Enseignante au primaire depuis 17 ans, Diane compte huit bonnes années avant sa retraite. « J'espère pouvoir faire 25 ans d'enseignement pour toucher une rente équivalant à 50 % de mon salaire à ma retraite », anticipe-t-elle. Ce qui lui apparaît insuffisant.

Devant ce constat, Diane a choisi d'investir dans l'immobilier. En 2007, elle a fait l'acquisition d'un duplex de 365 000 $ sur la Rive-Sud de Montréal. Depuis deux ans cependant, elle peine à joindre les deux bouts. « Je trouve que mon duplex est devenu tellement lourd à supporter financièrement ! Le coût de la vie augmente, alors que les salaires ne bougent à peu près pas », se désole-t-elle.

En tant que propriétaire occupante, Diane profite pourtant d'un loyer avantageux de 1400 $ par mois. « Mon réel casse-tête est le suivant : comme le loyer perçu s'ajoute à mon revenu et qu'il n'y a pas d'impôt à la source retiré sur cette somme, je suis obligée de réinvestir une bonne partie de cette somme dans la maison ou dans un REER afin d'éviter de verser de l'impôt. Chaque année, j'essaie de trouver le bon calcul. J'y arrive, mais il ne me reste plus d'argent après avoir payé mes comptes et la maison. Je suis en mode survie. Je ne sors plus, je ne voyage plus », confie-t-elle.

Et c'est sans compter les contrariétés liées à la location de l'appartement, ajoute Diane. « Il y a toujours des problèmes à régler. Tout est à recommencer et à rafraîchir tous les deux ans puisque mes locataires ne restent jamais plus longtemps. J'ai de plus en plus de difficultés à louer à un prix aussi élevé. »

Le mois dernier, Diane a donc mis son duplex à vendre. Lasse de devoir affronter le trafic chaque matin, l'enseignante souhaite se rapprocher de son lieu de travail en s'achetant un condo d'environ 300 000 $ à Montréal. Un évaluateur agréé a estimé que son duplex valait 500 000 $ à ce jour.

« J'aspire à une plus grande tranquillité d'esprit. J'ai l'impression que je serais plus en contrôle de mes affaires et que j'arriverais à mettre beaucoup plus que 2400 $ en REER par année », considère Diane qui projetterait de vivre dans son condo au moment de sa retraite.

Vendre ou ne pas vendre ? Diane s'interroge : son capital prendra-t-il davantage de valeur dans son duplex de la Rive-Sud ou dans un condo situé à Montréal ? Quel immeuble serait le plus profitable pour sa retraite ?

PORTRAIT

Diane, 56 ans

Enseignante au primaire

Salaire : 74 000 $

Revenu net mensuel : 3000 $

Loyer mensuel (revenu) : 1400 $

REER : 100 000 $

CELI : 3000 $

RREGOP (fonds de pension des employés du gouvernement) : 36 000 $

-Duplex payé 365 000 $ en 2007

Valeur actuelle : environ 500 000 $

Solde hypothécaire : 270 000 $ à 2,65 % de taux d'intérêt

-Marge de crédit à un taux d'intérêt de 6,4 % : 7000 $

-Principales dépenses mensuelles :

Hypothèque : 1700 $

Voiture louée : 360 $

Assurances, maison et voiture : 330 $

Essence : 125 $

Électricité : 150 $

Câble, téléphone, internet : 150 $

Cellulaire : 45 $

Nourriture : 500 $

Coiffure : 100 $

Restos, sorties, alcool : 100 $

Entretien ménager : 100 $

Épargne : 200 $ (cotisation au REER)

Remboursement des dettes et intérêts : 300 $

Total : 4160 $

SOLUTION : L'inquiétant calcul de la retraite

En tant qu'enseignante, Diane a l'avantage de pouvoir compter sur le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics (RREGOP).

Après 25 ans d'enseignement, Diane évalue qu'elle recevra 50 % de son salaire. Or, ce ne sera le cas que pour l'année de ses 64 ans, avise Sophie Labonne, conseillère principale, investissement et planification de retraite à la Banque Nationale. Diane devra tenir compte qu'à partir de 65 ans, sa rente du RREGOP sera coordonnée avec la rente de la RRQ, tel que c'est prévu par la loi. Cette coordination entraîne une diminution de 8722 $, ce qui fait passer sa rente à vie de 36 000 $ à 27 278 $, soit 36,9 % de son salaire actuel.

La somme perdue sera compensée par une rente de la RRQ d'environ 11 400 $ à compter de 65 ans. « Nous lui conseillons de prendre la rente de la RRQ à partir de cet âge pour éviter les pénalités imposées à ceux qui prennent leur rente avant 65 ans, ajoute la conseillère qui a examiné le cas de Diane avec l'aide de son collègue Yves Breton, conseiller senior et planificateur financier à la Banque Nationale. S'ajoutent à la rente de la RRQ, sa rente de la pension de la sécurité de la vieillesse et son FERR qui l'aideront à se rapprocher du revenu qu'elle souhaite obtenir à la retraite ».

Un duplex et ses responsabilités

Ce qui nous ramène à l'interrogation de Diane : quel immeuble devrait-elle privilégier en prévision de sa retraite ? La question doit être examinée sous l'aspect tant financier qu'humain, estime Sophie Labonne.

« D'un point de vue strictement financier, Diane aurait plus de revenus au moment de sa retraite si elle gardait le duplex, mais est-ce bien sa volonté ? D'après son témoignage, le stress inhérent aux locataires instables, aux travaux pour maintenir la valeur de l'immeuble et au budget serré l'accable. Est-ce qu'elle veut garder ce style de vie à la retraite ? »

Si elle décidait de garder son duplex, Diane serait obligée de limiter ses dépenses jusqu'à ce qu'elle termine le remboursement de son prêt hypothécaire. De 2022 (année de sa retraite) à 2029, la courbe de ses revenus serait alors inférieure à la courbe de ses dépenses puisqu'elle verrait son salaire annuel passer de 74 000 $ brut à 45 000 $ brut. En 2029, cependant, Diane verrait son revenu net annuel bonifié de 12 000 $ par année, calculent les experts de la Banque Nationale. « L'échéance de 2029 risque toutefois d'être repoussée à une année ultérieure si Diane devait mettre encore plusieurs dizaines de milliers de dollars à rénover son duplex et qu'elle devait réemprunter », avise Sophie Labonne.

Un condo et une discipline d'épargne

Si toutefois Diane vendait son duplex pour acheter un condo, elle serait contrainte de s'imposer une rigoureuse discipline d'épargne.

Pour les besoins de leur analyse, Sophie Labonne et Yves Breton ont simulé la vente du duplex à 500 000 $ pour acheter un condo à 300 000 $. Pour ce faire, ils ont remboursé le prêt (270 000 $), payé la pénalité hypothécaire (3000 $) et les frais de notaire (environ 2000 $). Avec une mise de fonds de 184 000 $, ils ont pris un nouveau prêt hypothécaire de 116 000 $ à un taux non négocié de 5 % sur 5 ans et un amortissement de 15 ans.

Le paiement hypothécaire mensuel de Diane passe alors d'environ 1700 $ à 900 $, auxquels s'ajoutent des frais de condo d'environ 200 $. « Avec ce choix, Diane dégagera un excédent de 600 $ par mois (7200 $ par année) qu'elle devra absolument mettre de côté si elle veut combler l'écart entre ses revenus de rente et ses objectifs de retraite.

Elle devra d'abord combler l'espace REER inutilisé et maximiser ses cotisations chaque année, maximiser son CELI ensuite, puis épargner sous forme d'investissements non enregistrés », recommande Mme Labonne. Dans ce scénario, Diane devra continuer à se serrer la ceinture, mais en vue de l'épargne-retraite et non plus du remboursement des dettes, souligne-t-elle.

Les planificateurs financiers Sophie Labonne et Yves Breton estiment qu'à un taux de rendement de 4 % sur une période de 8 ans, Diane pourra avoir accumulé des actifs totaux d'environ 220 000 $ en tenant compte des 103 000 $ détenus actuellement en REER et CELI.

PERSPECTIVE : Les risques de la concentration d'actifs

À l'approche de la retraite, la propriété constitue bien souvent l'un des actifs les plus importants du patrimoine personnel. Le bien immobilier devrait toutefois être l'un parmi plusieurs éléments d'actifs d'un portefeuille diversifié, prévient Sophie Labonne. « Au même titre qu'il est risqué de mettre tous ses avoirs dans un seul secteur de l'économie, il m'apparaît spéculatif de concentrer tous ses avoirs en actifs immobiliers. Le marché de l'immobilier est beaucoup moins «liquide» que plusieurs autres titres et implique souvent des frais importants comme des pénalités et des frais de notaire. »

Selon François Des Rosiers, professeur au département de finance, assurances et immobilier de l'Université Laval, le marché immobilier demeure cyclique et relativement risqué. « Un investisseur averti réagit rapidement au marché en achetant lorsque les prix sont au plus bas et en vendant lorsque les prix sont au plus haut. Or, il est difficile de prévoir si le marché sera haussier ou baissier au moment de sa retraite. Il y a toujours une part de risque dans l'immobilier », affirme-t-il.

Un engagement sérieux

Plusieurs considérations doivent être prises en compte par les propriétaires à l'approche de la retraite. « Le propriétaire occupant devra se poser la question suivante : est-ce que ma propriété convient bien à mes besoins à l'approche de la retraite et à la retraite ? Il devra évaluer dans quel milieu il veut vivre, sonder ses besoins et s'assurer que son actif ne perdra pas de valeur », énonce M. Des Rosiers.

Le propriétaire investisseur devra pour sa part s'assurer que le revenu des loyers permettra de rentabiliser son investissement, tout en lui assurant d'avoir l'argent nécessaire pour effectuer l'entretien régulier de son immeuble et, le cas échéant, les travaux majeurs requis. La rentabilité d'un immeuble se joue en bonne partie au moment de l'acquisition, soutient M. Des Rosiers. « Dans les secteurs centraux de Montréal et de Québec notamment, on a un vu un nombre important d'investisseurs payer trop cher pour leur immeuble par rapport au niveau des loyers qui ne peuvent pas être augmentés de manière inopinée en raison des normes établies par la Régie du logement », observe M. Des Rosiers.

Être propriétaire foncier représente un engagement sérieux, insiste Sophie Labonne. « L'engagement de l'investisseur auprès de ses portefeuilles de placement se résume à les suivre, à lire sur le sujet et à réviser sa répartition d'actifs une fois l'an. Le portefeuille immobilier représente un engagement beaucoup plus important, qui exige qu'on déploie de l'effort, de l'énergie et des ressources. C'est là que reposent les vraies questions que devrait se poser tout investisseur intéressé par l'immobilier », conclut-elle.