Quel été ce fut en Bourse ! De la Saint-Jean à la mi-août, l'indice phare des actions américaines, le S&P 500, grimpait chaque jour, lentement mais sûrement, pour atteindre un nouveau sommet historique. Depuis le début de l'année, la hausse de l'indice se chiffrait à plus de 20 %.

Mais les boursicoteurs qui se berçaient dans une certaine complaisance ont été ramenés à la réalité depuis deux semaines. La Bourse semble être entrée dans une zone de turbulences. Et il pourrait bien y en avoir d'autres d'ici la fin de l'année, car les facteurs de risque ne manquent pas, explique Clément Gignac, économiste en chef à l'Industrielle Alliance.

D'abord, le facteur géopolitique. L'utilisation d'armes chimiques reprochée au gouvernement syrien place les États-Unis entre l'arbre et l'écorce. Au-delà des conséquences financières d'une intervention militaire, le risque d'une détérioration des relations déjà très tendues avec la Russie, ainsi qu'avec la Chine, pourrait ajouter beaucoup de pression sur les marchés boursiers, craint l'économiste.

De plus, les interventions des banques centrales qui ont soutenu les Bourses en injectant massivement des liquidités pourraient prendre fin, du moins en partie. Plus précisément, le programme d'assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale américaine (Fed) qui, chaque mois, achète pour 85 milliards d'obligations du Trésor américain et des titres de créance hypothécaire. « Ce n'est plus une question de savoir si elle le fera, mais quand elle fera », assure Clément Gignac. Ce pourrait être dès le 18 septembre, à la prochaine réunion du comité de la Fed.

Cette certitude a d'ailleurs déjà causé une hausse de 1 % du taux des obligations américaines de 10 ans, qui est passé de 1,80 à 2,80 %. Et il pourrait passer rapidement à 3,25 ou 3,50 %, si la Fed devait mettre le pied sur le frein trop rapidement. La première hausse de taux a été bien acceptée par les marchés boursiers. Mais si une nouvelle hausse devait se produire, la Bourse pourrait se faire malmener.

Enfin, il ne faut pas oublier le risque d'un ralentissement marqué des économies émergentes, telles celles de la Chine et de l'Inde, ajoute M. Gignac. C'est entre autres ce que laisse craindre la chute rapide de la devise indienne, la roupie, depuis quelques semaines.

Guetter les bonnes occasions

Que faire alors ? La Bourse américaine a bien récompensé les investisseurs depuis le début de l'année. « Alors, prendre un peu de profits et conserver des liquidités afin de profiter des occasions qui se présenteront ne sont pas de mauvaises idées », dit Clément Gignac.

Les Bourses connaîtront probablement quelques baisses importantes d'ici la période des Fêtes, mais les indices ne seront pas plus bas à la fin de l'année qu'ils ne le sont maintenant, selon lui. C'est pourquoi ces baisses sont de bonnes occasions d'achat.

La tendance à plus long terme demeure à la hausse, selon l'économiste, car le fait que la Fed commence à se retirer de ses programmes d'achat d'obligations indique qu'elle croit que la reprise économique est maintenant soutenable et durable. « Et les Bourses ne peuvent qu'aimer cela », dit-il.

Tellement d'impondérables

Il faut se préparer à un automne turbulent, croit également Ismaël Chiadmi, vice-président principal chez Montrusco Bolton. Il note que le gouvernement américain atteindra de nouveau à la mi-octobre le plafond de sa capacité d'emprunt permise par les législateurs. De plus, il y aura un changement de régime à la Fed. Le président actuel, Ben Bernanke, sera remplacé en janvier, et les marchés pourraient spéculer sur des changements d'orientations.

De plus, les taux d'intérêt montent et les facteurs saisonniers sont généralement très négatifs à cette période de l'année.

En s'appuyant sur la tendance que l'on connaît depuis le début de l'année, les marchés pourraient être plus hauts en fin d'année, croit également M. Chiadmi. « Mais il y a tellement d'impondérables actuellement que bien malin qui peut prédire avec précision où en sera la Bourse le 31 décembre », dit-il.

Déconnexion du marché canadien

Quant à la Bourse canadienne, elle risque fort de demeurer déconnectée du marché américain. Fortement pondérée en titres des secteurs des métaux et de l'énergie, elle est lourdement taxée par le ralentissement des économies émergentes.

Et cela ne changera pas de sitôt. En Chine, la bulle du secteur immobilier pourrait éclater à tout moment. Les banques risqueraient alors de connaître une période très difficile.

Ironiquement, ce sont les tensions géopolitiques qui pourraient aider la Bourse canadienne, croit Clément Gignac. « Si elles perdurent, elles pourraient faire exploser le prix de l'or et du pétrole », dit-il.

Soyez donc prêt à un automne turbulent.