Ismaël Chiadmi est vice-président principal chez Montrusco Bolton, à qui il s'est joint en 1997. Fondée en 1946, cette société montréalaise gère des actifs de plus de 5 milliards de dollars. M. Chiadmi est responsable de la gestion de tous les produits quantitatifs de Placements Montrusco Bolton, dont le Fonds quantitatif qui utilise des stratégies momentum.

À votre avis, quel est l'élément le plus significatif ces temps-ci en Bourse?

La situation en Europe revient à nouveau hanter les marchés, et l'impact risque de ne pas être négligeable. Après le sauvetage à Chypre qui pourrait connaître encore d'autres rebondissements, voilà que l'Italie reprend la Une de l'actualité alors que les politiciens semblent incapables de former un gouvernement de coalition. La situation menace donc à nouveau la valeur de l'euro, ce qui augure mal pour les marchés boursiers. Parce qu'un recul de l'euro signifie généralement un recul de la valeur des actifs risqués, donc des marchés boursiers.

Il ne faut pas oublier également la situation fiscale américaine qui demeure un obstacle qui n'est pas près de disparaître.

Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment ?

D'un point de vue macro-économique, l'indicateur le plus important, à mon avis, demeure le marché de l'emploi aux États-Unis. Cet indicateur a un impact majeur sur la croissance économique ainsi que sur les déficits budgétaires. De plus, la Réserve fédérale a informé les milieux financiers que sa politique monétaire très expansionniste allait se poursuivre tant et aussi longtemps que le taux de chômage ne sera pas retombé à 6,5%. Alors pour prévoir les taux d'intérêt, vaut mieux garder un oeil sur les chiffres de l'emploi.

D'un point de vue plus orienté vers les marchés, l'indice de volatilité VIX demeure l'indicateur à privilégier, car il permet de jauger l'appétit des investisseurs pour les actifs risqués. Comme le VIX revient toujours vers sa moyenne, cela en fait un indicateur unique pour mesurer l'excès d'optimisme ou de pessimisme des investisseurs, et ainsi éviter d'être victime de ces excès.

Que feriez-vous ces temps-ci avec une nouvelle somme à investir ?

Comme les marchés sont de retour à leur niveau d'avant la crise de 2008, ce contexte devrait inciter les investisseurs à une répartition prudente du risque. Pour tout nouvel investissement, je privilégierais une diversification traditionnelle, soit 60% en actions et 40% en obligations. C'est cette répartition d'actifs qui a offert le meilleur ratio risque/rendement depuis 100 ans. Alors pourquoi ne pas nous y fier?

Plusieurs considèrent que les obligations sont trop chères à leur niveau actuel. Mais bien que les taux soient effectivement très bas, je pense qu'elles constituent néanmoins une partie essentielle d'une saine diversification.

En contrepartie, quel placement éviteriez-vous à tout prix ?

Ce qu'il faut éviter, ce sont les actifs du marché monétaire, soit les bons du Trésor, les acceptations bancaires, les papiers commerciaux, etc. Ils seront les premiers à souffrir d'un retour éventuel à la normale des politiques monétaires des banques centrales, car ce sont les taux à court terme qui subiront en premier l'impact d'une hausse des taux directeurs. J'en détiendrais dans mon portefeuille uniquement en cas d'absolue nécessité.

Qu'est-ce que les marchés sous-estiment le plus actuellement ?

Les marchés financiers ne sous-estiment jamais rien. Ils ont plutôt tendance à réagir à l'information, mais avec un délai difficilement prévisible. Le marché n'a jamais tort. Mais l'analyse des investisseurs peut être influencée temporairement par des informations contradictoires. Actuellement, je pense que les marchés tardent à refléter l'état réel des devises, l'euro demeurant trop élevé, ainsi que le gouffre de l'endettement qui guette la majorité des pays industrialisés. Ceci explique en partie l'euphorie dans laquelle baignent les marchés actuellement, et le niveau de complaisance des investisseurs qui rejoint l'état d'avant la crise financière.