Claire est désemparée. Elle sait qu'elle a pris de mauvaises décisions financières. En dépit de son revenu de 65 000$ comme cadre dans un organisme paragouvernemental, elle n'arrive pas à faire face à toutes ses dépenses. «J'ai besoin de savoir comment repartir sur de bonnes bases», explique la célibataire de 48 ans.

Qu'est-ce qui la dérange? D'abord sa marge de crédit de 13 700$, dont le solde augmente sans cesse parce qu'elle l'utilise pour payer plusieurs dépenses courantes: impôt foncier, frais de condo, etc. «Je n'arrive pas à la rembourser», se désole-t-elle.

Ensuite, sa voiture, qui lui coûte la rondelette somme de 609$ par mois (en location). Claire reconnaît qu'elle s'est laissé emporter, il y a un an, lorsqu'elle a acheté un VUS valant 50 000$. Elle devra payer une pénalité de 1000$ si elle veut briser son contrat, auquel il reste encore trois ans. Elle se demande si ça en vaut la peine.

Autre inquiétude: sur les recommandations d'un ami, elle a investi ses épargnes REER et CELI (compte d'épargne libre d'impôt) dans des fonds de métaux précieux. Depuis un an, ses économies ont fondu de plus de 10 000$, il ne lui reste que 56 000$!

Finalement, elle cotise chaque année à son REER et à son CELI, mais sans stratégie précise. Comment doit-elle s'y prendre? Elle a la chance de bénéficier d'un régime de retraite à prestations déterminées de son employeur, mais aimerait quand même se constituer un petit bas de laine supplémentaire.

Claire a réduit ses dépenses en «magasinant» ses assurances et en révisant son contrat de services de communications, mais les sommes ainsi épargnées ne sont pas suffisantes pour redresser sa situation.

Retirer le CELI pour payer les dettes

Le planificateur financier Daniel Laverdière, expert-conseil à la Banque Nationale, Gestion privée 1859, suggère quelques pistes à Claire. D'abord, premier geste à faire: se débarrasser de sa voiture, beaucoup trop coûteuse, compte tenu de ses revenus. «Le calcul est facile: si une voiture plus économique lui coûte 350$ par mois, elle aura récupéré le montant de sa pénalité de 1000$ au bout de quatre mois, et elle commencera à réduire ses dépenses», explique M. Laverdière.

Ensuite, pour rembourser sa marge de crédit, le planificateur financier lui propose de se servir de son CELI. De toute façon, son épargne CELI ne lui rapporte rien, en ce moment; au contraire, elle perd de l'argent! Alors qu'elle paie des intérêts de 6,5% sur sa marge de crédit. «Ça ne se discute même pas, dit Daniel Laverdière. Elle doit tout retirer de son CELI pour réduire cette dette.» Dans les prochains mois, elle devra utiliser toute son épargne pour rembourser sa marge de crédit, avant de recommencer à mettre de l'argent de côté - avec un profil équilibré d'investissement, elle devrait obtenir un rendement de 4%.

Par la suite, M. Laverdière lui recommande de placer son épargne retraite dans son CELI plutôt que dans ses REER. Voici pourquoi.

L'a b c du TEMI

Daniel Laverdière s'est intéressé au taux effectif marginal d'imposition (le TEMI) de Claire après sa retraite, en utilisant les projections réalisées par l'Institut C.D. Howe et les courbes de Claude Laferrière, professeur de fiscalité retraité de l'UQAM (que l'on peut sur le site web du Centre québécois de formation en fiscalité, le CQFF). Les TEMI sont calculés en tenant compte de l'impôt sur le revenu, mais aussi des crédits d'impôt et des déductions fiscales, qui diminuent lorsque le revenu augmente. Par exemple, les personnes âgées n'ont plus droit au supplément de revenu garanti (SRG) fédéral au-delà d'un certain niveau de revenu, et les familles perdent certains crédits d'impôt quand leur revenu augmente.

Une célibataire sans enfants comme Claire, qui a un revenu de travail de 65 000$ par année, est assujettie à un TEMI de 38,4%. Comme elle bénéficie d'un régime de retraite à prestations déterminées avec son employeur, elle sait déjà quelle rente elle recevra à la retraite: 40 000$ (en dollars d'aujourd'hui), en plus de la pension de la sécurité de la vieillesse. Or, un tel revenu, pour une célibataire de 65 ans ou plus, est imposé à un TEMI de 43,2%. Donc, sur les sommes retirées de son REER à la retraite, elle paiera l'équivalent de 43,2% d'impôts. «Comme son TEMI sera plus élevé à la retraite que maintenant, il est plus avantageux pour elle d'épargner dans un CELI», explique Daniel Laverdière. En effet, les sommes accumulées dans un CELI ne sont pas imposées au moment du retrait, puisque l'argent que Claire a utilisé pour garnir son CELI a déjà été imposé au moment où elle l'a gagné.

Illustrons tout ça par un exemple simple: Mme A dépose 1000$ dans son REER, une somme sur laquelle elle ne paie pas d'impôts. Mme X, imposée à 40% comme son amie A, décide d'utiliser ce 1000$ de revenus pour contribuer à son CELI. Comme elle a déjà payé 400$ d'impôt sur cette somme, il lui reste 600$ à mettre dans son CELI. L'effort financier est le même pour les deux contribuables. Au bout de 10 ans, si les placements ont doublé dans les deux cas, Mme A aura 2000$ dans son REER, et Mme X aura 1200$ dans son CELI. Mais le taux d'imposition des deux femmes est maintenant de 45%. Il restera donc 1100$ à Mme A lorsqu'elle retirera ses 2000$, tandis que Mme X n'aura pas d'impôts à payer sur ses 1200$.

Daniel Laverdière fait une mise en garde: sa recommandation pour Claire ne s'applique pas à tous. Pour des couples, avec ou sans enfants, la situation est différente. Tout comme pour les personnes qui s'attendent à avoir des revenus beaucoup plus modestes à leur retraite qu'au cours de leur vie active. Ceux qui s'interrogent au sujet de leur TEMI actuel ou à la retraite devraient consulter les courbes du professeur Laferrière ou en discuter avec un conseiller. Mais pour Claire, il peut s'agir d'une bonne stratégie.

Une fois qu'elle aura remboursé sa marge de crédit, redirigé son épargne vers des placements mieux adaptés à son profil d'investisseur et mis fin aux dépenses exagérées - incluant les dépenses de logement - en faisant un exercice budgétaire rigoureux, Claire pourra avoir l'esprit en paix.

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La question

Comment Claire peut-elle repartir sur de bonnes bases  financières et se débarrasser du solde sur sa marge de crédit?

Les données 

Salaire: 65 000$

Actif:

REER: 49 000$

CELI: 7300$, Condo: 240 000$

Passifs:

Marge de crédit: 13 700$ à 6,5% de taux d'intérêt

Hypothèque: 151 000$ à 3,8% de taux d'intérêt

Location de voiture: 609$ par mois