Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Stephan Buu, de la firme CTI Capital à Montréal.

Quel a été l'événement le plus significatif des derniers jours en Bourse?

Les soubresauts baissiers des devises dans les pays émergents étaient sans doute l'événement à suivre cette semaine, notamment en Argentine, en Turquie, en Afrique du Sud et en Russie. Au cours des dernières années, les investisseurs en quête de rendements plus élevés se sont tournés vers les pays émergents. L'exode des capitaux hors des pays émergents pour la 13e semaine consécutive fait craindre un effet boule de neige sur d'autres pays émergents et la baisse de valeur de leurs devises.

Nous ne croyons toutefois pas qu'elle engendrera une contagion sérieuse sur les marchés américains. L'expérience de la crise des devises asiatiques de 1998 n'avait pas engendré de récession ni de débandade sur le marché boursier aux États-Unis. Il est par contre important de noter que les pays émergents représentent dorénavant une plus grande part du PIB global et peuvent avoir un certain impact si cela perdure.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement?

Avec la traction que la Réserve fédérale américaine a obtenue à l'aide de ses opérations de rachats de bons du Trésor (QE) pour contribuer à la reprise économique actuelle, nous sommes confiants quant aux marchés boursiers pour 2014, mais il y a lieu de suivre l'indicateur VIX. Le VIX est un indicateur de volatilité du marché financier américain qui se calcule en se basant sur la moyenne de volatilité implicite sur une série d'options du S&P 500. Il permet de mesurer la nervosité des marchés. Son niveau actuel de 17, en dessous de 20, signifie que le marché évolue dans un climat de confiance, de faible volatilité, voire peut-être de complaisance.

Dans les prochains mois, si cet indicateur dépassait le niveau de 25 et plus, nous devrions agir avec une plus grande prudence dans le marché des actions. Et encore, si ce VIX dépasse 40, il y a lieu d'adopter une stratégie plus défensive car le retour du pendule vers la «panique» est alors à envisager.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Les marchés nord-américains entament depuis quelques jours une correction. Celle-ci représente une occasion pour acheter certains secteurs américains qui réussissent bien dans un environnement de faible inflation et de dollar américain élevé. On pense alors au secteur de la consommation discrétionnaire (XLY) et au secteur financier, notamment les banques régionales américaines (KRE). Nous continuons à recommander l'achat du fonds négocié en bourse NFO sur le marché américain pour tirer profit de la sélection de titres par les initiés et FXM au Canada pour l'approche défensive dans des actions de valeur. Nous recommandons aussi d'acheter des obligations, mais nous préférons les obligations de durée moyenne (5-10 ans).

Quel placement évitez-vous à tout prix?

La demande de matières premières est amoindrie par le ralentissement de la croissance de plusieurs pays émergents, dont la Chine. Il faut donc sous-pondérer les secteurs cycliques comme les matières premières (XMA à Toronto) et l'énergie (XEG à Toronto). Sur le plan de l'allocation d'actifs, il faut éviter la concentration de nos actifs en devises canadiennes encore sous pression, et les grandes capitalisations fortement exposées aux pays émergents. Finalement, il y a lieu d'éviter trop de concentration sur les marchés boursiers. Une plus grande diversification des actifs est requise.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus?

Les marchés sous-estiment la convergence prévisible des actifs financiers, ce qui veut dire que les écarts seront réduits. Devant la politique monétaire très accommodante (faible taux d'intérêt), les taux d'intérêt du marché monétaire sont négatifs (ajustés à l'inflation) et, avec le temps, les actifs à long terme (bourse et obligations) ne peuvent pas soutenir les rendements exceptionnels observés jusqu'à ce jour (comme les rendements élevés des actions américaines en 2013). Ces catégories d'actifs doivent se rejoindre à des niveaux plus modestes. Cela nous force à prévoir des rendements beaucoup plus modérés cette année.

***

Stephan Buu est gestionnaire de portefeuille chez CTI Capital à Montréal. Il gère trois portefeuilles basés sur des modèles macroéconomiques et quantitatifs. CTI Capital offre des services de comptes gérés dans les actions canadiennes et les actions américaines ainsi qu'un portefeuille d'obligations canadiennes.