Myriam a un bon emploi, un bon salaire, mais elle a aussi des regrets : alors qu'elle entame sa cinquantaine, elle aimerait avoir une propriété à elle. «Je vis un sentiment d'échec parce que j'ai toujours été locataire, confie-t-elle. Pourtant, je gagne bien ma vie. Il me semble que je devrais pouvoir acheter un condo ou une maison, comme plusieurs personnes de mon entourage.»

Installée dans le même appartement depuis 23 ans - elle y a emménagé avec son ex-mari dans les premières années de son mariage -, elle rêve aussi d'un logis plus moderne et agréable. «Je paie 730 $ de loyer actuellement, et mon propriétaire n'a pas l'intention de faire de rénovations. Pour un logement à mon goût, ça me coûterait sûrement 200 ou 300 $ de plus, évalue-t-elle. Plutôt que de continuer d'enrichir un propriétaire, je préférerais consacrer mes sous à l'achat d'une propriété.»

Dans son secteur - le Sud-Ouest, à Montréal -, elle croit pouvoir trouver un condo qui lui conviendrait pour 200 000 $. Elle a tenté d'évaluer les coûts d'un tel achat, mais elle n'est pas certaine d'avoir les reins assez solides financièrement. «Depuis mon divorce, je traîne des dettes dont j'ai de la difficulté à me départir, déplore-t-elle. Et puis, acheter seule, ça signifie beaucoup de frais à assumer.» La fille de Myriam, toujours aux études, habite avec elle, mais volera éventuellement de ses propres ailes.

Elle se décrit comme étant plutôt disciplinée dans ses dépenses. «Les seuls petits luxes que je me paie, c'est ma voiture, dont la location coûte 320 $ par mois, et mon stationnement au centre-ville, 175 $ par mois», dit-elle. Le boni annuel qu'elle reçoit est consacré aux vacances et aux dépenses d'université de sa fille. Pour réaliser son projet, Myriam est prête à se serrer la ceinture d'un autre cran.

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PORTRAIT

Myriam, 50 ans

Spécialiste en ressources humaines

Divorcée depuis 10 ans

Vit seule avec sa fille, étudiante de 20 ans

Revenu : 86 000 $

Boni : environ 8500 $ (variable)

Pension alimentaire pour sa fille : 850 $/mois

REER immobilisé (CRI) : 49 000 $

REER non immobilisé : 23 000 $

Bénéficie d'un régime de retraite à prestations déterminées

Prêt personnel : 22 000 $ à 9 % d'intérêt

Carte de crédit : 11 000 $ à 9,9 % d'intérêt

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LA SOLUTION

Liquider ses dettes avant de devenir propriétaire

Même si Myriam n'a pas le profil des habituels acheteurs d'une première propriété, son projet est réalisable, mais seulement dans quelques années. La clé, c'est le remboursement de ses dettes le plus vite possible. « Actuellement, ce qui fait mal à son budget, ce sont les 1000 $ qui disparaissent chaque mois pour rembourser son prêt et sa carte de crédit, souligne Robert Gorgui, planificateur financier pour RBC Banque Royale. C'est 25 % de son revenu qui est consacré aux dettes, l'équivalent d'un paiement hypothécaire. Rien que les intérêts totalisent 255 $ par mois. »

Avec son collègue Pierre D'Argenzio, M. Gorgui a concocté un plan qui devrait permettre à Myriam de liquider ses dettes, pour ensuite consacrer cette marge de manoeuvre à son achat. Objectif : remboursement de la carte de crédit en 31 mois et du prêt en 43 mois. « Dans trois ans et demi, quand ses dettes seront payées, elle aura 1000 $ par mois à consacrer à sa future propriété », dit M. D'Argenzio.

Myriam a un revenu net de 4000 $ par mois - sans tenir compte de son boni annuel ni de la pension alimentaire versée pour sa fille. Elle réussit à épargner 100 $ chaque mois. En doublant cette somme, elle pourrait accumuler 8600 $ en 43 mois. Comme elle aura terminé de payer sa carte de crédit après 31 mois, les 400 $ par mois qui servaient à ce remboursement pourront être versés dans la cagnotte, ce qui donnera 4800 $ de plus.

Elle aura donc accumulé 13 400 $ à la fin de 2016. À utiliser pour la mise de fonds sur son futur condo ? Plutôt pour payer les dépenses liées à l'achat (notaire, droits de mutation, installation, etc.), qui peuvent atteindre 6000 à 10 000 $, et se constituer un fonds d'urgence, encore plus important quand on est propriétaire, soulignent les deux experts.

Sa mise de fonds viendra plutôt de son REER, grâce au Régime d'accession à la propriété (RAP). Dans les prochaines années, Myriam devrait y verser quelques milliers de dollars de plus pour pouvoir utiliser le maximum prévu par le programme (25 000 $). Elle doit aussi s'assurer que ses fonds se trouvent dans des placements sûrs, pour qu'ils soient prêts à être retirés quand ce sera nécessaire.

Les 25 000 $ du RAP devront ensuite être remis dans les REER, sur une période de 15 ans (après deux ans de période de grâce), au rythme de 139 $ par mois. Elle fera ce remboursement en utilisant les sommes qu'elle réserve actuellement à l'épargne.

En suivant ce programme, Myriam aura terminé de payer son condo à 67 ans, à peu près au moment de sa retraite.

Achat d'un condo au début de 2017

Prix d'achat : 200 000 $

Mise de fonds provenant du RAP : 25 000 $

Assurance de la SCHL : 3500 $

Montant de l'hypothèque : 178 500 $

Paiements mensuels : 1500 $ (à 5,14 %, sur 13 ans)

Frais de condo mensuels : 250 $

Taxes foncières mensuelles : 250 $

Dépenses de Myriam, excluant le logement : 2000 $/mois

Paiements hypothécaires et autres dépenses du condo : 2000 $/mois

Total : 4000 $/mois

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PERSPECTIVE

Acheter un toit: bien évaluer les dépenses

Dans le débat sur la pertinence de louer ou d'acheter son logement, il n'y a pas de réponse claire. Tout dépend de la situation de chacun.

À cause du prix élevé des propriétés, après les hausses des dernières années, plusieurs soutiennent qu'il est plus avantageux de rester locataire. Le prix des loyers a augmenté beaucoup moins rapidement, en raison des contrôles de la Régie du logement.

Plusieurs demeurent motivés à devenir propriétaires, mais ils doivent évaluer avec soin leur capacité financière.

«De nombreux facteurs entrent en ligne de compte, comme le revenu, les objectifs personnels, le lieu de résidence et la situation familiale, souligne François Des Rosiers, professeur au département de finance, assurances et immobilier de l'Université Laval. Le problème le plus important, au moment de cette évaluation, c'est que les gens oublient de calculer les frais liés à l'achat et les dépenses d'entretien.»

M. Des Rosiers, qui a coprésidé le Comité consultatif sur la copropriété du ministère de la Justice, a entendu de nombreuses histoires d'horreur au sujet des fonds de prévoyance insuffisants dans de nombreux immeubles de condos. «Les copropriétaires sont donc souvent obligés de payer des cotisations spéciales qui peuvent atteindre plusieurs milliers de dollars, lorsque vient le moment de faire des travaux», prévient-il.

Il est donc essentiel de faire une bonne inspection de l'état de la propriété, y compris la situation financière de l'association des copropriétaires. S'il y a des travaux à envisager, il faut le prévoir dans son budget, ajoute l'expert en immobilier.

Myriam prévoit acheter un condo de 200 000 $. «Dans le marché de Montréal, pour ce prix, on peut trouver un condo bas de gamme, et certainement pas neuf, dit M. Des Rosiers. Il faut prêter attention au secteur où l'on achète. Par exemple, dans les quartiers où il y a de la criminalité, il y a plus de risques de baisse de valeur.»

De plus, les taux d'intérêt risquent de grimper dans les prochaines années. Les acheteurs doivent s'assurer d'être capables d'assumer une hausse de leurs paiements hypothécaires.

Myriam, en voyant ses amis qui ont acheté une propriété à bon prix il y a quelques années, a l'impression d'avoir manqué le bateau. «Oui, elle l'a manqué, confirme François Des Rosiers. Des augmentations comme celles des années 2000 à 2010, on ne verra plus ça avant longtemps.» Par contre, dans son secteur (le Sud-Ouest, à Montréal), il y a peut-être des occasions intéressantes à saisir, puisque certaines propriétés bas de gamme sont susceptibles de connaître de plus fortes augmentations de valeur dans les prochaines années, note l'expert.

Myriam est aussi avantagée par le fait qu'elle a un bon régime de retraite au travail. « À sa retraite, elle aura 65 000 $ de revenu, mais n'aura plus d'hypothèque à payer ni d'autres dépenses liées à son emploi, comme le stationnement et l'essence. Elle n'aura pratiquement pas à réduire son coût de vie », souligne le planificateur financier de RBC Pierre d'Argenzio. En n'ayant pas à se préoccuper de ses vieux jours, elle peut consacrer plus de ressources à son projet d'achat.

«Le projet ne serait pas rentable si elle gardait son condo seulement quelques années, à cause des frais liés à l'achat et autres, mais à long terme, ça vaut la peine», ajoute-t-il.

EN CHIFFRES:

Prix médian des condos:

Montréal : 227 000 $

Québec : 203 000 $

Province : 215 000 $

Source : Fédération des chambres immobilières du Québec