Les détaillants canadiens ont passé des années à inculquer le concept des cartes de fidélité à leurs clients. Aujourd'hui, ce qui était auparavant perçu comme un simple avantage supplémentaire figure parmi les attentes de la clientèle, exerçant du même coup une pression sur les entreprises.

Les cartes de fidélité s'avèrent un outil qui profite à la fois aux clients et aux commerçants, mais ces derniers ont réalisé au cours des dernières années que le consommateur qui s'est entiché de ses points récompenses n'acceptera pas facilement les compromis.

Loblaw l'a appris à ses dépens la semaine dernière avec la spectaculaire acquisition de la chaîne Shoppers Drug Mart, connue au Québec sous la bannière de Pharmaprix, pour la somme de 12,4 milliards de dollars. La transaction a été brièvement éclipsée par les craintes des adhérents d'Optimum, la populaire carte de fidélité de Pharmaprix.

Les clients inquiets de voir s'envoler leurs points ont monopolisé les médias sociaux, forçant les entreprises à rassurer les consommateurs qu'il n'en serait rien, du moins pour l'instant.

Cette réaction vive démontre l'efficacité des programmes de fidélisation et permet d'assurer le succès d'une marque de produits en plus de déterminer certaines tendances et soubresauts de l'économie. Les clients qui jugeaient autrefois que ces points bonis n'étaient qu'un à côté estiment désormais qu'ils sont en droit de récolter les retombées de leur fidélité.

Une étude du groupe industriel Colloquy indique que les foyers canadiens ont adhéré en moyenne à 8,2 programmes de fidélisation, parmi lesquels le Pétro-Point et Esso Extra des stations à essence, les épiceries Sobeys et la carte HBC de la Baie d'Hudson.

Par ailleurs, la tension momentanée qui a suivi l'annonce de la transaction entre Shoppers Drug Mart et Loblaw ne constitue pas une première. D'autres entreprises ont subi les contrecoups de leur programme de fidélisation au fil des ans en modifiant parfois certaines règles du jeu.

«Les Canadiens ont grandi avec ces programmes en de nombreuses circonstances, et c'est pratiquement comme s'ils s'attendaient à cela», a expliqué le directeur commercial d'Aéroplan, Kevin O'Brien.

Aéroplan figure sans doute parmi les plus populaires programmes du genre et ses dirigeants ont dû composer avec l'insatisfaction de leur clientèle après avoir annoncé une modification majeure, soit l'expiration des points non utilisés après sept ans. Le changement doit entrer en vigueur à compter de cette année.

La direction avait choisi de fixer cette durée limite à sept ans puisque c'était le double de la «durée de vie moyenne d'un point», ou encore le nombre d'années que des points demeuraient en suspens dans un compte. Leur principal concurrent, le programme Air Miles, a emboîté le pas avec une durée maximale de cinq ans des points bonis.

Les points qui dorment ainsi dans des comptes sont considérés comme une dette, et les entreprises tentent toujours de déterminer combien il leur en coûterait si tous ces points étaient réclamés en même temps.

«Certains de nos adhérents avaient des points accumulés et inutilisés depuis 20 ans. Il devient donc très difficile, lorsqu'un tel programme croît, de faire une planification financière exacte. Nous devons donc instaurer une plus grande discipline», a expliqué le vice-président exécutif et directeur marketing d'Air Miles, Neil Everett.