La saison des REER bat son plein. Mais selon plusieurs experts, bien des parents font fausse route en favorisant d'abord le REER comme outil d'épargne, puisque le Régime enregistré d'épargne-études (REEE) est susceptible de leur rapporter beaucoup plus, grâce aux généreuses subventions auxquelles il donne droit.                

Rembourser l'hypothèque et le prêt étudiant, accumuler un fonds d'urgence, épargner pour la retraite, pour les études des enfants, pour partir en vacances sans devoir sortir la carte de crédit... Pour les jeunes familles, pas facile d'établir des priorités financières. D'un côté, elles sont bombardées de messages publicitaires leur disant que leur retraite est en danger si elles n'investissement pas le plus tôt possible dans un REER; de l'autre, elles suivent avec anxiété le débat sur la hausse des droits de scolarité universitaires, en se demandant quelle sera la facture quand leur progéniture aura grandi.

À quoi faut-il d'abord consacrer son épargne ? Du strict point de vue de la rentabilité, entre le REER et le REEE, c'est le second qui est susceptible de rapporter le plus aux familles, selon le planificateur financier et actuaire Dany Provost, une opinion partagée par d'autres experts. «Dans la plupart des cas, si on fait la comparaison entre les deux régimes, pour le même effort d'épargne, le REEE l'emporte, dit-il. Les subventions gouvernementales pour l'épargne étude sont supérieures aux économies d'impôt que l'on réalise en cotisant au REER. »

En effet, pour une cotisation de 2500$ par année au REEE de leur enfant, les parents reçoivent une subvention maximale de 750$ des gouvernements du Canada et du Québec, soit 30% de leur effort. Ils accumulent donc 3250$ dès la première année. Si la même somme est investie chaque année pour obtenir le maximum de subventions gouvernementales (soit 10 800$ par enfant à vie), le montant accumulé sera généralement supérieur aux bénéfices d'un REER.

Par exemple, un couple ayant un revenu de 60 000$ et deux enfants en garderie, qui investit 2500$ par année, aura 6000$ de plus au bout de 18 ans si ces sommes sont déposées dans un REEE plutôt que dans un REER, selon les calculs de Dany Provost. Les résultats varient selon le revenu, l'âge des enfants et d'autres facteurs. Mais, dans le cas de familles biparentales du moins, le spécialiste n'hésite pas à dire que le REEE devrait toujours avoir préséance sur le REER.

Pas pour tout le monde

Tous les spécialistes en planification financière n'en sont pas convaincus. Pour Annie Boivin, vice-présidente, planification fiscale et successorale chez Richardson GMP, la décision dépend d'une foule de facteurs : l'âge des parents, la participation à un régime de retraite de l'employeur, l'argent déjà accumulé en REER, l'âge prévu de la retraite, etc. Surtout aux contribuables ayant des taux d'imposition élevés, elle a plutôt tendance à recommander d'investir d'abord le maximum dans des REER, et d'utiliser le retour d'impôt pour cotiser au REEE. «Dans ces cas-là, une cotisation REER de 5000$ donne un retour d'impôts de 2000$, que l'on peut mettre dans le REEE», illustre-t-elle.

À l'inverse, s'il privilégie d'abord le REEE, un parent pourrait reprendre ses cotisations de départ plus tard pour garnir son REER. En effet, au moment où l'enfant entreprend des études supérieures, il reçoit la valeur des subventions gouvernementales et les intérêts accumulés depuis l'ouverture de son régime. Quant au capital investi au départ, le parent peut décider de le verser aussi à l'étudiant, ou de le reprendre pour en faire ce qu'il veut, sans être imposé de nouveau sur ces sommes.

Pour le planificateur financier Éric F. Gosselin, il faut d'abord s'interroger sur ses objectifs et utiliser l'outil qui y correspond: le REER pour la retraite, le REEE pour les études de la marmaille. «Si on se préoccupe seulement de son REER et qu'il ne nous reste rien quand on veut payer les études des enfants, ce n'est pas une bonne idée, dit-il. Mais ce n'est pas mieux si on met tout dans le REEE et qu'on n'a plus les moyens d'épargner pour sa retraite.»

Et puis, avant d'investir dans un REEE, il y a aussi des parents qui se diront que leur enfant fera comme eux et travaillera pour payer ses études...



Le portrait


Geneviève, 44 ans

Graphiste, salariée

Revenu : 70 000$

REER : 158 000$

Placements non enregistrés : 12 000$

Liquidités : 30 000$

Cotise depuis deux ans à un régime de retraite à cotisations déterminées (elle met 3% de son salaire, son employeur en met autant)

Patrick, 42 ans

Traducteur, pigiste

Revenu : 45 000$

REER : 66 000$

CELI : 10 500$

Liquidités : 10 000$

Co-propriétaires d'une maison d'une valeur de 550 000$

Hypothèque : 55 000$, à 3% d'intérêts

Aucune autre dette

Deux enfants de 7 et 9 ans

Le problème

Geneviève et Patrick n'ont pas de régime d'épargne étude (REEE) pour leurs deux garçons. Ils aimeraient profiter des subventions offertes par ce programme. «Même si le gouvernement a renoncé à la hausse des droits de scolarité, on sait bien que les études universitaires vont coûter plus cher dans quelques années, surtout si nos enfants vont étudier à l'extérieur», souligne Patrick. Les parents se demandent notamment s'il leur serait possible de rattraper les années au cours desquelles ils n'ont pas cotisé au REEE.

Mais Patrick s'inquiète aussi de n'avoir pas suffisamment d'épargne pour ses vieux jours. Comme il est travailleur autonome depuis peu, il ne cotise plus à un régime de retraite. Il se demande s'il est préférable de mettre plus d'argent dans ses REER ou dans les REEE. Pour le moment, Geneviève et Patrick son prêts à consacrer 10 000$ (5000$ chacun) à l'un ou l'autre de ces régimes, puisqu'ils veulent se garder des liquidités pour rénover leur maison et pour voyager.

La solution

Dany Provost, directeur, planification financière et fiscale, au Cabinet SFL Cité de Montcalm, de Québec, a vérifié combien leur rapporterait une contribution aux REER comparativement à la même contribution au REEE. «Comme leur taux d'imposition est d'environ 40%, s'ils font une cotisation de 10 000$ au REER, ils auront un retour d'impôts de 4000$, donc leur cotisation leur coûte 6000$», explique l'expert. Pour les fins de la comparaison, M. Provost a évalué que, s'il faisait la même contribution pendant neuf ans, le couple amasserait 110 000$ (avec rendement de 4%). S'il devait décaisser cette somme et payer des impôts, toujours au taux d'imposition de 40%, il leur resterait environ 65 000$.

Pour évaluer la performance du REEE, le planificateur financier a supposé que le couple ferait le même effort financier que pour le REER, soit une cotisation de 6000$ (puisque les cotisations au REEE ne sont pas déductibles de l'impôt sur le revenu). Sur cette somme, divisée entre les REEE de leurs deux enfants, ils recevront une subvention de 30%, soit 1800$, pour un total de 7800$ par année. Après neuf ans, au moment où leur premier fils entreprendra des études collégiales, les REEE contiendront 85 000$ (à 4% de rendement), soit 19 000$ de plus que ce qu'aurait rapporté le REER. «Comme dans la majorité des cas, le REEE l'emporte», dit Dany Provost. Au moment des retraits, le rendement et les subventions gouvernementales deviennent des revenus imposables pour l'étudiant. Mais comme il a généralement de faibles revenus, il n'aura sans doute pas d'impôt à payer.

Notez que si Geneviève et Patrick touchent des subventions de 900$ par année par enfant, alors que le maximum est de 750$, c'est qu'ils peuvent recevoir les subventions pour les années où elles n'ont pas été utilisées, jusqu'au maximum de 10 800$ par enfant à vie.

Bien sûr, le problème de l'épargne retraite de Patrick n'est pas résolu avec cette stratégie. Pour cette partie de l'équation, le traducteur devra déterminer à quel âge il a l'intention de prendre sa retraite et quel niveau de vie il vise, avant de consulter un spécialiste. Comme le couple a 10 000$ de disponible cette année, il peut déjà décider de consacrer au REER de Patrick les 4000$ qui resteront après la cotisation au REEE.

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