La rentrée scolaire a obligé des parents à puiser dans leurs poches encore plus profondément que d'habitude, cette année: les factures de taxe scolaire et de services aux élèves ont bondi dans plusieurs régions. Ces frais, qui s'ajoutent au coût des fournitures scolaires, livres, uniformes, activités sportives et programmes particuliers, finissent par peser lourd dans le portefeuille des parents. Ce qui en amène plusieurs à se demander ce qu'est devenue la gratuité scolaire.

Les frais se multiplient pour les parents

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Aux prises avec une réduction de leur financement gouvernemental, des commissions scolaires augmentent la taxe scolaire, facturent certains services aux élèves et remettent en question des programmes. Ça signifie que les parents et l'ensemble des contribuables doivent s'attendre à payer plus, pour en avoir moins en échange.

« La rentrée scolaire cette année coûte plus cher, et les services diminuent, souligne Gaston Rioux, président de la Fédération des comités de parents du Québec (FCPQ). Les parents, qui sont contribuables en plus, doivent aussi payer plus de taxe scolaire. On est perdants sur tous les plans. »

« Il y a plus d'argent qui vient des poches des contribuables et des parents, on est conscients que ça peut faire mal », reconnaît Andrée Bouchard, présidente de la commission scolaire des Hautes-Rivières, dans la région de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Les commissions scolaires du Québec doivent maintenant fonctionner avec 500 millions de dollars de moins dans leur budget, comparativement à 2010. Une grande partie de cette somme (200 millions) vient du retrait de subventions gouvernementales qui étaient versées aux commissions scolaires, depuis 2006, pour atténuer les hausses de taxes pour les contribuables, en raison de l'augmentation de la valeur des maisons. L'île de Montréal est un peu moins touchée actuellement, puisqu'elle n'avait jamais eu droit à ces subventions.

La majorité des commissions scolaires a récupéré ces sommes en augmentant les taxes scolaires, un geste dénoncé par la première ministre Pauline Marois. Le gouvernement estime qu'elles auraient plutôt dû réduire leurs frais de gestion. Il envisage même d'obliger les commissions scolaires à rembourser les contribuables ayant subi les hausses de taxes les plus salées.

Mais les administrations scolaires soutiennent qu'elles ont déjà fait tout leur possible. « On a gratté partout, on a réaménagé le transport scolaire, fait des coupes dans l'entretien ménager, dans les directions adjointes, éliminé des postes lors de départs à la retraite, énumère Josée Bouchard, présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ). Nos coûts de fonctionnement sont maintenant les plus bas de tout l'appareil public. »

Plusieurs commissions scolaires expliquent qu'elles avaient réussi à bonifier les services aux élèves grâce aux économies réalisées dans leurs frais de gestion. « Si on doit encore faire des coupes, ça touchera directement les services dans les écoles, notamment aux élèves en difficulté », dit Éric Ladouceur, porte-parole de la commission scolaire des Affluents, dans la couronne nord de Montréal.

Des programmes menacés

En attendant, les parents et les contribuables doivent payer les factures, et certains élèves craignent de perdre leur programme d'enrichissement.

« Certains programmes pourraient disparaître, ou encore être autofinancés par les parents, parce qu'on n'a plus de marge de manoeuvre », déplore Marc Patrick Roy, président des comités de parents et commissaire à la Commission scolaire de Laval (CSDL). Le couperet pourrait tomber sur les programmes spécialisés en musique, au primaire et au secondaire, sur les services aux élèves handicapés et sur les coopératives permettant aux élèves en difficulté de faire un jardin ou de cuisiner pour vendre ensuite leur production, avance M. Roy.

Déjà, les parents doivent ouvrir leurs goussets si leurs enfants fréquentent certains programmes spécialisés. C'est le cas de Marie-Claude Legault, mère de quatre adolescents, dont des triplés. Deux de ses enfants sont inscrits au programme spécialisé en musique de la CSDL, en 2e et 4e secondaire. « Cette année, la rentrée nous coûte environ 3000 $, confie Mme Legault. Ça fait un énorme trou dans notre budget. »

En plus du matériel habituel et des uniformes pour tous les enfants, la famille paie près de 2000 $ pour les inscriptions à la concentration musique et pour le transport scolaire, puisqu'elle n'habite pas dans le secteur de l'école qui offre le programme. Et c'est sans compter l'achat et l'entretien des instruments.

Auparavant, le transport scolaire était gratuit pour les élèves inscrits en musique, en sport-études ou dans d'autres programmes spécialisés qui devaient se déplacer vers une autre école. Maintenant, ils doivent payer 350 $ pour être transportés à l'extérieur de leur secteur, en plus des frais liés à leur programme, qui peuvent atteindre 1000 $.

Au primaire, la facture est passée de 750 à 830 $ pour le programme de musique que fréquente Caroline Brunet, élève de 6e année. Sa mère dit avoir de la difficulté à boucler son budget avec l'achat d'un nouveau violon, le transport scolaire et une hausse d'environ 100 $ de la taxe scolaire. « Pour une mère seule de deux enfants comme moi, avec un salaire de secrétaire, c'est difficile à assumer », dit-elle, en souhaitant conserver l'anonymat.

Gaston Rioux souligne que les programmes d'enrichissement sont importants pour motiver les élèves et les garder dans le réseau public. « Mais on atteint maintenant le maximum de la capacité de payer des parents. »

Coût moyen de la rentrée 2013-2014 pour les familles québécoises :

705 $

Source : sondage CROP pour les Fonds Universitas

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Marcher plus ou payer

Plusieurs commissions scolaires facturent maintenant aux parents des services auparavant fournis gratuitement, comme certains trajets d'autobus ou la surveillance des élèves le midi.

Ainsi, les enfants qui fréquentent une école à l'extérieur de leur secteur, par exemple pour suivre un programme particulier, doivent payer l'autobus. Dans plusieurs régions, on demande aussi à plus d'élèves de se rendre à l'école à pied.

La Commission scolaire de Laval (CSDL) a notamment retiré le droit au transport gratuit à 2500 élèves en augmentant la distance leur donnant droit à l'autobus entre la maison et leur école de quartier. Pour être transportés, ils doivent payer. « On se faisait aussi dire que nos élèves marchaient moins que la moyenne québécoise, alors on en profite pour encourager l'activité physique par un programme avec Québec en forme », souligne la présidente de la CSDL, Louise Lortie.

Ailleurs, on a augmenté les frais pour la surveillance des élèves qui dînent à l'école. Comme à la commission scolaire Sorel-Tracy, où la facture est passée de 125 à 165 $ par année, tandis que le transport des élèves le midi a grimpé de 125 à 260 $.

D'autres commissions scolaires ont décidé d'exiger des frais aux parents lorsqu'un enfant doit être transporté à deux adresses, selon les modalités d'une garde partagée. Ou de faire marcher les élèves de la maternelle qui habitent à moins de 0,8 km de l'école, alors qu'ils étaient auparavant tous transportés en autobus.

La taxe scolaire bondit

Des contribuables ont eu de mauvaises surprises en recevant leur avis de taxe scolaire, au début de l'été : plusieurs doivent composer avec des hausses salées, qui peuvent aller jusqu'à 60 %.

La première ministre Pauline Marois rencontre demain les représentants des commissions scolaires, et pourrait même leur demander de rembourser les contribuables. Mais en attendant, beaucoup sont en colère.

« Tout le monde dans le coin a sursauté en ouvrant son compte de taxe », témoigne André Lévesque, un retraité qui habite Saint-Roch-de-Richelieu, sur le territoire de la commission scolaire Sorel-Tracy. Avec raison : dans son cas, la hausse est de 300 $, ou 60 %, son avis étant passé de 500 à 800 $. « Ça fait quatre ans que j'habite ici et c'était à peu près stable, dit-il. Mes rentes, elles, n'augmentent pas ! »

Même constat chez Éric Bossé, de L'Assomption, qui doit payer 150 $ de plus en taxes à la commission scolaire des Affluents, une hausse de 46 % qui porte son compte à 500 $. « On nous annonce encore des hausses pour les deux prochaines années, ce qui fera 100 % d'augmentation en trois ans, déplore-t-il. Ça fait 33 ans que je vis à la même place, j'ai pris une préretraite pour réduire mes heures de travail. Je ne sais pas comment je vais arriver avec de telles augmentations. Je n'ai pas une grosse pension, mais je ne veux pas être obligé de vendre ma maison. »

Les commissions scolaires reconnaissent que les factures font mal, et de nombreux contribuables sont allés le dire en personne aux assemblées de commissaires. « On a eu une cinquantaine de personnes à notre dernière assemblée, les gens étaient enragés, raconte Éric Ladouceur, porte-parole de la commission scolaire des Affluents. Mais on a expliqué aux gens que nos dépenses sont déjà réduites au minimum et qu'on doit refiler aux citoyens la totalité de la facture des compressions. »

« On n'est pas fiers, mais on n'a pas le choix, laisse tomber Andrée Bouchard, présidente de la commission scolaire des Hautes-Rivières. Dans une municipalité comme Noyan, sur notre territoire, qui n'est pas très riche, la hausse moyenne est de 26 %. On sait que c'est une augmentation importante pour les gens, et ce n'est pas fini, ça va augmenter pendant encore deux ans. »

Quelques exemples de variations de la taxe scolaire :

CS des Hautes-Rivières : entre - 1 % et + 33 %

Marieville : + 33 %

Saint-Jean-sur-Richelieu : + 29 %

+ 275 $ pour une maison de 220 000 $

CS Sorel-Tracy : entre + 1 % et + 61 %

Saint-Roch-sur-Richelieu : + 61 %

+ 300 $ pour une maison de 250 000 $

Sainte-Anne-de-Sorel : + 57 %

Saint-Ours : + 36 %

CS des Affluents : entre + 15 % et + 46 %

L'Assomption : de + 42 à + 46 %

+ 160 $ pour une maison de 170 000 $

CS des Samares : entre + 2 % et + 42 %

Saint-Côme : + 42 %

+ 153 $ pour une maison de 200 000 $

CS de Laval : + 10 % en moyenne