suis sur le point d'acheter une maison avec mon conjoint », confie Catherine.

Catherine et Julien habitent actuellement un logement de trois pièces avec leur bébé de 9 mois. « Nous payons un loyer modeste de 545 $ par mois pour notre logement, indique la femme de 28 ans. Le manque d'espace fait en sorte que notre fille doit dormir dans notre chambre. Nous avions le choix entre trouver un logement plus grand à partir du 1er juillet 2014 et acheter une maison. Nous avons décidé d'acheter une maison. »

Leur offre de 290 000 $ a été acceptée et la transaction sera conclue devant notaire à la mi-mai.

« Lorsque nous avons fait l'offre d'achat sur notre maison, mon conjoint, qui est Français, n'était pas résident permanent, et pour obtenir le financement hypothécaire, la banque nous a demandé de mettre une mise de fonds de 10 % », informe Catherine.

Pour réunir ces 29 000 $, Catherine retirera 14 500 $ de ses REER et Julien contribuera à hauteur de la même somme avec ses épargnes.

« Serons-nous capables de payer l'hypothèque, ainsi que tous les frais qui y sont rattachés (taxes municipales, frais d'entretien, etc.), tout en remboursant notre prêt RAP, ainsi que mes dettes d'études ? », s'inquiète cependant la future propriétaire.

Il aurait mieux valu poser la question avant de déposer l'offre, mais nous allons tenter de la rassurer.

En fait, elle trace le programme des 10 prochaines années.

« Nous voulons continuer d'économiser pour la retraite : combien devrions-nous mettre de côté pour avoir une retraite décente ? Nous aimerions avoir un fonds d'urgence en cas d'imprévu, et continuer d'épargner dans le REEE de notre fille. Nous aimerions aller en Europe une fois par année pour aller visiter la famille - il est important pour mon conjoint que les enfants connaissent leurs racines françaises. De plus, nous aimerions épargner pour nous marier dans les prochaines années et avoir un second enfant d'ici deux ans. Est-ce réaliste ? »

Catherine a terminé ses études en 2011 avec des dettes de 21 000 $. Elle touche depuis lors un salaire annuel de 50 000 $. Pour son travail, elle s'est procuré une voiture d'occasion de 15 000 $, avec un prêt amorti sur deux ans. L'emprunt est maintenant remboursé, et elle a réussi à réduire le solde de son prêt étudiant à 7300 $.

Julien achèvera ses études doctorales en janvier prochain. Pour l'instant, il touche un revenu net de 30 000 $. Il sera engagé en mai prochain, pour un salaire annuel de 60 000 $ appelé à croître à raison de 5 % par année pendant les cinq années suivantes.

« Concernant le mariage que nous aimerions célébrer, devrions-nous emprunter de l'argent ou économiser de l'argent et nous marier par la suite ?, s'enquiert enfin Catherine. Selon vous, dans combien d'années aurons-nous suffisamment d'argent pour nous marier ? »

Portrait

Catherine, 28 ans

En congé de maternité

Retour au travail : fin avril

Salaire : 50 000 $

REER : 14 500 $

CELI : 2500 $

Solde de la dette d'études : 7300 $

Julien, 27 ans

Doctorant

Revenu annuel actuel (bourses) : 30 000 $ net

Salaire prévu en mai 2014 : 60 000 $

Épargnes : 14 000 $

Loyer actuel : 545 $ par mois

Future maison

Prise de possession : juin 2014

Prix d'achat : 290 000 $

Mise de fonds : 29 000 $

Taux d'intérêt : 3,19 %, terme de 5 ans

REEE pour Alice (9 mois) : 4000 $

Perspective : Mariage en blanc ou chèque en blanc ?

Un mariage cher à leur coeur et à leur portefeuille.

Catherine et Julien prévoient un budget de 20 000 $ pour leurs noces. Ce budget est loin d'être exceptionnel.

« Le coût prévu pour un mariage au Québec en 2013 était de 21 283 $ », informe Pascale Jacquin, rédactrice en chef du magazine Mariage Québec, qui effectue un sondage annuel sur le sujet. Ce coût inclut le coût de la lune de miel, qui varie de 3500 à 5000 $. « Le montant est en hausse de 13 % depuis 2010 et de 20 % depuis 2008 », précise-t-elle.

Cher ? Tout dépend à quoi et à qui on compare. « Le montant est plutôt de 37 966 $ en Ontario », ajoute Mme Jacquin.

Une seconde opinion ?

Selon un sondage mené en mai 2013 pour le compte de BMO Banque de Montréal, les futurs mariés canadiens prévoient dépenser en moyenne 14 281 $ (on ne sait pas si la lune de miel est incluse).

Plus intéressant, le sondage de BMO nous informe sur la manière dont le mariage est financé.

En moyenne, les heureux mariés (ou supposés tels) paieront 53 % de la noce avec leurs épargnes, s'appuieront sur leurs parents pour 19 % du coût et récolteront 10 % auprès des invités. Ils prévoient que la marge de crédit supportera 9 % du coût de la noce et qu'une part de 6 % sera portée sur la carte de crédit.

Sur un coût moyen de 14 280 $, une somme de 2140 $ sera donc empruntée.

Les couples comptent de plus en plus sur le crédit pour couvrir les dépenses de leur mariage : 5 % des coûts de la noce chez les couples mariés depuis plus de 5 ans, 11 % chez ceux mariés depuis moins de 5 ans, 15 % chez les futurs mariés.

Un projet spécial... comme les autres

Pour Lisanne Blanchette, avocate et conseillère budgétaire chez Option consommateurs, un projet de mariage est un projet comme tous les autres - voyage, voiture, rénovation - et doit être planifié avec autant de soin et de précautions. « Le mariage, pour moi, est un produit de consommation, dit-elle. Il faut le prévoir et le magasiner. »

Les vendeurs de rêves matrimoniaux le savent très bien, d'ailleurs. « Le mariage, c'est un peu comme avoir un bébé, souligne l'avocate. Dès qu'on écrit sur Facebook qu'on va se marier, soudainement des publicités ciblées apparaissent. »

Elle comprend qu'il s'agit d'un projet fortement émotif, où la planification semble contrevenir à la spontanéité des sentiments. Le mariage aura souvent lieu moins de deux ans après la décision de convoler, ce qui laisse peu de temps pour épargner les montants nécessaires. Ce sont généralement les imprévus de dernière minute - la cerise sur le gâteau de noce - qui seront portés sur le crédit. « Par contre, mettre les grosses dépenses sur les cartes ou la marge de crédit, ce n'est pas souhaitable », insiste-t-elle.

Chaque chose en son temps

« Souvent, les gens s'achètent une maison, se marient, puis ont un bébé, dans cet ordre, observe Mme Blanchette. Or, ce sont tous des événements qui jouent beaucoup sur le budget. Si le mariage a été payé à crédit, il va simplement alourdir le fardeau du couple. »

En commençant avec un bébé, Catherine et Julien ont interverti cet ordre, mais il demeure que ces coûteux chambardements se concentrent sur une courte période.

L'urgence ou l'anticipation sont-elles si importantes que le couple ne puisse repousser son mariage pour épargner les 20 000 $ nécessaires ?

Maryse Filion, directrice régionale principale, planification financière, chez Gestion de patrimoine TD, a vérifié l'hypothèse de l'emprunt. Le couple n'a pour l'instant aucun actif pour garantir une marge de crédit. Il faudrait donc demander un prêt personnel, à un taux variable approximatif de 5,25 %. Avec un amortissement sur 5 ans, la mensualité s'établirait à 379 $. « C'est presque l'achat d'une nouvelle voiture ! », fait-elle valoir.

Or, le couple souhaite avoir un deuxième enfant. « Catherine va subir encore une fois une diminution de revenu. Dans ces conditions, soutenir une mensualité de 380 $ pourrait être difficile. »

Heureusement, le salaire de Julien est appelé à atteindre 85 000 $ dans 5 ans. « Un budget avec un salaire à 60 000 $ et un salaire à 85 000 $, c'est le jour et la nuit, observe-t-elle. Dans leur situation, je recommanderais de simplement reporter leur mariage dans le temps. »

D'ici là, avec un ou deux enfants, ils ne verront pas ce temps passer.

Bébé, maison, mariage, bébé...

Tout se bouscule. Les revenus jouent aux montagnes russes, les dépenses deviennent himalayennes, et on se demande si les vallées des uns vont correspondre aux sommets des autres.

Ça s'appelle fonder un foyer.

Julien et Catherine pourront-ils faire face à leurs obligations, s'inquiète cette dernière, avec un peu de retard sur les événements ?

Maryse Filion, directrice régionale principale, planification financière, chez Gestion de patrimoine TD, s'est employée à la rassurer, un point à la fois.

Les revenus

D'abord, les revenus. Maryse Filion s'appuie sur les salaires que toucheront les deux conjoints en mai, lorsque Catherine aura repris le travail et que Julien aura été embauché. Ensemble, estime-t-elle, ils gagneront un revenu après impôts de 6950 $ par mois.

Les frais de logement

À hauteur de 90 % du prix d'achat, l'emprunt hypothécaire doit être assuré par la SCHL, ce qui ajoute 5220 $ à la créance. Avec un taux d'intérêt fixe de 3,19 %, la mensualité de l'emprunt de 266 220 $ s'élève à 1285 $, calcule Mme Filion.

Pour verser la mise de fonds de 29 000 $, Catherine retirera 14 500 $ de ses REER grâce au RAP, tandis que Julien ajoutera la même somme avec ses épargnes. Rappelons au passage que l'argent doit avoir séjourné un minimum de 90 jours dans le REER avant un retrait RAP. Pour Catherine, ce délai est respecté.

Le couple doit toutefois prévoir une réserve pour payer les « frais de fermeture » - frais de notaire, droits de mutation, etc. « On a besoin de 1,5 % du montant de l'hypothèque », indique la planificatrice. Il faut donc dénicher près de 4000 $.

Maryse Filion suppose que les 2500 $ du CELI de Catherine pourront y être employés. Reste 1500 $ à trouver.

Catherine prévoit toucher un remboursement d'impôt de 5000 $, mais la planificatrice préférerait en conserver la plus grande part pour les imprévus (tout à fait prévisibles) qui surviendront inévitablement dans la vie des nouveaux propriétaires.

La solution tombe du ciel (numérique) pendant notre conversation, sous la forme d'un opportun courriel de Catherine. « Je voulais vous informer que nous avons finalisé nos déclarations de revenus, et nous allons recevoir 8500 $, avec les crédits d'impôt pour frais de scolarité que mon conjoint m'a transférés ! », écrit Catherine.

Maryse Filion utilise immédiatement cette manne à bon escient. Une fois soustraits les 1500 $ nécessaires aux frais de fermeture, il reste encore quelque 7000 $.

« Je ne conseillerais pas de rembourser son prêt d'études avec cette somme, avise-t-elle. On entre dans une nouvelle maison, et on a besoin d'avoir un petit coussin pour l'aménagement de la maison et du terrain. Je réserve aussi au moins 1000 $ pour les nouveaux vêtements de Julien et 2500 $ pour le voyage de cette année. » Les 3500 $ restants serviront de fonds d'urgence.

RAP 

Le retrait RAP doit être remboursé au taux minimal de 1/15e du retrait par année. Pour un retrait de 14 500 $, nous parlons donc d'un remboursement annuel de 966 $ par année. Maryse Filion le porte à 100 $ par mois.

REEE 

« Ils auraient la capacité de mettre un minimum de 50 $ par mois dans le REEE de leur enfant », soutient notre experte.

Avec un rendement de 5 %, le couple accumulerait ainsi 19 000 $, en comptant la subvention fédérale. « Cette somme pourrait être augmentée au fil des augmentations de salaire du père, à 75 $ par mois l'an prochain et à 100 $ l'année suivante », ajoute-t-elle.

REER 

Maryse Filion consacre 300 $ par mois aux REER des deux conjoints.

« Je préfère toujours commencer avec une cotisation plus petite avec laquelle ils vont être capables de vivre, explique-t-elle. Ils ont besoin de temps pour s'habituer à leur nouvelle situation budgétaire. »

Dès que cette situation se sera consolidée, leur épargne REER devra s'accroître graduellement pour atteindre l'idéal de 10 % du revenu brut, en tenant compte du fait que Catherine bénéficie d'un régime de retraite complémentaire.

Voyages

La planificatrice accorde au couple les 200 $ dont ils ont besoin pour leur voyage annuel en France. « C'est un poste qui est important pour eux, que je mettais en priorité, et qui est facilement réalisable », dit-elle.

En somme...

En y incluant l'estimation de dépenses fournie par le couple, ce programme totaliserait près de 5400 $ par mois. Le budget dégage ainsi un confortable surplus. Mais ces dépenses sont-elles réalistes ? Quelles seront les surprises de la possession d'une propriété ? « Leur budget est très sobre, commente Maryse Filion. Ils n'ont prévu que 600 $ d'épicerie par mois, ce n'est pas beaucoup. »

Un deuxième enfant est planifié, ce qui réduira (temporairement) les revenus et accroîtra (durablement) les dépenses. Mieux vaut être plus prudent au départ et s'ajuster ensuite. Entre-temps, tout surplus budgétaire servira à épaissir le coussin financier fourni par le remboursement d'impôt et à solidifier le fonds d'urgence.

Tout va bien, donc !

Mais avec ce scénario, ils ne sont toujours pas mariés...