Le Canada est le champion mondial des frais d'itinérance excessifs sur les téléphones intelligents. Ces tarifs réservent de très mauvaises surprises aux Canadiens qui naviguent sur internet ou téléchargent des données au cours d'un séjour à l'étranger.

Par exemple, Rogers Communications a réclamé 630$ à Suzanne Ménard qui a voyagé en France, l'été dernier. La dame pensait avoir désactivé les données de son iPhone avant de partir. Mais sans trop qu'elle sache pourquoi, Rogers lui a facturé pour un téléchargement de 20 mégaoctets (Mo), à un tarif de 31,50$/Mo.

C'est pratiquement 10 fois le prix qu'elle aurait eu à payer si elle avait pris un forfait avant son départ! En effet, «Rogers offre plusieurs trousses Voyage qui permettent d'éviter des surprises à la facturatio», explique la porte-parole, Luiza Staniec. Le tarif baisse à 3 ou 4$/Mo lorsqu'on achète un bloc de 100$ ou 225$ pour la semaine.

Mme Ménard a appelé au service à la clientèle. Réponse: rien à faire. Elle a ensuite envoyé un courriel au service des plaintes qui l'a dirigée vers le service de clavardage en ligne. Après plus d'une heure de chat, on lui a offert un rabais de 50$. Rien pour satisfaire la cliente!

Mais Rogers argue qu'il a appliqué le tarif prévu dans sa politique... quoique, dans sa politique, le fournisseur parle plutôt d'un tarif de 3 cents le kilooctet (et non de 30$/Mo), ce qui ne permet pas nécessairement aux clients de bien mesurer l'ampleur des frais qui les attendent.

De toute façon, «cela a beau être dans leur politique, je continue de penser que c'est de la facturation sauvage, dit Mme Simard qui a finalement obtenu un crédit exceptionnel de 350$ en s'adressant au bureau du président.

Autrement, quels auraient été ses recours? En vertu de l'article 8 de la Loi sur la protection du consommateur, «un consommateur peut demander la nullité du contrat [...] lorsque l'obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante», rappelle Anthony Hémond, avocat chez Allali Brault.

«Est-ce que les frais d'itinérance sont exorbitants? C'est fort possible», dit-il. Mais seul un tribunal peut le déterminer.

Sinon, il est possible de s'adresser au Commissaire aux plaintes relatives aux services de télécommunications (CPRST). Mais le CPRST vérifiera si la facturation est conforme aux modalités et aux politiques du fournisseur, sans se prononcer sur le caractère abusif du tarif, nous a dit le porte-parole, Philippe Mercorio.

De son côté, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) ne réglemente plus l'industrie du cellulaire depuis presque 20 ans. Mais le CRTC veut mettre de l'avant un code de conduite dans l'industrie du cellulaire, a appris La Presse. De plus, le Conseil a créé un nouveau poste de «dirigeante principale de la consommation» à la fin du mois d'août.

Souhaitons qu'elle se penche bientôt sur la question des frais d'itinérance excessifs...

En Europe, la Commission européenne est intervenue à maintes reprises, depuis 2007, pour plafonner les frais d'itinérance exorbitants sur les appels de l'étranger. En juillet dernier, la Commission a imposé un plafond de 0,7 euro le mégaoctet (environ 90 cents canadiens) pour les clients qui téléchargent des données ou naviguent sur l'internet sur leur téléphone intelligent de l'étranger.

Cette mesure «fera diminuer immédiatement les prix des services de données en itinérance, un domaine où les opérateurs réalisent actuellement des marges bénéficiaires scandaleuses», a déclaré Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission chargée de la stratégie numérique.

Les Canadiens qui voyagent à l'étranger paient en moyenne 25$ pour consommer un mégaoctet, ce qui correspond à l'envoi de quelques photos avec leur téléphone, selon une étude de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) réalisée en 2011. Il s'agit du tarif le plus élevé parmi les 34 pays de l'OCDE. Les Grecs paient cinq fois moins cher, soit 5$/Mo.

«Les niveaux actuels des tarifs montrent que, de façon générale, la concurrence est insuffisante», indiquait le rapport. L'OCDE milite pour une meilleure régulation afin de réduire les coûts élevés de l'itinérance pour données sur mobile.

Vous avez été victime de facturation excessive? Dites-le-nous!