Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Maxime Lauzière, de Barrage Capital à Montréal.

À votre avis, quel a été l'événement le plus significatif cette semaine sur les marchés?

En tant que gestionnaires de type «valeur», nous accordons peu d'importance aux événements économiques et politiques quotidiens. Comme chaque semaine, les investisseurs sont bombardés d'une quantité impressionnante de données. Ces informations affectent la perception des investisseurs et ont ainsi un impact positif ou négatif sur les cours boursiers. Cependant, ces variations sont de nature temporaire puisque les événements ponctuels modifient rarement la réalité économique des entreprises. Celles-ci sont plutôt affectées par une multitude de facteurs évoluant de façon progressive sur une longue période. Nous recommandons aux lecteurs de ne pas trop s'en faire avec les manchettes économiques, mais plutôt de se concentrer sur la capacité bénéficiaire des entreprises à moyen et long terme.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment et pourquoi?

Ayant la majorité de nos investissements aux États-Unis, nous suivons de manière générale l'évolution de l'économie américaine. Nous gardons un oeil sur des indicateurs tels que les mises en chantier résidentielles, le taux de chômage, la confiance des consommateurs, les ventes au détail et les taux d'intérêt.

Nous sommes toutefois surtout intéressés par un grand nombre de données spécifiques aux entreprises que nous détenons ou convoitons. Nous faisons le suivi de données ayant un impact direct sur les résultats actuels et futurs de celles-ci. Notre intérêt pour ces données varie en fonction des aubaines sur le marché. Il peut s'agir de données spécifiques à un produit ou à un service, à une entreprise, à une industrie ou même à une région géographique. Ces informations nous permettent d'avoir une meilleure idée sur la progression de nos entreprises dans le temps.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir aujourd'hui?

Nous ferions comme tous les jours de l'année, c'est-à-dire chercher à investir ces dollars dans des entreprises affichant une rentabilité supérieure, mais dont les actions se transigent à un prix inférieur à la valeur de l'entreprise sous-jacente. Une rentabilité supérieure nous intéresse seulement lorsqu'elle provient d'un avantage concurrentiel. Une entreprise bénéficiant d'un tel avantage peut se protéger face à la concurrence et ainsi maintenir sa position dominante et sa rentabilité au fil du temps. Puisque ces entreprises génèrent un flux de trésorerie important, nous préférons des gestionnaires favorisant une allocation de capital optimale selon les circonstances, augmentant ainsi le rendement pour les actionnaires. Finalement, en achetant des actions à bon prix, l'investisseur augmente son rendement potentiel et se protège contre les erreurs liées à son analyse tout comme les événements imprévisibles liés au monde des affaires. Nous croyons qu'une entreprise comme IBM répond présentement à tous ces critères.

Quel placement évitez-vous à tout prix et pourquoi?

Toute entreprise devient un investissement médiocre à partir d'un certain prix. Il faut donc éviter de payer trop cher pour les entreprises convoitées, aussi profitables soient-elles. Par exemple, nous sommes légèrement sceptiques face aux évaluations actuelles des entreprises opérant des réseaux sociaux tels que Facebook, LinkedIn ou Twitter. Nous évitons les entreprises ayant un avantage concurrentiel faible ou inexistant. Elles sont normalement condamnées aux rendements moyens imposés par les forces compétitives du marché.

Nous préférons aussi éviter les entreprises où notre compréhension limitée des opérations nous empêche d'avoir un niveau de certitude adéquat concernant la profitabilité future.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement?

Nous croyons que les marchés sous-estiment les risques reliés à l'endettement des ménages canadiens, celui-ci atteignant un niveau record au troisième trimestre de 2013. Cette expansion de l'emprunt ne pourra se poursuivre éternellement. L'inquiétude liée au niveau d'endettement record est amplifiée par le fait que les taux d'intérêt sont particulièrement faibles alors que le marché immobilier frôle des sommets historiques. Une hausse des taux d'intérêt pourrait exercer une pression sur l'immobilier en plus de réduire la consommation des ménages canadiens. Un tel scénario aurait des répercussions importantes sur notre économie, nos entreprises et notre monnaie. Pour ces raisons, nous demeurons prudents face au Canada.

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Maxime Lauzière est gestionnaire de portefeuille chez Barrage investissement privé, une firme montréalaise de gestion d'actifs mise sur pied par quatre investisseurs partageant la même philosophie.