Quelle est la valeur des avantages sociaux rattachés à un emploi permanent? C'est la question que se pose Suzanne, qui doit décider si elle reprend son poste pour un organisme paragouvernemental, ou si elle continue comme travailleuse autonome, en gestion de projet.

«J'ai pris une année sabbatique de l'emploi que j'occupe depuis 2004, pour faire de la consultation», explique la professionnelle de 54 ans, récemment divorcée et mère d'un enfant qui fréquente l'école primaire. «J'aime bien travailler à mon compte et j'ai un meilleur revenu. Mais je me demande s'il n'est pas préférable de reprendre un poste où j'ai la sécurité d'emploi, des assurances et un régime de retraite.»

Le planificateur financier Robert Gorgui, de la Banque Royale, s'est penché sur cette épineuse question, qui taraude sans doute bon nombre de travailleurs autonomes, qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour assurer leurs revenus et leur retraite. Pour tenter d'y répondre, M. Gorgui a fait des projections pour comparer les situations de Suzanne dans les 10 prochaines années selon l'option qu'elle choisit.

Si Suzanne retourne chez son employeur, à un salaire de 93 600$, sa contribution à son régime de retraite à prestations déterminées totalisera 9000$ jusqu'à sa retraite. Si elle travaille jusqu'à 65 ans, ces 10 années de contributions supplémentaires lui procureraient une rente à vie de 20 349$, indexée à 2,25% par année.

Régime de retraite contre REER

«En demeurant travailleuse autonome, pour avoir le même revenu de retraite, Suzanne devrait accumuler 372 000$ dans ses REER au cours des 10 prochaines années, soit environ 29 500$ par année», indique le planificateur financier. Comme cette somme dépasse son plafond de cotisation REER, elle devra en placer une partie hors REER. Ces calculs sont basés sur des rendements de placement de 5% par année.

Comme le revenu de Suzanne comme consultante est de 127 000$, elle a la marge de manoeuvre nécessaire pour accumuler cette épargne supplémentaire, souligne Robert Gorgui. Elle a des dépenses déductibles de 8000$, et mettra 23 000$ dans ses REER (le maximum), ce qui lui fera un revenu net de 66 000$, une fois les impôts payés (30 000$). Comme travailleuse autonome, elle doit payer à la Régie des rentes du Québec (RRQ) sa part ainsi que la part de l'employeur, ce qui totalise 4680$. Pour atteindre le montant voulu d'épargne en vue de sa retraite, elle doit aussi consacrer 6500$ à des placements hors REER. Tout bien calculé, il lui reste 54 820$ de revenu disponible.

Si elle décidait de redevenir salariée, en comparaison, à 93 600$ par année, elle devrait débourser sa contribution au régime de retraite (9000$) ainsi que les impôts à payer (25 000$) et les contributions au RRQ (2340$). Ainsi, il lui resterait un revenu disponible de 57 260$, soit près de 2440$ de plus que ce qui lui reste comme consultante.

Cependant, Robert Gorgui souligne que certaines dépenses déductibles qui permettent de réduire le revenu de travailleuse autonome de Suzanne, notamment celles liées à l'usage de sa voiture et à son bureau à la maison, sont des frais qu'elle aura aussi en tant que salariée, puisqu'elle aura la même voiture et la même maison. Cela vient donc réduire la différence entre les deux scénarios.

À prévoir: l'assurance

Si elle choisit le travail autonome, la quinquagénaire doit cependant prévoir des coûts pour contracter une assurance privée lui offrant une couverture similaire à ce que lui procure son assurance collective comme salariée. Le planificateur financier lui recommande de consulter un expert à ce sujet. Comme elle est mère, il est important qu'elle ait une assurance invalidité et une assurance vie, dont le coût des primes peut varier grandement d'une personne à l'autre, notamment selon les antécédents médicaux.

Au-delà des comparaisons de revenus, Suzanne doit prendre d'autres facteurs en considération au moment de prendre sa décision. «L'option de rester salariée lui procure une meilleure sécurité financière, mais moins d'autonomie, note M. Gorgui. En revanche, à son compte, elle a la possibilité de générer un meilleur revenu d'emploi, mais elle sera aussi obligée de gérer son épargne elle-même, avant et pendant la retraite. C'est une lourde responsabilité, même s'il est possible de bien s'entourer pour avoir de l'aide.»

Bonne position

Suzanne est en bonne position pour envisager de rester consultante, puisqu'elle n'a pas de dette et qu'elle est disciplinée dans sa gestion financière, remarque l'expert. Au-delà des 10 années qui ont fait l'objet de la comparaison, Suzanne a déjà des fonds accumulés dans son régime de retraite.

En outre, elle possède 145 000$ en REER et en CELI, et 138 000$ en placements non enregistrés. Qu'elle demeure consultante ou retourne à son ancien poste, elle continuera d'épargner 3500$ supplémentaires par année en REER et 5000$ en CELI, ce qui lui laisse un montant disponible pour ses dépenses de 48 760$ (ou 46 320$ si elle est consultante). Comme elle n'a besoin que de 35 000$ par année, elle se retrouve avec des épargnes supplémentaires. En conservant le rythme actuel, elle obtiendra un revenu de retraite d'environ 35 000$ par année, ce qui lui permettra de conserver le même train de vie.

LA QUESTION

«¿Devrais-je continuer comme travailleuse autonome ou reprendre mon emploi permanent¿? Si je reste consultante, combien d'argent devrais-je mettre de côté pour m'assurer un revenu de retraite équivalent à ce que me donnerait le fonds de pension de mon employeur¿?¿»

-Suzanne, 54 ans

LES DONNÉES

Revenu de son emploi permanent: 93 600$

Revenu comme travailleuse autonome: 127 000$

Actif:

REER: 125 000$

CELI: 20 000$

Compte bancaire: 40 000$

Placements hors-REER: 138 000$

Maison: 40 0000$, libre d'hypothèque

Aucune dette

LA RECOMMANDATION

«Comme elle a un revenu plus élevé comme consultante, Suzanne serait en mesure d'accumuler l'épargne nécessaire pour avoir un revenu de retraite similaire à celui que lui procurerait le fonds de pension de son employeur, tout en gardant à peu près le même revenu disponible.»

ROBERT GORGUI, planificateur financier, RBC Banque Royale