Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, Maxime Lemieux, gestionnaire de fonds d'actions canadiennes chez Pyramis Global Advisors à Montréal, une filiale du groupe Fidelity Investments.

À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Comme je gère des actions canadiennes chez Fidelity [fonds Frontière Nord], je surveille les éléments de l'économie mondiale qui peuvent affecter la Bourse canadienne. En ce sens, l'événement le plus significatif des derniers jours a été le rebond des exportations de la Chine, un peu meilleur qu'attendu, à court terme du moins.

En juillet, cette croissance a été annoncée à 5,1 %, deux fois plus que les attentes autour de 2 %. De plus, ce rebond survient après une baisse de 3,1 % annoncée pour le mois précédent, en juin.

Ce regain des exportations chinoises reste à confirmer à moyen terme. Néanmoins, ça suggère une reprise tranquille de l'économie mondiale, en particulier l'Europe et l'Amérique. Cette conjoncture pourrait être positive pour la Bourse canadienne, surtout ses importants secteurs des matières premières et de l'énergie.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

Le plus important, à mon avis, c'est l'évolution des taux d'intérêt des obligations à terme de 10 ans. Parce que ça risque d'influencer beaucoup la valeur de plusieurs titres en Bourse. Mais aussi d'augmenter les coûts financiers des entreprises, des gouvernements et des fonds d'acquisitions qui sont très endettés.

Une remontée des taux obligataires de 1,5 % à 2,5 % semble peu en chiffres absolus. Mais c'est un changement assez drastique pour l'économie et les marchés financiers, après des années de taux très faibles. Et encore plus si ça devait grimper rapidement au-delà des 3 %.

Par ailleurs, parce que je gère un fonds d'action, je surveille de près les résultats d'entreprises. Les récents résultats étaient corrects tout au plus, sans surprise ni déception. C'est ce qui soutient la remontée récente des indices boursiers, malgré l'absence de révisions de profits à la hausse.

Ça me préoccupe, d'ailleurs, cet élan boursier à court terme. La Bourse américaine, en particulier, est peut-être due pour une pause.

Que feriez-vous avec plusieurs milliers de dollars à investir?

Le contexte de remontée attendue des taux d'intérêt est un signe que l'économie se porte mieux. Par conséquent, c'est avantageux d'être plus investi en actions d'entreprises, tout en restant très attentif à la qualité de leur bilan.

Elles ne doivent pas avoir trop de dettes afin de conserver, malgré la remontée des taux, une bonne flexibilité d'investissement dans des projets pour ajouter de la valeur pour leurs actionnaires. Que ce soit par des rachats d'actions, des acquisitions ou des investissements dans leurs actifs d'exploitation, par exemple.

Quant à la pondération géographique, la Bourse européenne pourrait receler un bon potentiel de relance après la déprime, alors que l'économie des principaux pays européens reprend du mieux.

Sur la Bourse américaine, je crois qu'il faut être très sélectif des secteurs après une bonne période haussière. Sur la Bourse canadienne, c'est encore un contexte marché de «stock picking» alors qu'il y a des doutes sur le regain des matières premières, ce qui nuit au rendement de tout le marché.

Quel placement évitez-vous à tout prix?

Ce qui me ferait peur, ces temps-ci, c'est l'achat d'obligations à long terme. Le risque de dévaluation est trop grand par rapport aux prochaines décisions des banques centrales, la Fed américaine surtout.

Je me méfie aussi des actions d'entreprises à dividendes très élevés, à plus de 5 % à 7 % de rendement annuel. 

Et surtout dans des secteurs à croissance faible des revenus comme les télécommunications, les pipelines et l'immobilier.

Enfin, je serais prudent envers les obligations d'entreprises à haut rendement (taux élevé). Il faut y être très sélectif et se méfier des entreprises très endettées.

Qu'est-ce que les marchés  sous-estiment le plus actuellement?

À mon avis, c'est l'impact qu'aura une remontée des taux d'intérêt sur les coûts financiers des entreprises et des gouvernements qui sont très endettés.

Parmi les entreprises, je constate que les analystes omettent encore ce risque de surcoût dans leurs prévisions de résultats.

Chez les gouvernements, l'impact budgétaire à court terme pourrait aussi être considérable. Ça augure de gros débats sur le «comment payer pour ça»? Par des mesures d'austérité, ou par des hausses d'impôt et taxes?