Chaque samedi, un financier répond à nos questions. Il donne sa lecture des marchés, offre son point de vue sur la Bourse et lance quelques conseils d'investissement. Cette semaine, André Chabot, de Triasima.

Question: À votre avis, quel est l'événement le plus significatif des derniers jours à la Bourse?

Réponse: Côté économique, nous avons eu les résultats de deux indicateurs économiques importants, l'indice ISM (Institute of Supply Management) et l'indice PMI (Purchasing Managers Index) pour la France, l'Italie, l'Allemagne et la Chine. Les chiffres montraient soit un rebond par rapport à un niveau déprimé, soit un résultat supérieur aux attentes. Et aux États-Unis, ces indices montrent que l'économie retourne vers la croissance. Il s'agit d'un retournement parce que les statistiques qui ont été dévoilées depuis mai dernier étaient plutôt faibles. Les marchés avaient même recommencé à envisager une récession pour 2013. Mais nous n'y croyons pas.

Par ailleurs, le Wall Street Equity Sentiment Survey, sorti lundi, nous démontre que seulement 44% des gestionnaires de portefeuille sont surpondérés en actions, pratiquement un creux historique (la moyenne est autour de 60-65%). Comme il s'agit d'un indicateur contraire, c'est bon signe pour la Bourse.

Q. Quel indicateur suivez-vous le plus attentivement en ce moment?

R. On continue de suivre toutes les statistiques du marché de l'emploi aux États-Unis (demandes d'assurance chômage, création d'emplois, etc.). Depuis 15 mois, le marché du travail crée environ 150 000 emplois par mois, ce qui indique que la croissance économique est soutenable. On ne voudrait pas que ça retombe sous la barre des 100 000.

Aussi, on suit le ralentissement économique en Chine qui a une grande influence pour la Bourse canadienne, à forte teneur en ressources naturelles. De plus, nous suivons le prix des ressources naturelles qui a rebondi depuis l'été.

Q. Que feriez-vous avec 10 000$ à investir?

R. La Bourse pourrait nous surprendre agréablement d'ici deux ans. Alors nous partagerions les 10 000$ entre trois secteurs qui ont un bon élan.

1. Les grandes pharmaceutiques américaines qui vont très bien: Merck, Pfizer, Johnson&Johnson, Abbott Labs et Eli Lilly.

2. Les producteurs de bois d'oeuvre, comme West Fraser Timber, qui vont profiter de l'amélioration du marché immobilier aux États-Unis.

3. Les sociétés aurifères, comme Agnico-Eagle Mines et Argonaut Gold, qui deviennent plus disciplinées et plus rentables.

Q. Quel placement évitez-vous à tout prix?

R. Nous minimisons les titres à revenus fixes qui sont peu intéressants. Les taux d'intérêt sont devenus incroyablement bas: 2,2% pour les obligations canadiennes. Après impôt et inflation, il ne reste plus rien!

Aussi, on éviterait les condos dispendieux à Vancouver, Toronto et même Montréal! Historiquement, Montréal est à la traîne. Toronto a déjà eu son boom. Et maintenant, il y a une vague de construction incroyable à Montréal. Je crois que les prix vont plafonner, à cause de l'augmentation de l'offre. Plus les condos sont chers, plus ils sont vulnérables à un repli.

Q. Qu'est-ce que les marchés sous-estiment  le plus présentement?

R. Il y a un consensus voulant que le marché immobilier américain se soit finalement stabilisé. Mais les marchés sous-estiment l'effet bénéfique d'une reprise graduelle. Les ménages vont reprendre confiance et augmenter leurs dépenses de consommation discrétionnaire, ce qui permettra à l'économie de retrouver de la vigueur. Depuis 2008, l'économie avait le vent de face, à cause de l'affaissement de l'immobilier. Désormais, elle aura le vent dans le dos.

Enfin, les marchés sous-estiment la capacité des États-Unis d'améliorer leurs déficits d'ici 5 à 10 ans. Par exemple, la moitié du déficit des échanges commerciaux découle des importations de pétrole. Mais les Américains vont devenir beaucoup plus autosuffisants en énergie, ce qui aura un effet important sur leur déficit. Aussi, on pourrait être surpris de constater à quel point la croissance économique pourrait résorber rapidement leur déficit budgétaire, en haussant les revenus de l'État.

Si tel est le cas, ce sera très positif pour la Bourse qui s'en sortira bien mieux que les obligations lorsque les taux d'intérêt vont remonter.