De nombreux retraités québécois ont profité de la crise immobilière chez nos voisins du Sud pour acquérir un condo en Floride à prix dérisoire, au cours des dernières années. Même si la valeur des propriétés a bondi de 30 % depuis le creux de 2011, il n'est pas trop tard pour ceux qui rêvent d'une retraite au soleil.

Liquidation chez l'Oncle Sam

Guy Dubreuil a tracé sa feuille de route pour les prochaines années, et l'aiguille de sa boussole pointe résolument vers le Sud : il projette l'achat d'un condo en Floride. « Je voudrais le mettre en location pendant quatre ans, pour ensuite m'installer là-bas six mois par année, en prenant ma retraite », explique le Lavallois amateur de golf et de moto.

Mais reste-t-il encore de bonnes affaires chez l'Oncle Sam, maintenant que les prix de l'immobilier sont en hausse et que le dollar canadien fléchit? se demande-t-il.

Au cours des dernières années, la dégringolade des prix de l'immobilier, partout aux États-Unis et particulièrement dans le Sunshine State, conjuguée à un huard vigoureux, a permis à de nombreux Québécois de rafler une propriété sous les palmiers pour une bouchée de pain. La dolce vita sous des cieux plus cléments n'était désormais plus l'apanage des riches.

« L'an dernier, on pouvait trouver des condos pour moins de 30 000 $ qui valaient 100 000 $ quelques années auparavant, souligne Yves Beauchamp, agent immobilier et propriétaire du journal Le Soleil de la Floride. La moitié des gens qui ont acheté au cours des dernières années n'auraient pas eu les moyens d'acheter avant la crise. »

Dans le parcours en montagnes russes qui secoue le prix des propriétés américaines depuis quelques années, la Floride occupe le wagon de tête. C'est dans cet État que les prix ont grimpé le plus vite et le plus haut, au milieu des années 2000, pour ensuite plonger de façon vertigineuse, en 2011. Puis, le manège a repris son élan : la valeur des propriétés est maintenant repartie à la hausse.

« La Floride a été plus touchée que tous les autres États par la bulle immobilière, explique Francis Généreux, économiste pour Desjardins. Les prix ont triplé entre 2000 et 2006. La chute a donc été plus brutale qu'ailleurs aux États-Unis. »

Un grand nombre de propriétaires se sont retrouvés en difficulté, et la Floride s'est transformée en immense « liquidation ». Les acheteurs de partout dans le monde se sont précipités pour mettre la main sur les meilleures aubaines, dont un grand nombre de Canadiens.

C'est d'ailleurs ce qui a stimulé la reprise du marché immobilier. « Des propriétés se vendent au-dessus du prix demandé, parce qu'il y a parfois des offres multiples sur la même propriété », raconte Jean Feuillet, agent immobilier dans la région de Fort Lauderdale.

Les meilleures aubaines sont sans doute passées. Le dollar canadien en baisse contribue aussi à augmenter le coût d'achat : pour une propriété de 150 000 $, la variation de notre devise représente une dépense supplémentaire de 14 250 $ comparativement à 2012.

Des trésors à trouver

Doit-on conclure que le train est passé et que ceux qui sont restés sur le quai n'ont qu'à rester chez eux, dans le froid ? Pas nécessairement.

« Vous ne tomberez peut-être pas sur l'aubaine du siècle, les occasions en or sont un peu plus difficiles à dénicher, mais il y en a encore, dit Yves Beauchamp. Même si les prix ont augmenté, il y a encore de bonnes occasions. »

« Malgré la baisse du dollar canadien, les acheteurs savent qu'ils font quand même une bonne affaire, ajoute Jean Feuillet. Un condo construit dans les années 80 qui se vendait alors 100 000 $ se vend maintenant 120 000 $. Avec l'inflation, c'est comme s'il coûtait 40 000 $ en dollars de 1980. »

La valeur des propriétés continuera d'augmenter, mais à un rythme plus lent. « On ne s'attend pas à revenir aux mêmes prix qu'avant la crise avant plusieurs années », précise Francis Généreux. Quant au dollar canadien, les experts ne s'attendent pas à d'importantes fluctuations de sa valeur dans les mois à venir.

« Les Québécois qui achètent pour en profiter eux-mêmes pendant plusieurs années et non pour investir ne devraient pas avoir de craintes. L'important, c'est de payer un prix qui convient à leur budget, souligne M. Généreux. Mais ceux qui achètent en pensant faire un coup d'argent prennent peut-être des risques. »

Il souligne notamment que le marché immobilier de la Floride est encore aux prises avec un grand nombre de maisons saisies par les banques, et que le tiers des hypothèques sont supérieures à la valeur de la propriété ; les propriétaires qui vendent n'obtiennent donc pas un prix suffisant pour rembourser leur hypothèque.

Jean Feuillet met en garde les acheteurs qui pourraient se laisse tenter par des condos annoncés à des prix dérisoires, notamment ceux qui sont vendus par les banques : ils sont peut-être en mauvais état, ou situés dans des secteurs peu recommandables. « Les très bas prix ont attiré d'autres types d'acheteurs, la démographie a changé dans certains quartiers, et ce n'est peut-être pas ce que les snowbirds québécois recherchent », dit-il.

Sylvie Champagne, une Montréalaise qui a acheté un premier condo dans la région de Fort Lauderdale en 2006, observe que les secteurs prisés des Québécois sont quelque peu protégés des sursauts du marché immobilier. « Les critères de ces acheteurs ne sont pas les mêmes que ceux des acheteurs traditionnels, souligne-t-elle. Bien des retraités québécois recherchent des complexes immobiliers où ils pourront parler français, ce qui soutient la demande dans ces secteurs. »

Endroits préférés des acheteurs canadiens :

Naples-Marco Island : 13 %

Cape Coral-Fort Myers : 12 %

Orlando-Kissimmee : 12 %

Brandenton-Sarasota-Venice : 10 %

Fort Lauderdale : 8 %

Tampa- Saint Petersburg-Clearwater : 8 %

Palm Beach : 6 %

Les choix de Sylvie

Après quelques séjours en Floride en camping et à l'hôtel, au fil des années, Sylvie Champagne et son conjoint se sont laissé tenter par un premier condo, qu'ils ont acheté en 2006. Puis un deuxième, trois ans plus tard... Puis un troisième, il y a un an !

Voici les raisons qui ont motivé leurs choix : 

1er achat, avril 2006 - 70 000 $

Margate, au nord de Fort Lauderdale, à 30 minutes de l'océan.

Condo d'une chambre à coucher, dans un complexe prisé des Québécois.

Ils ont acheté alors que les prix étaient à leur sommet.

« On a été mis en contact avec le propriétaire par une connaissance et on a payé un prix qu'on trouvait juste à ce moment-là et qui convenait à notre budget », explique Sylvie.

2e achat, décembre 2009 - 105 000  $

Dans le même complexe immobilier que le premier.

Deux chambres à coucher et deux salles de bains.

L'endroit a nécessité des rénovations de 12 000 $.

À ce moment, les prix ont commencé à baisser, mais sont loin d'être à leur plus bas.

« On voulait plus de place pour pouvoir recevoir la famille et les amis, et pour y passer plus de temps, en travaillant à distance », dit Sylvie.

Le premier condo a été mis en location.

3e achat, janvier 2013 - 320 000 $

Boca Raton, un peu plus au nord, en face de l'océan

Deux chambres à coucher, trois salles de bains, piscine, gymnase, spa, stationnement souterrain.

« On voulait se rapprocher de l'océan et avoir encore plus d'espace, confie Sylvie. On n'aurait jamais pu se payer une telle propriété quelques années avant, alors que les prix étaient plutôt autour de 600 000 $. Notre achat a déjà pris de la valeur depuis l'an dernier puisqu'il s'agit d'un secteur assez recherché. »

Les deux autres condos sont loués avec un léger profit.

« On les vendra sans doute quand les prix auront augmenté, mais on n'est pas pressés », souligne Sylvie.

Mode d'emploi pour un achat sans soucis

Voici 10 éléments à prendre en considération avant d'acheter en Floride.

1. Les frais de transaction peuvent atteindre 2000 ou 3000 $. Les futurs propriétaires doivent parfois, selon les comtés, payer pour l'examen des titres, l'obtention d'une assurance titres et l'inspection. Par contre, c'est le vendeur qui paie les droits de mutation immobilière (7 $ par tranche de 1000 $ du prix de vente).

2. Un prêt hypothécaire d'une banque américaine sera assorti d'une taxe d'enregistrement de 0,35 $ pour chaque tranche de 100 $ d'emprunt. Le processus peut être long et difficile, ce qui incite la majorité des snowbirds à payer leur achat comptant, souvent en réhypothéquant leur propriété au Canada. Il est alors plus facile de négocier au moment de l'achat.

3. Si vous craignez les fluctuations du taux de change entre le dépôt de votre offre et la conclusion de la vente, vous pouvez convertir les sommes nécessaires à votre achat à l'avance. Des sociétés de change permettent aussi de bloquer un taux d'intérêt favorable plusieurs mois d'avance et de réduire les frais de transfert de fonds.

4. Une entrevue avec l'association des copropriétaires est souvent exigée pour que la transaction soit approuvée, et pour que vous soyez informé des règles à respecter. On demande aussi une enquête de crédit et une enquête criminelle. Ces démarches peuvent prendre environ un mois.

5. Les charges de copropriété ont grimpé dans certains secteurs touchés par la crise de l'immobilier, parce que des copropriétaires en difficulté financière n'ont pas pu payer leur part. Les autres copropriétaires ont dû éponger la facture. L'entretien de certains immeubles peut aussi avoir souffert des problèmes financiers des associations de copropriétaires. Ces problèmes sont généralement moins importants dans les complexes destinés aux 55 ans et plus, qui ont moins souffert de la crise. N'oubliez pas que, si les prix de vente ont baissé, les charges de copropriété n'ont pas nécessairement suivi la même tendance.

6. Les taxes municipales sont généralement moins élevées pour un résident permanent de la Floride que pour un étranger qui a sa résidence principale ailleurs, en raison des mesures adoptées pour éviter les hausses démesurées de l'impôt foncier au moment de la bulle immobilière. Faites vos calculs en conséquence.

7. Les assurances coûtent beaucoup plus cher depuis les ouragans des années 2004-2005. Des assureurs refusent de couvrir certains secteurs, ce qui oblige les propriétaires à se tourner vers l'assureur de dernier recours mis en place par l'État, dont les tarifs sont plus élevés.

8. Si la propriété est mise en location, les revenus des loyers sont imposables aux États-Unis et au Canada, avec la possibilité de réclamer un crédit d'impôt ici pour les sommes payées au fisc américain. Plusieurs associations de propriétaires réglementent la location, par exemple en interdisant de louer au cours de la première année après l'achat et en imposant une limite d'une seule location par année.

9. En revendant votre propriété, vous serez, là encore, imposé sur le gain en capital aux États-Unis d'abord, puis au Canada pour l'excédent. Vous pouvez réclamer ici un crédit pour les impôts déjà payés au sud de la frontière.

10. Si vous vivez au Québec au moins six mois dans l'année, vous continuez d'être couvert par le régime québécois d'assurance maladie. Mais si vous avez passé une moyenne de 122 jours par année aux États-Unis depuis trois ans, vous pourriez être considéré comme résident aux yeux du fisc américain.

Pour en savoir plus, relisez ces chroniques de Stéphanie Grammond : 

https://affaires.lapresse.ca/opinions/chroniques/stephanie-grammond/201402/18/01-4740047-snowbirds-citoyens-americains-sortez-la-tete-du-sable.php

https://affaires.lapresse.ca/opinions/chroniques/stephanie-grammond/201306/05/01-4658036-pour-eviter-que-le-fisc-americain-cogne-a-votre-porte.php