Nombreux sont les gens qui déplorent l'abandon du cours obligatoire d'économie au secondaire, voire la disparition de la caisse scolaire qu'organisait Desjardins dans les écoles primaires.

La nature ayant horreur du vide, la maison Québec Amérique pallie en partie ces lacunes en lançant la version française de l'ouvrage The Secret Life of Money, paru il y a peu au Canada anglais.

L'essai à la fois instructif et amusant de Kira Vermond est devenu en français L'argent ne pousse pas dans les arbres.

Il vise les jeunes de 10 à 14 ans qui ont déjà des besoins de consommation infinis et qui comprennent mal que l'argent est associé au travail (sauf dans la haute finance, bien entendu!).

En une dizaine de chapitres bien ramassés et morcelés en courts articles et bandes dessinées, cet essai initie le jeune (et ses parents) au travail, à l'entrepreneuriat, aux bienfaits de l'épargne et aux dangers du crédit (et de ses cartes), au commerce équitable et international, aux dons de bienfaisance, aux arnaqueurs en tout genre, etc.

Le tout est émaillé de citations tantôt sages (Adam Smith), tantôt loufoques (Groucho Marx).

L'auteure plonge aussi dans l'histoire et rappelle les différentes formes que la monnaie a prises au fil du temps, qu'il s'agisse des coquillages, des cartes à jouer (en Nouvelle-France) ou des billets de polymère «qui ne favorisent pas la croissance de vilaines bactéries qui peuvent te rendre malade», adoptés désormais par le Canada et une poignée d'autres pays.

Au passage, les notions de contrefaçon et de seigneuriage sont précisées.

Mme Vermond attaque le vieil adage selon lequel l'argent fait le bonheur. Elle se range du côté de ceux qui croient plutôt que «les travailleurs s'identifient à leur emploi et non à l'argent qu'ils gagnent».

Elle consacre une belle partie de son ouvrage à distinguer les concepts d'épargne et d'investissements. Tout en vantant les mérites du premier, elle s'évertue à susciter l'esprit d'entrepreneuriat. Un jeune entrepreneur, ce peut être une gardienne qui achète un ou deux jeux de manière à être plus populaire auprès des tout-petits qui la réclameront lors des sorties de leurs parents.

Ce peut aussi être, bien sûr, le jeune qui offre ses services de tondeur de gazon ou de déblayeur de balcons.

Ce peut être enfin un groupe de jeunes qui organise des collectes de DVD, de jouets pour offrir à des hôpitaux ou des oeuvres caritatives axées sur l'aide internationale.

Dans tous les cas, affirme l'essayiste, on en tire une certaine satisfaction, en plus de se frotter aux impératifs de l'organisation. Et il ne faut pas craindre l'échec, insiste-t-elle. Grâce à l'internet, souligne-t-elle, «il est moins coûteux [beaucoup moins coûteux même] qu'il y a 20 ans de démarrer plusieurs types d'entreprise».

La notion de crédit est très approfondie, surtout ses méfaits. L'auteure explique les effets funestes des intérêts composés, des recherches poussées en neuromarketing qui sont capables de nous détourner d'un choix rationnel d'achat (ou d'épargne) au profit d'une marque.

Elle aborde aussi la délicate question des écarts de salaire. Tout en déplorant les abus du secteur financier, elle dégage trois critères susceptibles de justifier un travail mieux rémunéré: ses exigences (médecin, programmeur), les risques physiques (pompier, policier) et les compétences peu communes (athlète professionnel, vedette).

Mais tout n'est pas si simple: «Si les éducatrices des services de garde gagnent moins, c'est peut-être que les pères et les mères de famille qui ne gagnent eux-mêmes que 19$ l'heure auraient du mal à leur en donner trente-huit», suggère-t-elle.

Le livre n'est pas sans lacunes, malgré ses indéniables qualités. On aurait souhaité un chapitre sur la confection et le respect d'un budget. Expliquer l'épargne et la consommation reste quand même un préambule bien utile.