C'est devenu la norme. Partout où les consommateurs téléphonent, l'entreprise les prévient: «pour des raisons de formation et sécurité, cet appel peut être enregistré». Mais bonne chance aux clients qui veulent réentendre la conversation!

Récemment, Denis a renégocié l'entente de service avec son fournisseur de télécommunications. En l'espace d'une semaine, il a eu une demi-douzaine de conversations avec différents préposés. À chaque appel, les chiffres ne correspondaient jamais exactement à ceux de l'appel précédent. Agaçant! «Puis-je exiger d'avoir une copie de l'enregistrement», se demande le lecteur de La Presse.

«En principe, on a le droit d'avoir accès aux renseignements personnels qui nous concernent», répond Raymond Doray, avocat spécialisé en droit de l'information au cabinet Lavery. Mais il y a fort à parier que l'entreprise s'y opposera, pour toutes sortes de raisons.

Par exemple, en 2010, Vidéotron a convaincu la Commission d'accès à l'information du Québec qu'il lui était impossible de fournir des enregistrements parce que les conversations téléphoniques ne sont pas systématiquement enregistrées, ce que le client refusait de croire.

Aussi, l'entreprise peut s'objecter à la demande en prétendant que l'enregistrement contient des renseignements personnels sur le préposé qui a répondu au téléphone. Mais cet argument ne devrait pas tenir la route, estime Me Doray, puisque l'employé agissait dans le cadre de ses fonctions.

En août dernier, la Commission a justement ordonné à Loto-Québec de fournir deux enregistrements à un client, en masquant le nom de l'employé qui lui avait répondu.

Mais peu de consommateurs ont envie d'aller se battre en cour pour une demande d'accès à l'information. Heureusement, il y a moyen d'arriver au même résultat en sautant cette étape qui peut être très longue et complexe.

Le consommateur peut faire une demande d'accès, ce qui empêchera l'entreprise de mettre l'enregistrement à la poubelle.

«À partir du moment où vous avez fait une demande d'accès, il y a une interdiction dans presque toutes les lois de détruire l'enregistrement, ce qui en soi est intéressant, car même si l'entreprise s'opposait à vous remettre l'enregistrement, vous pourriez comme consommateur chercher à l'obtenir par l'émission d'un subpoena dans le cadre d'un recours civil», indique Me Doray.

Disons qu'il y a mésentente à propos d'un contrat conclu au téléphone. Plutôt que d'attendre le résultat de la demande d'accès, le consommateur peut poursuivre l'entreprise aux petites créances, par exemple. Il pourra alors envoyer une citation à comparaître à l'entreprise et exiger qu'elle produise le fameux enregistrement.

Enregistrez vous-mêmes

Mais comme on n'est jamais si bien servi que par soi-même, les consommateurs peuvent prendre l'habitude d'enregistrer leurs propres conversations.

Sur Internet, il existe des logiciels gratuits, comme Audacity (https://audacity.sourceforge.net), qui permettent d'enregistrer et de conserver les conversations téléphoniques dans son ordinateur. Plusieurs applications permettent aussi d'enregistrer à partir d'un téléphone intelligent (iTalk Recorder Premium, Recorder, etc.). De plus, les consommateurs peuvent se procurer une enregistreuse numérique pour environ 60$.

«Dans le cadre d'une relation d'affaires, rien n'interdit d'enregistrer une conversation», assure Me Doray. Tant que l'on prend part à la conversation, c'est parfaitement légal, contrairement à ce que certains pensent. Par contre, il est interdit d'enregistrer une conversation que l'on a interceptée.

Par politesse, vous pouvez prévenir votre interlocuteur que vous l'enregistrez. Mais légalement, ce n'est pas nécessaire.

Par contre, les consommateurs frustrés doivent résister à l'envie de se venger d'une entreprise en diffusant une conversation sur Internet. «Même si la conversation est authentique, ça pourrait constituer de la diffamation, si on donne l'impression que le préposé n'était pas très futé», prévient Me Doray.

Entre la diffamation et l'intérêt public, la ligne est parfois bien mince.