Depuis plus d'un an, les prix des actions à la Bourse montent beaucoup plus rapidement que les profits que réalisent les entreprises. Est-ce à dire qu'une bulle est en train de se créer et que la fin du bull market est pour bientôt?

Pour mesurer si les titres boursiers se négocient à un prix d'aubaine ou s'ils sont plutôt devenus trop dispendieux et risquent de baisser, les analystes utilisent un indicateur qu'ils nomment le ratio cours/bénéfices. On le mesure de la façon suivante. Par exemple, si l'on prévoit que la société ABC, fabricant d'équipement, réalisera des bénéfices de 2 $ par action au cours des 12 prochains mois et que le cours de son action est de 30 $, le ratio cours/bénéfices est de 15. L'action se négocie donc à 15 fois les bénéfices.

C'est actuellement à ce ratio que se négocie l'indice S & P 500 de la Bourse de New York. Le consensus des analystes prévoit que, pour les 12 prochains mois, les entreprises composant le S & P 500 réaliseront des profits totaux de 119 $ par action. Et l'indice est actuellement à 1790. Faites le calcul: 15 fois 119 égale 1790.

Si l'on retourne un an en arrière, ce multiple cours/bénéfices oscillait autour de 12,5. Les bénéfices escomptés étaient de 112 $, mais l'indice ne valait que 1400.

Nous avons donc assisté à ce que l'on appelle, dans le jargon financier, une expansion du multiple. Et les trois quarts de la hausse de 25 % de l'indice S & P 500 depuis le début de l'année lui sont attribuables. Certes, les bénéfices ont augmenté, mais la Bourse a monté beaucoup plus vite.

Est-ce à dire que l'indice est maintenant trop haut et qu'il serait peut-être temps de quitter le navire avant que la tempête n'arrive?

Pas vraiment, selon Clément Gignac, économiste en chef à l'Industrielle Alliance. Il croit plutôt que l'expansion des multiples va se poursuive. Pourquoi? «Parce que l'inflation est faible», dit-il.

Le S & P 500 vers les 2000 points

Les observations sur une longue période de temps démontrent que, dans un marché haussier, le total du multiple cours/bénéfices et de l'inflation atteint finalement 20. C'est la règle de 20, et elle s'est avérée un très bon indicateur au cours des années. De nombreux gestionnaires l'utilisent pour déterminer le moment où ils réduiront la pondération d'actions dans leurs portefeuilles. «Lorsque le taux d'inflation se maintient entre 1 et 2 %, c'est la zone idéale pour une poursuite de l'expansion des multiples», dit Clément Gignac.

L'expansion des multiples va de pair avec la confiance dans le fait qu'une reprise durable est en train de s'installer, croit l'expert de l'Industrielle Alliance. Deux facteurs soutiennent cette confiance. Le bilan financier des entreprises n'a jamais été aussi bon et les gains énergétiques vont avoir un impact positif sur les coûts de production.

«D'ici 12 mois, bien que l'on ne puisse pas exclure le fait qu'il y aura des corrections passagères, il est plus probable que l'indice S & P 500 s'approche des 2000 points qu'il ne retourne à 1500», conclut Clément Gignac.

Pour la période couvrant les 15 dernières années, soit de 1998 à 2013, le ratio cours/bénéfices moyen du S & P 500 a été de 16,2. Uniquement sur cette base, il y a donc place à une expansion additionnelle du multiple.

Et on se rappellera qu'il y a eu des pointes à 20, voire 25, du ratio durant les premières années de la période observée, soit entre 1998 et 2001. Mais c'était l'époque de la bulle technologique, alors que les cours avaient tendance à devancer fortement les bénéfices des sociétés. On est encore bien loin de là.

Plus timide au Canada 

Il ne faut pas s'attendre, toutefois, à des gains aussi importants sur la Bourse canadienne, poursuit M. Gignac. «La Bourse de Toronto va continuer de souffrir de sa trop grande pondération dans les titres bancaires et dans le secteur des ressources», dit-il.

Les banques et le secteur immobilier ont très bien fait au cours de la dernière année, mais cela pourrait maintenant ralentir, selon lui. De plus, le prix du pétrole pourrait demeurer sous pression, ce qui touchera négativement ce secteur important de l'économie canadienne.

L'espoir d'une économie plus vigoureuse au Canada réside dans un dollar canadien plus faible. «Il faudra un dollar à 90 cents pour que le discours change», dit Clément Gignac.

Pour les 12 à 24 prochains mois, ce sont sur les marchés américains que l'on pourra réaliser les meilleurs gains, croit l'économiste. Surtout si l'expansion des multiples se poursuit.